Il était temps que le président sorte enfin son sabre pour faire tomber ne serait-ce qu’une tête, pour sonner la fin de la récréation. On avait fini par croire qu’il n’y avait plus de pilote aux commandes de l’avion Sénégal
Il était temps que le président de la République sortit enfin son sabre pour faire tomber ne serait-ce qu’une tête, histoire de sonner la fin de la longue récréation dans laquelle se trouve ce pays depuis bientôt un an. Oui, depuis les préliminaires des élections locales de janvier dernier avec la foire d’empoigne ayant marqué les investitures dans le camp présidentiel. À peine ce scrutin était-il terminé que pointaient déjà à l’horizon les législatives du 31 juillet prochain. Une proximité temporelle qui a offert un sursis à un gouvernement dont il apparaissait évident qu’il était à bout de souffle mais que le président, par crainte de votes-sanctions lors d’une élection présentée comme la « mère des batailles » entre son pouvoir et une opposition ragaillardie, craint de remanier. Et se voit donc contraint de prolonger le bail alors même, encore une fois, que certains ministres tirent la langue et sont hors du jeu depuis longtemps. On avait fini par croire qu’il n’y avait plus de pilote aux commandes de l’avion Sénégal !
Alors que le conflit russo-ukrainien, intervenant après une pandémie de deux ans qui a mis à genoux l’économie mondiale, est en passe de balayer des pays comme les nôtres avec sa double répercussion sur les plans énergétique et alimentaire, obligeant à mettre en place partout — en Côte d’Ivoire par exemple — des équipes resserrées et plus professionnelles pour faire face à une situation d’une complexité sans précédent, le Sénégal, lui, donne l’impression de danser avec insouciance sur un volcan. Certes, le volcan des Mamelles est éteint d’après les vulcanologues mais enfin rien n’autorise cette insouciance et ce dilettantisme dont on fait preuve dans ce charmant pays dont on prétend qu’il est béni des dieux. Et plutôt que de prendre à bras-le-corps les gravissimes problèmes auxquels il est confrontés, ne voilà-t-il pas que l’on s’écharpe joyeusement entre pouvoir et opposition à propos de postes de députés ! Alors que les populations crèvent la dalle, croulent sous le poids des difficultés, ne savent plus où donner de la tête devant la cascade de hausse des prix des denrées de première nécessité et cherchent désespérément le diable pour lui tirer la queue — à supposer que le malin en ait encore une ! — donc, ces messieurs et dames nos politiciens font de la politique ! De la politique politicienne qui plus est…
Quant au navire gouvernemental, il va à vau-l’eau avec des ministres plus préoccupés de collecter des parrainages et de gagner leur circonscription en juillet prochain que d’accomplir leur job de ministres. Celui d’entre eux qui symbolisait jusqu’à la caricature ce laxisme, pour ne pas dire cette incompétence, c’est M. Abdoulaye Diouf Sarr. Lequel, en plus de mener un chimérique combat pour la conquête du département de Dakar alors qu’il est incapable de gagner sa petite commune de Yoff, était devenu par la force des choses un croquemort, un entrepreneur de pompes funèbres et un présentateur de condoléances à la suite de drames survenus dans nos hôpitaux plutôt qu’un ministre de la Santé ! C’est-à-dire un homme (ou une femme) chargé de manager un département ayant pour mission générique de préserver les vies de nos compatriotes ! Jamais, sans doute, il n’y a eu autant d’accidents dans nos hôpitaux que depuis que M. Abdoulaye Diouf Sarr dirige le ministère de la Santé.
Des quatre bébés de la crèche de l’hôpital de Linguère morts calcinés l’année dernière aux 11 petits anges brûlés vifs de l’hôpital de Tivaouane ce mercredi, en passant par la parturiente décédée des suites de négligences médicales à l’hôpital de Louga, sans oublier ce pauvre bébé déclaré mort par une aide-soignante avant d’être envoyé à la morgue de l’hôpital de Kaolack alors qu’il était encore vivant, les drames dans nos établissements publics de santé ne se comptent plus. On ne parle pas bien sûr de ces morts quotidiennes dans les mêmes établissements et que les parents des défunts mettent sur le compte de la fatalité. A tel point que, plutôt que d’être des lieux de préservation de vie ou de réanimation, ces hôpitaux sont devenus des mouroirs d’où l’on ressort les pieds devant ou dans un cercueil. Des drames qui n’émeuvent presque plus personne à force d’être récurrents. Et pensez-vous donc que face à ces multiples drames dus à des dysfonctionnements de notre système de santé, M. Abdoulaye Diouf Sarr ait jamais songé à démissionner ? Allons donc !
Après chaque drame, ce monsieur, après avoir présenté les condoléances du président de la République et du gouvernement, annonçait la création d’une commission d’enquête pour situer les responsabilités alors qu’il apparaissait pourtant évident que le principal responsable moral, c’était lui et personne d’autre. Mais voilà, il est tellement plus commode de se défausser sur des lampistes… Et pourtant, l’honnêteté commande de reconnaître que jamais, sans doute, il n’y a eu autant de milliards injectés dans le secteur de la santé que sous le magistère du président Macky Sall. Des milliards comme s’il en pleuvait et un secteur qui a acquis bien des équipements de dernière génération faisant qu’il a la tête dans le 21ème siècle et les pieds dans le Moyen-âge malheureusement !
La Bourse ou la vie
A côté de M. Abdoulaye Diouf Sarr, le personnel du secteur de la Santé, plutôt que d’aller se cacher et de se faire tout-petit, prend en otage le pays tout entier à travers des grèves sempiternelles pour des revendications tournant toujours autour d’augmentations salariales, de primes de rendement et de motivation — oui, vous avez bien lu mais ne riez pas ! —, d’indemnités de logement et d’irresponsabilité si ce n’est de paresse en plus bien sûr d’exiger d’être payés pour les jours de grève, donc non travaillés. C’est-à-dire en gros le droit d’être rémunérés par le contribuable toute l’année à ne rien faire sinon à tenir des assemblées générales et des sit-in, si ce n’est à arborer des brassards rouges comme le sang des pauvres malades ou des blessés qui trépassent dans leurs hôpitaux. Un personnel de santé bien souvent sorti d’écoles « de formation » de pacotille et qui s’est sédimenté suivant les recrutements politiciens des divers ministres qui ont eu à diriger le secteur. Mais attention, dans ce registre de la prise d’otages avec demande de rançons gouvernementales des pauvres citoyens que nous sommes, les personnels de santé ont fort à faire pour soutenir la concurrence de leurs collègues enseignants devenus eux aussi les champions du monde de la grève pour un oui, pour un non voire un peut-être.
Toutes les occasions sont bonnes pour ces messieurs et dames de notre secteur de l’éducation, aussi, pour cesser le travail…afin d’aller dispenser des cours dans le privé. Ou rester tranquillement chez eux tout en percevant leurs salaires ! Ils viennent encore de repartir en grève pour un tour, après avoir déserté les classes pendant presque trois mois en début d’année, cette fois-ci pour refuser la défiscalisation des énièmes indemnités que l’Etat vient de leur accorder. La République est décidément bonne fille. Au titre de la dernière Loi de finances rectificative (Lfr), le gouvernement a consacré une ligne budgétaire de 100 milliards de francs au titre d’augmentations salariales accordées aux bienheureux fonctionnaires, la part du lion étant allée aux éternels grévistes que sont les personnels du secteur de la Santé et de l’Education !
Bien évidemment, mes oreilles vont siffler, bien évidemment je vais me faire insulter, traiter de tous les noms d’oiseaux, agonir mais enfin c’est des choses qui méritent d’être dites et je les dis. Pour le reste, à force de subventionner à tout-va, de revaloriser des traitements à tout-va, de procéder à des transferts de cash en veux-tu en voilà, bref, de faire supporter au Trésor public plus qu’il ne peut — plutôt que de prendre les mesures d’austérité et de vérité des prix qu’impose la situation, plutôt aussi que de mettre des pros aux affaires —, le gouvernement s’expose à des lendemains qui déchantent. Et comme à la fameuse cigale de la fable, on pourrait lui dire à ce moment-là : « vous chantiez ? eh bien dansez maintenant ! »
Ps : En nommant Marie Khemess Ngom Ndiaye, une professionnelle qui a fait toute sa carrière dans la santé publique, pour remplacer M. Abdoulaye Diouf Sarr, le président Macky Sall a eu la main heureuse assurément. Cette dame connaît parfaitement notre système de santé profondément déglingué hélas ! et saura sans doute lui apporter la thérapie de choc dont il a besoin. On espère qu’à l’image de ce qu’il a fait pour la Santé, le président de la République saura mettre à la tête de tous nos départements ministériels des gens compétents, des professionnels, plutôt que des individus dont la seule référence est d’être des responsables de l’APR ou de Benno !
PAR MAMADOU OUMAR NDIAYE