Après un scrutin apaisé ce dimanche 31 juillet, malgré les intempéries hivernales, la quiétude démocratique a reçu un coup de semonce et a presque basculé vers des abîmes irrécupérables. Alors que l’inter-coaliton Yewwi Askan Wi prenait une longueur d’avance sur celle de la majorité présidentielle, nuitamment, le pouvoir «proclame» sa victoire après avoir constaté de lourdes défaites dans certaines villes stratégiques et symboliques du pays.
Aminata Touré, tête de liste de la coalition au pouvoir, a été la tête d’affiche de cet épouvantail nocturne qui donne de la carambouille à la démocratie sénégalaise.
Il est minuit dépassé de 40 minutes. Presque 1H, ce 1 août 2022, la voix rauque d’Aminata Touré déchire la nuit. Entourée de certains responsables de l’Alliance pour la République (Apr), la tête de liste de la coalition Benno Bokk Yakaar (Bby) déclare une victoire de son camp. Cela, au moment où les lourdes tendances montraient nettement une suprématie de la coalition Yewwi Askan Wi dans beaucoup de localités comme Dakar dominée par Barthélémy Diaz qui a fait un remake des locales gagnées par l’opposition le 23 janvier 2022 devant le candidat du pouvoir Abdoulaye Diouf Sarr. Les mêmes tendances se sont confirmées à Pikine, Guédiawaye Thiès, à Rufisque, à Mbacké. Même la commune de Louga et celle de Saint-Louis qui ont été remportées par la mouvance présidentielle lors des locales sont tombées dans l’escarcelle de l’opposition.
En organisant son point de presse nocturne, Aminata Touré était certainement consciente de son acte. Une vraie carambouille à l’allure déconcertante. Mais, elle a préféré languir en mode poker sa liste des «30 départements sur 46 » qu’auraient remportés son camp. «Nous avons gagné sans appel », répétait-elle de manière anaphorique comme pour donner plus de valeur à un discours creux. Aucun chiffre n’a été donné, aucune statistique. De vagues informations dites avec beaucoup d’insouciance devant une assistance manifestement acquise à sa cause. Mimie cherchait ses mots… Laborieusement, enveloppées dans un tract difficile à gérer. Une sortie ratée. Sans doute, un casting précipité. Des déclarations aussi ténébreuses que la nuit acclamées comme pour se donner bonne conscience. Goudiry, Koumpetoum, Aéro Lao, Matam, Podor, Mbour sont entre autres départements cités par l’ex-Premier ministre qui cache une certaine gêne dans un large sourire. Elle avait même mis Goudomp dans le lot des départements remportés alors que le préfet de cette localité dans le sud du pays, a bien confirmé la victoire de Yewwi Askan Wi. Au même moment, des projections faites par le staticien Alphonse Jombo Thiakane sur la Rfm, laissent constater qu’à ce stade des tendances, BBY a obtenu (64 Sièges) : 42 Sur La Majoritaire, 22 Sur la proportionnelle; Wallu (26 Sièges): 18 Majoritaire, 08 Proportionnelle. Yewwi (45): 26 Majoritaire, 19 Sur La Proportionnelle; AAR Sénégal 2 Sièges Proportionnelle ;
Bokk Gis Gis 01; Bunt Bi 01; Les Serviteurs 01, Natangue 00…Il reste 25 sièges à se partager… Diourbel risque de basculer du côté de l’opposition.
Enjeux multiples
Les élections de dimanche 31 juillet 2022 ont été donc à enjeux multiples. Pour le pouvoir, il s’agissait de tout faire pour maintenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale pour pouvoir gouverner tranquillement d’ici à 2024 date de la présidentielle. Mais aussi éventuellement avoir la possibilité de voter certaines lois pour parer à toutes les éventualités à l’issue du second mandat de Macky Sall.
C’est raté soutiennent plusieurs analystes. Les résultats sortis des urnes et relayés par bon nombre de médias après les dépouillements, montrent que l’opposition a largement gagné dans les plus grands bastions électoraux.
Pour l’opposition, surtout celle réunie autour de Yewwi Askan Wi, cette victoire est synonyme d’un rejet d’une éventuelle troisième candidature prêtée au Président Macky SALL et d’une victoire probable à la présidentielle prochaine. Les enjeux dépassent de loin le cadre strict de l’Assemblée. Selon plusieurs spécialistes de la politique, le Sénégal serait sur la voie d’expérimenter la formule d’une cohabitation avec une nouvelle configuration de l’hémicycle. D’ailleurs, durant la campagne, les thèmes les plus mobilisateurs n’ont pas été liés au fonctionnement de l’Assemblée ou aux réformes qui s’imposent pour une représentation de qualité. Ces élections ont été en quelque sorte un deuxième test grandeur nature du premier tour d’une présidentielle à plusieurs incertitudes, prévue en 2024. Cette élection ouvre désormais le boulevard au Président Macky SALL de pouvoir se débarrasser des faucons du palais à l’arrogance flamboyante et d’autres poids lourds jusqu’ici qui ont fini de vendre du vent à leur chef d’orchestre. Idem pour la procession funeste de transhumants politiques censés apporter de la plus-value au camp de la majorité présidentielle en y déposant leurs bagages. Hélas, toute cette ribambelle s’est transformée en leurres et heurts, sous l’échafaud d’une opposition qui prend de la voilure.
Par Boubker BADRI (Confidentiel Afrique)