L’Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint Louis juge « pertinente dans l’absolu » l’alliance Yewwi-Wallu dans les départements. Invité à l’émission Objection hier, dimanche 15 mai, Maurice Soudieck Dione a toutefois alerté sur le danger qu’encourt ce bloc de l’opposition du fait du vent de contestations provoqué par les investitures et qui pourrait le discréditer et renforcer le camp d’en face ».
Invité de l’émission Objection de la radio Sudfm hier, dimanche 15 mai, l’Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis a indiqué que les coalitions Yewwi Askan wi et Wallu Sénégal qui ont initié une alliance au niveau départemental ont réussi bon coup dans le cadre de leur combat politique contre le régime en place. En effet, interpellé par notre confrère Baye Oumar Guèye sur la portée de cette nouvelle alliance qui a presque surpris tout le monde après l’échec de la tentative de ces deux coalitions d’aller ensemble aux dernières élections locales, Maurice Soudieck Dione a indiqué que « c’est une alliance qui est pertinente dans l’absolu eu égard au mode de scrutin au niveau départemental (puisque c’est un scrutin majoritaire à un tour). Donc lors qu’on a une seule voie de différence, on rafle tous les sièges. Cela veut dire qu’il faut de l’efficacité, du pragmatisme politique pour engranger le maximum de sièges au niveau des départements pour espérer avoir une majorité à l’Assemblée nationale ».
Poursuivant son analyse sur les forces et faiblesses de cette alliance politique, l’Enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint Louis a toutefois tenu à alerter sur le danger qu’encourt ce bloc de l’opposition secoué par un vent de contestations provoqué par les investitures. En effet, pré vient-t-il, « se tirailler pour des postes de positionnement discrédite l’opposition et renforce le camp d’en face ». « C’est intéressant de remarquer, depuis les législatives 2017, que la plupart des coalitions tournent autour de l’évidence de la souffrance des Sénégalais et de l’urgence de sauvetage si je peux dire. On a : « Aar Sénégal », « Mankoo taxawu Sénégal », « Mankoo wattu Sénégal », et aujourd’hui, Yewwi Askan wi et Wallu Sénégal. Donc, on se dit qu’on est en face d’un patient qui souffre et il faut intervenir dans l’urgence pour le sauver. Est-ce que dans ces conditions, on devrait avoir le temps de se préoccuper des égos », s’est-il interrogé avant de poursuivre. « Ensuite, la deuxième interrogation, c’est de se dire aussi est-ce qu’on n’est pas en train de reproduire au sein de l’opposition, des pratiques politiques que l’on dénonce au niveau des tenants du pouvoir. Autrement dit, si ceux qui sont au pouvoir et ceux qui sont dans l’opposition participent de la même culture politique, finalement quel sens peut avoir une promesse d’engagement ? »
IMPACT DE LA LOI SUR LA PARITE DANS LA DEMOCRATIE SENEGALAISE : «C’était trop brutal et finalement improductif de vouloir imposer un critère de sexe au détriment d’un critère de mérite…»
Au centre du débat autour du risque d’invalidation de la liste départementale de la coalition Yewwi Askan wi à Dakar, la loi sur la parité n’enrichit pas la démocratie sénégalaise. L’avis du Pr Maurice Soudieck Dione. Interpellé lors de son passage à l’émission Objection hier, dimanche 15 mai 2022, sur la contribution de cette loi dans l’enrichissement de la démocratie sénégalaise, l’Enseignant chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis a été formel en déclarant : « Je suis un peu sceptique parce qu’en 2007, lorsque le Conseil constitutionnel rejetait la première loi sur la parité, j’avais écrit un article intitulé « Parité, état de droit et démocratie » où je critiquais effectivement la parité. En disant dans un pays pauvre, sous-développé, il fallait mettre en avant le critère de compétence plutôt que le critère de sexe. Ça n’avait pas de sens. Et que s’il y a plus de femmes compétentes, il faut les mettre. S’il y a plus d’hommes compétents également, il faut les mettre puisque c’est le critère d’efficacité qu’il faut mettre en avant ».
Poursuivant son analyse, Maurice Soudieck Dione tout en prônait au passage un « accompagnement des femmes afin d’identifier sérieusement et judicieusement les obstacles à leur promotion et de travailler à les surmonter de façon que leur participation soit beaucoup plus effective et beaucoup plus efficace », a cependant déploré le caractère trop brutal et improductif de cette loi qui cherche à imposer un critère de sexe au détriment d’un critère de mérite. « C’était trop brutal et finalement improductif de vouloir imposer un critère de sexe au détriment d’un critère de mérite et on le voit bien à travers l’éclatement de la coalition Yewwi puisque si les coalitions avaient beaucoup plus de marge de manœuvre, peut-être qu’on aurait pu avoir moins de frustrations parce qu’on a vu des leaders qui ont quand même une expérience, une compétence, qui ont occupé des fonctions essentielles, qui sont chefs de parti et qui sont relégués à des positions du fait en partie de la parité avec des personnes de sexe féminin qui, évidemment ont moins d’envergure politique».
VERROUILLAGE DES LISTES D’INVESTITURE DE BENNO : Une stratégie payante avec des limites
Interpellé également sur le verrouillage par les responsables de la coalition au pouvoir de leurs listes d’investitures, l’enseignant chercheur en séances politiques a estimé que cette démarche est une bonne stratégie dans la mesure où, précise-t-il, cela va éviter une floraison de listes parallèles au sein de la mouvance présidentielle. « Le verrouillage relève à la fois d’une stratégie payante ou difficultés différés parce que si on avait sorti les listes, peut-être qu’il aurait pu avoir des velléités de listes dissidentes qui auraient pu fragiliser la coalition au pouvoir d’autant plus que c’est un scrutin majoritaire à un tour. De ce fait, lorsqu’on a une seule voix de différence, on remporte tous les sièges. Le fait de verrouiller cette possibilité d’avoir des listes parallèles, je crois que c’est une bonne stratégie », a estimé le professeur Maurice Soudieck Dione qui s’est toutefois empressé de préciser. « Mais d’un autre coté également, ceux qui se sentent frustrés, rien ne peut les empêcher d’avoir une logique d’implication plus fade dans les activités politiques ».
ÉLECTIONS LEGISLATIVES : Maurice Soudieck Dione prône un scrutin majoritaire à deux tours
Par ailleurs, se prononçant sur le mode de scrutin à un tour aux élections législatives, l’enseignant chercheur en Sciences politiques a mis en garde contre le risque « d’un décalage et un déphasage trop marqué entre la représentativité sociologique et la représentation juridique » de la majorité qui sortira des urnes au soir du 31 juillet prochain. Sur ce, il a prôné un scrutin majoritaire à deux tours dans les départements pour, dit-il, éviter qu’on se retrouve avec une minorité qui va bénéficier d’une amplification de sa victoire. « Si on a un scrutin majoritaire à deux tours, on ne va pas avoir des minoritaires qui vont se retrouver avec une amplification de leur victoire comme c’est le cas actuellement pour Benno Bokk Yakaar qui a eu lors des législatives de 2017 : 49,48% des voix tout en ayant 125 sièges sur les 165», a-t-il rappelé. Avant de lancer : « Il faudrait qu’on fasse attention à ce qu’il n’y ait pas trop une disproportion et une distorsion, un décalage et un déphasage trop marqués entre la représentativité sociologique et sa représentation juridique. Autrement, cela fragilise les institutions et lorsque les institutions sont fragilisées, il y a beaucoup peut-être de citoyens sénégalais qui ne se sentent pas représentés et cela crée un divorce, une césure entre gouvernants et gouvernés».