Bien avant qu’il n’accède au pouvoir, le président Sall, alors candidat à l’élection présidentielle de 2012, avait proposé aux Sénégalais de procéder à de nombreuses réformes au plan institutionnel s’il était élu. Des promesses qui n’ont jamais vu le jour
Durant ses 10 années passées au pouvoir, le président Macky Sall a eu à réaliser d’innombrables infrastructures. Hélas, cette réussite en termes de constructions et d’équipements n’a pas cadré avec son bilan immatériel caractérisé par des records tristement battus.
Bien avant qu’il n’accède au pouvoir, le président Sall, alors candidat à l’élection présidentielle de 2012, avait proposé aux Sénégalais de procéder à de nombreuses réformes au plan institutionnel s’il était élu. Des promesses qui n’ont jamais vu le jour… Mieux, il a complètement renié son engagement de rupture d’avec des pratiques qu’il avait condamnées et auxquelles il promis de mettre un terme une fois élu. Résultat, il est tristement entré dans l’histoire politique du Sénégal en battant plusieurs records pas du tout flatteurs !
Recordman des promesses non tenues
Les choses ont démarré lorsqu’il avait été plébiscité comme le candidat le mieux placé pour succéder au président d’alors, Me Abdoulaye Wade. En effet, l’actuel locataire du palais de la République, sur un ton ferme, avait fustigé le mode d’élection des députés au système majoritaire ou «Raw Gadou» qu’il s’était engagé à corriger pour plus de démocratie. Il n’en a rien fait. Aussi, en ce qui concerne la désignation des membres du Conseil constitutionnel, sa promesse c’était d’associer l’Assemblée nationale et le Conseil Supérieur de la Magistrature dans le choix des Sages. Une promesse à moitié tenue puisque le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, a eu son mot à dire dans la nomination de membres de cette haute juridiction. S’agissant du ministère de l’Intérieur comme organisateur des élections, tous ceux qui avaient prêté oreille à la promesse de Macky Sall ont eu la surprise de leur vie lorsque, répondant à une interpellation d’un journaliste, il a répété à trois reprises qu’il n’enlèvera pas à ce ministère la mission d’organiser les élections. C’est le même sentiment qui a animé bon nombre de Sénégalais quand le patron de Benno Book Yakaar a usé d’un grossier prétexte pour revenir sur sa décision de réduire son premier mandat de sept à cinq ans. Ce après promis partout, y compris au-delà de nos frontières, sa détermination à réduite la durée de son mandat. Il est vrai que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient ! Il n’empêche, même devenu président de la République, il avait continué de promettre de réduire la durée de son mandat…avant de prendre prétexte d’un très opportun refus du Conseil constitutionnel pour s’exonérer de sa dette (car la promesse est une dette, n’est-ce pas ?) relative à son mandat. Parlant des corps de contrôle, le successeur du président Wade s’était engagé auparavant à les laisser faire librement leur travail c’est-à-dire sans la moindre pression. La promesse consistait à leur attribuer tous les pouvoirs afin que toutes les personnes épinglées par les rapports répondent devant la justice sur leurs accusations. C’est en cela qu’il avait annoncé sa fameuse phrase « je ne protégerai personne, je dis bien personne». Par la suite, il s’est dédit pour dire : « j’ai mis le coud sur certains dossiers» !
Le seul président à n’avoir jamais gagné la mairie de Dakar…
Tous les présidents qui se sont succédé à la tête du pays ont eu à cœur de contrôler la mairie de la capitale. Dakar, qui polarise le département du même nom, est le plus grand grenier électoral de notre pays. En tant que tel, la capitale a toujours constitué un enjeu politique de premier plan. Sa municipalité, du fait aussi de son budget colossal, a toujours été un moyen pour le parti au pouvoir de réaliser plusieurs projets en infrastructures mais aussi de faire preuve de largesses au plan social. Ce pour gagner en retour la sympathie des populations et bénéficier de leurs voix aux différentes élections. L’actuel président de la République a été le seul à n’avoir jamais pu gagner la mairie de la ville de Dakar. Là également c’est un record qu’il a battu. En 2014, Khalifa Sall a réussi à prolonger son bail après s’être présenté sous sa propre bannière. Accusé d’avoir dissipé 1,8 milliards de francs dans le cadre de l’affaire de la « caisse d’avance » de la ville de Dakar, il a été arrêté, emprisonné, condamné puis radié de ses fonctions de maire en même temps qu’il était déchu de son mandat de député. En 2022, la sanction judiciaire ne lui a pas permis de se présenter aux élections locales pour reprendre son poste de maire Qu’à cela ne tienne son poulain, Barthélémy Diaz, qu’il a proposé comme candidat a conquis la mairie haut la main. Les différents candidats que Macky Sall avait présentés (Aminata Touré puis Abdoulaye Diouf Sarr) ne sont jamais parvenus à lui donner la majorité dans la ville. Ainsi donc, contrairement à ses prédécesseurs, le chef du parti au pouvoir n’a jamais pu mettre la main sur Dakar.
Transhumance, le leadership de Macky confirmé
Dans sa volonté de conforter sa majorité, Macky Sall, une fois au pouvoir, après avoir ligoté une partie du PS et l’AFP et des membres de la société civile, a jeté son filet dans les eaux de l’opposition pour y pêcher des poids lourds électoraux. Cette pratique appelée «transhumance», il l’avait pourtant attaquée quand il était dans l’opposition. Mais devenu président de la République, il n’a pas hésité à retourner sa veste pour qualifier de «légal» ce qu’il avait condamné avec véhémence au nom de la morale politique. Le résultat, c’est que dans toute l’histoire de notre pays, il a été celui qui a accueilli le plus de transhumants dans son parti ou sa coalition. Ses anciens « frères » du PDS, pour la plupart se sont dévêtus de leurs boubous ou robes bleus pour s’habiller désormais en « marron-beige ». Ils sont devenus sans honte bue ses plus grands défenseurs après avoir été ses plus virulents procureurs lorsqu’il avait maille à partir avec l’ancien président de l République. Et cet exercice consistant à faire rallier à sa bannière ses anciens adversaires adeptes du retournement de vestes ou de robes, promus au détriment de ses compagnons de la première heure, n’a fait que raviver la colère du peuple à son encontre.
Cohabitation, une grande première
Comme un tremblement de terre, les résultats issus des urnes lors des dernières législatives sont tombés sur la tête du président Macky Sall, créant un traumatisme total chez les aperistes. Un fait historique, qui pour la première fois se produit dans notre pays. Le parti au pouvoir, l’APR, incapable d’avoir la majorité qualifiée à l’Assemblée nationale ! La suite politique de cette situation inédite, c’est que la mouvance présidentielle est obligée de négocier avec une partie de l’opposition pour avoir le nombre de députés requis pour faire passer ses lois et bénéficier du poste de la deuxième personnalité de l’État. Et là encore, on n’a pas besoin d’aller fouiller dans les archives pour savoir que c’est sous le magistère de l’actuel président de la République qu’une cohabitation…parlementaire s’est instaurée au Sénégal. C’est en tout cas l’expression du peuple à travers son vote de ce dimanche 31 juillet 2022.
Arrestations, un nombre jamais atteint…
N’allez pas croire que la liste des records battus par le président Macky Sall est close. Non. Dans sa stratégie de réduire l’opposition à sa plus simple expression qu’il a annoncée publiquement, il a très tôt mis en branle sa machine à broyer de l’opposant ou de l’activiste. Les premières victimes n’ont été d’autres que les membres de son ancien parti. Après Karim Wade, 42 autres militants et responsables du PDS ont séjourné en prison. D’autres opposants et membres de la société civile comme Khalifa Sall, Barthélémy Diaz, Thierno Bocoum, Mamadou Diop Decroix, Abdou Mbacké Bara Dolly, Cheikhou Oumar Diagne, Guy Marie Sagna, Karim Xrum Xax, Thiat…ont goûté au confort des geôles du président Macky Sall. Ce sous les accusations les plus diverses dont les principales sont le trouble à l’ordre public, la participation à des rassemblements interdits, l’atteinte à la sûreté de l’État, l’enrichissement illicite… Dans tous les cas, le nombre de personnes embastillées sous l’ère Macky Sall est un autre exploit qui vient s’ajouter à cette longue liste de records battus loin d’être exhaustive.
Youssoupha BA