Jadis prompts à monter au créneau pour défendre le Président, on ne les entend que peu ou prou alors que Macky Sall engage avec l’opposition un bras de fer déterminant pour la survie de son régime. Pourquoi diantre ont-ils presque déserté le terrain ? Sont-ils impuissants face aux assauts répétés de l’opposition ? Ont-ils le sentiment de n’avoir pas été récompensés à la mesure de leur engagement ? Gros plan sur ces grands abonnés absents du camp présidentiel.
Le constat est patent : ils sont de moins en moins prompts à servir de boucliers au Président. Les uns sont muets comme une carpe ; les autres, avares en parole et ceux qui daignent apporter la réplique à l’opposition sont moins incisifs que dans un passé récent. Résultat : le Président est beaucoup moins défendu qu’il ne l’était à une certaine période, sinon mal défendu.
La faute sans doute à l’affaire Adji Sarr que les partisans du Président ont eu tort de considérer comme une arme dissuasive à opposer à Ousmane Sonko pour le neutraliser ou le réduire au silence. Or, manifestement, il n’y a ni l’un ni l’autre.
Car, plutôt que de réduire à quia le leader de Pastef, qui a su déjouer très tôt ce piège avec sa fameuse théorie du « complot », l’affaire Sweet Beauty lui a donné au contraire plus de mordant. Les officines du Palais ont-elles été donc bien mal inspirées de laisser la masseuse Adji Sarr et sa défenderesse Françoise Hélène Gaye mener, par procuration, le combat politique qu’il leur fallait livrer à Sonko ? Tout porte à le croire.
En tout cas, le leader de Pastef et sa coalition Yewwi Askan Wi déroulent, tandis que la réplique du camp présidentiel est presque inexistante. Mais, au-delà de cette erreur de stratégie de la part des sprin doctors du Palais, il y a que les défenseurs du Président sont devenus étonnamment discrets.
Dépassés, découragés ou démotivés ?
Ministre chef de cabinet du président de la République, Mame Mbaye Niang s’emmure dans un silence assourdissant. Seydou Guéye et Abdou Mbow, porte-parole du parti présidentiel et Abdou Latif Coulibaly, membre du gouvernement, se contentent pour leur part du service minimum. Ministre d’Etat et grand théoricien des réformes constitutionnelles « consolidantes », Ismaëla Madior Fall a perdu lui son latin. Enfin, bombardée patronne du Fongip, Thérèse Faye Diouf s’est comme baronisée. Bref, on voit de moins en moins tout ce beau monde monter au créneau pour servir de bouclier au Président comme ils en avaient l’habitude.
Lorsqu’il s’est agi récemment d’engager la bataille de l’opinion après le rejet par le Conseil constitutionnel de la liste nationale de Yewwi, ce sont Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Aminata Mbengue Ndiaye, tous les trois alliés du chef de l’Etat et présidents d’institution, qui se sont vus obligés de monter au front. Chose inédite, ce point de presse conjoint du président de l’Assemblée, du Conseil économique et du Haut conseil pour le dialogue des territoires, témoigne de la désertion du champ des défenseurs du Président par ceux-là qui étaient assignés jusque-là à cette tâche.
Pis, de plus en plus fréquemment, ce sont les Farba Ngom, griot du Président, Gaston Mbengue, promoteur de lutte et autres Coura Macky, activiste accro aux réseaux sociaux, qui se montrent les plus prompts à prendre la défense du chef de l’Etat. C’est dire si la qualité du profil de ces néo-défenseurs du Président laisse à désirer.
Seules, l’ancienne cheffe du gouvernement Aminata Touré et la ministre de la Jeunesse, Néné Fatoumata Tall, toutes deux redevables à Macky Sall de les avoir choisies respectivement comme têtes de liste nationale et départementale à Guédiawaye de Benno, essaient de tenir la dragée haute à l’opposition. Si ce n’est Zahra Iyane Thiam, ministre en charge de la Microfinance.
Les transhumants en première ligne
« Pourquoi se donner tant de peine à défendre un Président qui ne sait pas récompenser ses collaborateurs les plus dévoués et les plus engagés à leur juste mesure ? », ont dû se dire, en revanche, ceux qui s’étaient beaucoup illustrés comme ses plus fervents défenseurs.
Responsable Apr à Thiès, Abdou Mbow n’a manifestement pas digéré le choix de Yankhoba Diattara comme tête de liste de Benno à la ville. Surtout que ce lieutenant d’Idrissa Seck, qui lui en a fait voir des vertes et des pas mûres, ne doit son choix qu’à l’alliance entre son mentor et le Président Macky Sall. Et, au finish, le résultat a été lamentable puisqu’il a été battu à plate couture par le tout jeune Babacar Diop, candidat de Yewwi. De quoi rendre Abdou Mbow encore plus amer.
Idem pour le spécialiste en droit constitutionnel Ismaëla Madior Fall qui ne doit pas avoir apprécié son remplacement au ministère de la Justice par Maître Malick Sall. Tout comme Seydou Guéye, zappé par le Président au profit du Directeur de la Caisse de dépôt et de consignation Cheikh Bâ pour la conquête de la mairie de Médina. Sans oublier cet autre signal du Président qui n’a pas hésité à s’attacher les services de son grand rival, le transhumant Bamba Fall. Un geste vécu sans doute comme une humiliation de plus par le porte-parole de l’Apr.
Quid de Mame Mbaye Niang ? Il se voyait tellement en candidat idéal de Benno dans la capitale qu’une fois relégué au second plan au profit d’Abdoulaye Diouf Sarr, il n’hésita point à poser un acte de défiance à l’endroit du Président en présentant, envers et contre tout, sa propre candidature. Naturellement, après cet épisode, on le voit mal se porter à l’avant-garde du combat pour sa défense.
Quant à Thérèse Faye Diouf, elle tient visiblement à se départir de son passé de sauvageonne de l’Apr depuis sa nomination à la tête du Fongip. Enfin, Abdou Latif Coulibaly, grand vigil de la bonne gouvernance sous le magistère de Wade, il présente comme handicap le reniement aux grands principes qu’il défendait vaillamment en tant que journaliste. Et sur lesquels, hélas, il s’est assis depuis qu’il s’est converti en acteur politique et allié de Macky Sall.
En somme, c’est pratiquement le grand désert dans le camp des défenseurs du Président. Bien évidemment, la nature ayant horreur, ce sont les transhumants zélés et désireux de se faire voir et entendre par le chef qui se sont substitués à ses premiers défenseurs. Ils ont pour noms, Bamba Fall, Yankhoba Diattara, pour ne citer que les plus déchainés et les plus volubiles. Mais dommage pour le Président que leurs discours soient plutôt contre-productifs. Car on ne les entend guère ou on n’aime pas du tout les entendre. Et pour cause, la manière dont on les perçoit parle plus fort que ce qu’ils disent.
Momar DIONGUE