La scène politique est en ébullition en cette veille d’élections législatives, surchauffée par la course aux parrainages. Sur les 15 coalitions et mouvements politiques qui étaient sur les starting-blocks, seules 8 ont réussi cette étape de filtrage strict des candidatures. Et d’autres grandes coalitions comme Wallu Sénégal et Benno Bokk Yakaar ont failli y laisser des plumes soit pour défaut de signatures soit pour surplus de parrains. Une bombe à retardement qui risque de faire mal en cas de déflagration. Analysant cette situation, le Pr Maurice Soudieck Dione, agrégé de sciences politiques à l’UGB, met en garde. Selon lui, cette « rationalisation à outrance » montre « les limites de la démocratie sénégalaise ».
« Certes on a dit qu’on avait plus de 300 partis et qu’il fallait procéder à une rationalisation de la compétition politique pour éviter une surcharge. Mais les partis et mouvements qui sont sur le terrain, connus et visibles, font à peu près une vingtaine. Donc quelque part ça pose un problème cette volonté de rationalisation à outrance. Même si on ne peut pas organiser une démocratie sans qu’il n’y ait des règles. Il faut que celles-ci soient des règles judicieuses, précises et transparentes pour que chaque citoyen puisse exercer ce droit que lui confère notre charte principielle, la Constitution, de pouvoir compétir et accéder à la gestion des affaires publiques par le truchement des élections », tranche net le politologue, invité de l’émission Objection de ce dimanche sur Sud Fm.
Sans sourciller, il déclare : « le parrainage pose problème pour plusieurs raisons ». D’abord pour « les partis qui ont des garanties de représentativité ». « Imaginons que la coalition Benno Bokk Yakaar n’ait pas pu réunir ses parrainages ou qu’il ait eu quelques vices de procédures ou difficultés particulières qui eût été à l’origine de son élimination. Ç’aurait été catastrophique puisque cette coalition-là gère à la fois la majorité présidentielle et celle parlementaire. Donc c’est une coalition qui n’a pas à démontrer des garanties de représentativité. Il en est de même pour le Parti démocratique sénégalais (PDS) ou encore Yewwi Askan Wi qui a fait une percée remarquable et remarquée. Tout cela montre qu’il y a dans le principe des difficultés à admettre le parrainage », critique le Pr Dione.
Retour au statu quo ante bellum
Même s’il admet qu’un filtre est nécessaire, il ne doit pas être généralisé. Mais réservé aux « illuminés » qui se croient investis d’une mission sans qu’il y ait derrière une réelle représentativité. En d’autres termes, il prône un retour au statu quo. « Naturellement il y a un besoin de filtrage et c’est là où il y a la nécessité de poser des règles objectives et transparentes pour que ceux qui sont écartés du parrainage sachent clairement les raisons. Et que ces règles soient connues, reconnues et acceptées par tous. Autrement, ces règles peuvent être interprétées comme étant des moyens d’écarter certains candidats. Et lorsque nous avons des restrictions des droits des populations de poser acte de candidature, c’est déjà une violation de la démocratie. Si certains candidats sont exclus de la possibilité de choisir, cela aussi est une violation de la démocratie », rembobine-t-il.
Toutes ces violations, poursuit Maurice Soudieck Dione, « ne sont pas sans effets sur la régulation sociétale ». « Parce qu’en excluant du jeu des milliers de Sénégalais parce que seulement des listes n’ont pas été parrainées, alors que ce sont des forces politiques réelles, tout cela procède d’une falsification de l’expression de la volonté populaire. Cela peut avoir des incidences graves », prévient-il. Selon le l’agrégé de science politique, « le principal danger de la démocratie c’est qu’on n’ait pas la participation de tous les citoyens et ce sont des pathologies incolores, indolores et inodores mais qui sont de véritables tueurs silencieux de la démocratie. Lorsque la déflagration arrive, elle est brutale et soudaine ».