Inflation, bérézina du Benno, regain de l’opposition, nouveau gouvernement, Macky Sall semble parti pour vivre une fin de mandat présidentiel très mouvementée, sinon très difficile
L’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, qui a été pendant dix ans (2012-2022) le maitre incontestable du jeu politique semble parti pour vivre une fin de mandat présidentiel très mouvementée, sinon très difficile. Le contexte actuel marqué par une combinaison de plusieurs facteurs dont la hausse généralisée des prix, la régression sur le terrain électoral de sa coalition politique, Benno Bokk Yakaar et la montée en puissance de l’opposition sous l’égide de l’inter-coalition Yewwi-Wallu ne laissent pas beaucoup de liberté de manœuvre au chef de l’Etat très attendu dans la nomination du nouveau gouvernement qui devrait consacrer le retour du poste de Premier ministre.
C’est un secret de polichinelle. L’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, est parti pour vivre une fin de mandat présidentiel très mouvementée voire très difficile. Et ce, après avoir été pendant dix ans (2012- 2022) le maitre incontestable du jeu politique qui inspire et fixe à lui-seul les règles démocratiques dans sa propre coalition grâce à son pouvoir de décret mais aussi dans l’opposition par le biais de l’instrumentalisation des dossiers judiciaires à des fins d’élimination de potentiels adversaires.
Aujourd’hui, force est de constater que Macky Sall pourrait vivre les 18 mois qui lui restent en tant que président de la République dans un état de tension permanent et largement préjudiciable, tout le contraire du temps qu’il a passé au Palais de la République. Sa coalition, Benno Bokk Yakaar qui a battu tous les records en termes de longévité (12 ans au pouvoir) a amorcé une dangereuse régression sur le terrain électoral. Benno n’a pas plus son statut de principale force politique au Sénégal acquise grâce à la double politique d’aliénation des principaux partis de gauche dont le Parti socialiste, l’Alliance des forces de Progrès (Afp), le Parti de l’indépendance et du travail (Pit), la Ligue démocratique et celle visant à « réduire l’opposition à sa plus simple expression », minutieusement exécutée par le président Sall.
La preuve, nonobstant sa victoire au niveau départemental lors des élections législatives du 31 juillet dernier, la coalition Benno Bokk Yakaar a perdu plusieurs communes symboliques. Dans la région de Dakar, toutes les communes sont quasiment remportées par l’opposition notamment l’inter-coalition Yewwi-Wallu.
A l’intérieur du pays, des communes à l’image de Kaolack, Saint-Louis, Kolda, Louga, Mbour, Tivaouane, Saly Portudal, Nguékokh, Sindia, Somone et Diass dans la Petite côte et Sédhiou, dirigées par des proches du pouvoir en place sont toutes tombées dans l’escarcelle de l’opposition. A ce défi de régression de la coalition au pouvoir, il faut également ajouter d’autres paramètres qui ne participent pas à aplanir le chemin de la gouvernance du Président Sall durant les dix-huit mois à venir.
Le premier concerne l’inflation généralisée des prix de consommation qui ont fini de plonger beaucoup de ménages sénégalais dans le désarroi. Sans revenu minimum et livré à la merci d’un marché des prix totalement hors de contrôle, il est difficile pour le « gorgolu » (débrouillard) de joindre les deux bouts. Ensuite, de l’autre côté, il y a la montée en puissance de l’opposition sous la houlette de l’intercoalition Yewwi-Wallu plus que jamais déterminée à imposer sa « loi de rupture ».
Ragaillardie par son score historique à l’issue des élections législatives du 31 juillet dernier, l’inter-coalition Yewwi-Wallu qui était à trois sièges de remporter la majorité parlementaire, a plus d’atouts que la coalition au pouvoir. Et ce, malgré la majorité absolue de 83 sièges obtenus grâce au revirement du leader de la coalition Bokk gis gis liggey, Pape Diop qui avait pourtant enfilé la tunique d’un opposant lors de la campagne électorale. Macky Sall n’est plus le maitre du jeu politique qui peut continuer à décider tout seul de tout. Il sera donc obligé, au risque de se mettre dans une situation d’impasse politique, de revoir beaucoup de choses pour pouvoir gouverner tranquillement durant le peu de temps qui lui reste à la tête de l’Etat.
Et la première équation à résoudre réside sans doute dans la composition du prochain gouvernement. Au risque de précipiter la dislocation de sa coalition, Benno Bokk Yakaar ou s’attirer les foudres d’une opposition qui a le vent en pourpre au niveau du Parlement, le chef de l’Etat est condamné à composer une équipe gouvernementale qui non seulement apportera des solutions à la hausse généralisée des prix de consommation mais aussi qui saura travailler en parfaite harmonie avec l’opposition.
Nando Cabral GOMIS