Le président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) a été l’invité de l’émission « Grand Oral » de samedi sur la radio Rewmi FM. Abdoul Mbaye qui s’est prononcé sur le parrainage qu’il a qualifié « d’instrument d’élimination de candidats. »
Les élections législatives de 2022 sont prévues au 31 juillet prochain, êtes-vous surpris par le fait que beaucoup de listes soient recalées, notamment au stade de parrainage?
Il a été constaté beaucoup de bruit autour de la question de parrainage et cela ne me surprend pas puisque quand on dit parrainage d’abord on parle de petite « magouille » inconstante visant à éliminer des candidats. On parle d’un processus qui ne peut pas être appliqué tel qu’il a été défini et qui a été condamné par la CEDEAO comme violence au droit fondamental de l’homme. On parle d’un système que la cour de justice de la CEDEAO a demandé de suspendre, d’arrêter. Il y a des contrôles de parrainage qui oublient que c’était un parrainage. Il faut rappeler que le parrainage est une signature d’électeur puisqu’il est défini par la constitution du Sénégal en son article 22. Vous livrez vos parrainages et dans les 48 heures ou 72 heures, on vous dit que vous n’avez pas respecté partiellement. Un contrôle de 50 000 signatures ne peut pas se faire en 48 ou 72 heures. Donc, il y a une grosse arnaque derrière.
Concernant la liste de Benno Bokk Yakaar ?
Même s’il s’agit d’un parrainage, c’est triste que l’administration sénégalaise, la police sénégalaise décide de faire fi d’une jurisprudence établie par le Conseil Constitutionnel de cette juridiction. C’est vrai que tout le monde sait qu’ils ne font pas les choses comme elle devrait se faire, mais c’est encore la preuve qu’on est dans une sacrée pagaille dans ce pays et qu’il n’y a plus respect d’une hiérarchie de normes qui devrait s’imposer dans tout le pays digne d’étiquette d’un État de droit. L’arrêté du ministre dit « on ne tient pas compte du surplus ». C’est extrêmement grave de dire ça. Ce parrainage n’existe que pour éliminer des candidatures et il va créer un problème dans notre pays.
Même les délais ne sont pas respectés par les candidats?
Il y a qu’à même à la matière, une jurisprudence qui fait qu’on vous demande d’être dans les locaux parce qu’eux-mêmes leur propre administration ne va pas tout prendre en charge. Je pense qu’on doit régler un peu la situation.
Et pour le cas de la CENA?
Revenons toujours à cette définition du parrainage parce que je ne les ai pas encore entendu dire qu’ils ne sont pas en train de respecter la règle du contrôle du parrainage qui ne peut se faire que sur papier. D’ailleurs, le Conseil Constitutionnel lui-même dans sa décision numéro 02, a dû introduire dans sa décision qu’il avait contrôlé les fiches de parrainage parce que c’est ce dernier qui recueille la signature. C’est un mensonge car ils n’ont pas pu le faire, tout ce qu’ils ont fait, ils sont supposé l’avoir fait en présence du représentant de la société civile. Les représentants de la société civile ont bien dit qu’il n’y avait pas eu contrôle sur les parrainages sur papier. C’est un système inapplicable. On se place malheureusement souvent au niveau du fait lorsqu’il arrive au niveau de l’actualité. Mais, il faut également s’inscrire dans une perspective historique. Qu’est-ce que l’histoire retiendra de l’introduction du parrainage citoyen par Macky Sall dans le processus électoral du Sénégal. L’histoire retiendra qu’en 2017, lors des dernières élections législatives, Macky Sall a constaté qu’il était minoritaire dans le pays, que sa coalition Benno Bokk Yakaar représentait moins de 50% des voix des électeurs parce qu’il constate que Macky Sall décide d’introduire un instrument d’élimination de candidat pour organiser une élection qui lui assure un passage au premier tour sans exclure tout ce qui entoure les élections qu’il organise. Et c’est comme ça que le parrainage est arrivé défini de telle manière qu’il ne pouvait être applicable pour ainsi laisser la voie libre à l’exécution de ces instructions appliquées par le Conseil Constitutionnel. Mais, on a l’impression que l’opposition laisse faire, puisque la cour de justice de la CEDEAO a ordonné que ce parrainage doit être supprimé.
Au niveau de l’opposition, on ne vous entend pas trop dans la lutte parce que vous n’avez plus de moyens de faire face à Macky Sall?
Dans une certaine manière, nous avons épuisé tous les moyens, peut-être la révolution et c’est lui qui la provoquera. Mais, nous sommes une opposition raisonnable, démocratique. Il a empêché les manifestations, c’est à ce niveau-là qu’il faut faire la différence entre Macky Sall et Abdoulaye Wade. Le Président Abdoulaye Wade a eu le courage le 23 juin d’autoriser les manifestations. C’est un homme courageux et démocrate, ce n’est pas le cas de son successeur. Ils ont empêché les manifestations à l’époque, ils ont fait passer la loi malgré tout. Il ne restait plus que le recours auprès du Conseil Constitutionnel. Le monde va savoir comment il gère cette démocratie sénégalaise dans un contexte régional tendu. Le monde pourrait intervenir et réclamer l’application des règles universelles de droit. La deuxième option est la révolte. Nous avons déjà vécu cela en février et mars dernier, malheureusement, je crains que cela se reproduise.
Le cas de Yewwi, selon vous, est-ce qu’on peut tripatouiller une liste déjà déposée à la Dge ?
Je vois les choses autrement, je pense qu’il faut se mettre dans une attitude de recherche de calme, de transparence des élections. S’il est établi qu’il y a erreur, il faut donner les moyens de corriger cela. Il y a des erreurs sur le nombre de parrains présentés par la liste Benno Bokk Yakaar, c’est clair et net. Manifestement, il faut une enquête approfondie pour voir exactement ce qui s’est passé. Il est manifeste que les listes sont établies sans la transparence suffisante qui pourrait permettre un contrôle.
Toute cette polémique autour de ces listes ne donne-t-elle pas raison qu’il fallait un organe autonome pour organiser les élections ?
Je pense que c’est une voie indispensable qu’on doit emprunter pour la démocratie sénégalaise si on veut rester en tête des États africains pouvant se prévaloir de cette qualité. La Cena est prisonnière de la nature même du parrainage. Normalement, la première exigence devrait être d’aller contrôler les signatures des électeurs.
Avec tous ces problèmes que rencontrent Yewwi et Wallu, la cohabitation n’est-elle pas tombée à l’eau?
Sauf expédiant, dans le genre, on vous élimine de Dakar. Car quand on élimine de Dakar, Dakar est quasiment sûr que Yewwi plus Wallu gagnent. Mais si jamais, vous invalidez Yewwi et Wallu, en ce moment-là, vous avez une différence de 14 députés, c’est ça le problème. Personne n’oubliera cette injuste forfaiture. Ma grosse crainte, j’alertais en fin décembre sur cette question et en novembre 2020, il suffit d’une étincelle pour ensuite mettre le feu. Malheureusement, nous avons affaire à des gens qui sont obsédés par leur maintien au pouvoir. Ce qu’on leur demande, c’est de régler les problèmes des Sénégalais. La rue malheureusement risque d’être une dernière solution, si on refuse les voies de justice et démocrates.
La limitation du mandat a posé beaucoup de soucis aux pays africains, qu’en pensez-vous ?
Remettre en cause comme ça publiquement le contenu de votre constitution pour un Chef d’Etat considéré comme gardien de la constitution, reste dramatique. Je vois ces choses sur deux angles. Le premier est un problème d’honnêteté et le deuxième d’efficacité, de compétence ou d’incompétence. Le problème est le suivant ; celui qui nous parle va faire bientôt 10 ans au pouvoir et sait comment fonctionne le programme de « yonou yokouté ».
Comment évaluez-vous le travail du Président de la République depuis qu’il est dans le pouvoir?
Je constate simplement qu’il laissera un Sénégal avec plus de pauvres que quand il est arrivé.
Pourtant, il annonce une réduction de 5%
Il parle de 5% mais ne parle pas du nombre car, le même rapport qu’il cite ainsi que sur l’augmentation du nombre de pauvres, quand vous avez un système qui vous permet d’assurer la sortie clandestine des pauvres, qu’ils ne peuvent pas vivre dans leur pays et qui prennent même le risque de leur mort dans le désert, vous réduisez en plus ce nombre. Ce nombre est sous-estimé et c’est pourquoi il ne le cite pas. Une agriculture qui est par terre dont le principal indicateur est celui du bassin arachidier avec des chiffres faux car la Sonacos ne réussit pas à réunir 500 mille tonnes. La pêche n’existe plus, une inflation qui affecte le revenu des ménages et contribue à l’approvisionnement des populations. Des emplois qu’on ne voit pas venir même si l’on annonce une croissance qui n’apparaît nulle part sauf peut-être chez les politiciens en poste. Si la richesse existe, elle est confisquée. Il y a un gros déficit budgétaire. Il y aura une augmentation des premiers prix de base. Voilà ce que Macky Sall va laisser au Sénégal, c’est un échec total.
Parlons des rapports publiés par l’Ofnac, pouvons-nous nous attendre à des suites judiciaires ?
L’habitude est là, je ne vois pas ce qui va changer, c’est un régime qui fonctionne comme ça, on fait semblant de faire croire aux Sénégalais et à la communauté internationale qu’on lutte contre la corruption endémique et qu’on se développe. Par contre, il y a des rapports qui sont faits de bonne foi, je ne vais pas les remettre en cause.
A Dubaï, on a vu des comportements des jeunes filles pour des questions d’argent. Qu’est-ce que ça vous a inspiré comme commentaires ?
C’est scandaleux et je pense qu’il faut faire la part des choses. Car, il existe des personnes qui prennent leur avion en toute connaissance de cause, qui se rendent là où elles doivent se rendre et font des choses légales. Par contre, il y en a qui sont abusées et contre ça il faut sévèrement sévir en y associant les victimes lorsqu’elles le reconnaissent, mais également les pays d’accueil en espérant que ces dernières seront en coopération. Je pense que les autorités consulaires en charge des ressortissants à Dubaï doivent être au moins alertées et être plus vigilantes sur les conditions dans lesquelles certains de nos ressortissants arrivent dans ces pays.
Depuis le scandale, on n’a pas vu les autorités africaines en parler même après des suicides cités, il n’y a pas quelque part une irresponsabilité manifeste des autorités ?
Elles sont spécialistes des attitudes politiciennes et quand le problème est sérieux, tout le monde s’y lance. Elles doivent au moins faire semblant d’être dans des logiques de protection de leurs ressortissants, c’est ça qu’on demande à un Etat.
QUID DE LA PRÉSIDENTIELLE DE 2024?
Rire! On a essayé en 2019 et on a été recalé injustement avec le contrôle difficile des parrainages. Mais, on va sans doute y retourner, même si l’on espère qu’il y a des profils nouveaux qui seront mieux regardés par la population sénégalaise qui croit qu’il faut quitter le visage des politiciens souvent véreux avec la transhumance.
Le président Macky Sall semble être dans une logique de troisième candidature, vu qu’il défend la non-limitation, n’est-il pas une façon de préparer l’opinion?
Je pense qu’il prépare l’opinion depuis longtemps, quand il décide de se dédire et je crois que c’est en 2019 lorsqu’il a convié l’opposition au dialogue politique. Il a eu à dire que c’est son dernier mandat, qu’il n’est plus dans les magouilles. Mais après ça, on a senti un revirement possible et je crois qu’il ferait courir de très gros risques à la stabilité et à la paix sociale du Sénégal.