Malgré son engagement sans équivoque à ne pas briguer un troisième mandat, engagement repris devant des médias étrangers (RFI, France 24), dans son « livre-programme » Le Sénégal au cœur et par ses plus proches collaborateurs, le président-politicien ne peut pas se résoudre à quitter le pouvoir en mars 2024. Ce reniement avant l’heure ne devrait surprendre ni étonner personne d’entre nous. Chez cet homme, la parole ne vaut pas un copeck, et il nous en administre la preuve depuis le 2 avril 2012, date son installation officielle comme quatrième président de la République du Sénégal. Le Var est heureusement là pour la boucler à tous ses courtisans qui seraient tentés de prendre sa défense ici.
Ce président-politicien nous prend vraiment pour des moins que rien. Sinon, comment ose-t-il, avec tout ce qu’il a dit et écrit sur la limitation des mandats à deux, se réveiller un beau matin, pour nous jeter à la figure que « la limitation des mandats présidentiels ne correspond pas au mode de gouvernance souhaité ». Souhaité par qui ? Et, pour convaincre, il accuse les exigences procédurales qui ont vraiment bon dos. Suivons-le : « Les procédures, qui datent des années soixante, sont toujours les mêmes qui conditionnent les décaissements. Alors, quand est-ce que les régimes mis en place vont avoir un bilan ? On risquerait de virer des régimes tous les cinq ans et ça va être un éternel recommencement qui est contraire à l’idée du développement. » Le lecteur a bien lu mais, avant de commenter ses bizarreries, laissons M. Khadre Sakho[[1]]url:#_ftn1 nous rappeler une de ses déclarations, dans un entretien avec Tv5 monde, RFI, Le Monde. Il disait sans sourcilier :
« Le nombre de mandat ne pose plus de problème au Sénégal. J’ai droit à deux mandats… Aujourd’hui, avec la mondialisation, la sculpture de l’information, l’internet nous ne sommes plus dans les années 50 ou 60. Donc, il faut comprendre que le monde a changé, les citoyens ont changé et la manière de gouverner a changé » Ce n’est pas tout ; il ajoutait : « Les deux mandats me paraissent un idéal. Si on ne peut pas faire quelque chose en une décennie, on ne le fera plus… » Et, pour terminer, il se permettait de donner un conseil à ses pairs présidents africains en ces termes : « Les présidents ne doivent pas considérer que leur présence à la tête de l’État doit être une obligation. Si l’on considère que le mandat du président est au service de son peuple, si on a la chance de l’exercer pendant 10 ans, on doit donner la main à quelqu’un d’autre et aller faire autre chose… En tout cas, je m’inscris dans cette dynamique. »
Voilà l’homme qui nous gouverne malheureusement depuis le 2 avril 2012. Depuis cette date, il dit aujourd’hui une chose, et son contraire le lendemain. Et sans se gêner le moins du monde.
Revenons à sa première déclaration ! Il accuse les exigences procédurales des années soixante qui conditionnent les décaissements. L’a-t-on jamais entendu faire état de ce problème, s’il en est vraiment un ? A-t-il eu des problèmes pour décaisser les milliards qui lui ont permis de réaliser les infrastructures de loin plus de prestige que de développement dont ils se gargarisent aujourd’hui, lui et sa tonitruante coalition ? Et il se pose bizarrement cette question : « Alors, quand est-ce que les régimes mis en place vont avoir un bilan ? » Donc, si on le suit sur son raisonnement, sur quel bilan a-t-il été élu en février 2019 ? Il nous mentait donc, lui qui nous présentait son bilan comme élogieux ! Il va plus loin : si on change de régime tous les cinq-dix ans, « ça va être un éternel recommencement qui est contraire à l’idée du développement ». Comment donc, des pays comme ceux de l’Europe, d’Amérique du Nord et de nombreux autres sont-ils arrivés à leur niveau de développement actuel ? Combien de temps les Paul Biya, Denis Sassou Ngesso, Teodoro Obiang Nguema, les Bongo et les Éyadéma sont-ils restés au pouvoir ? Quel est le niveau de développement de leurs pays aujourd’hui ? Et puis, pourquoi, avec tous les pouvoirs dont il est doté depuis plus de dix ans, n’a-t-il pas réformé ces procédures de soixante ans et aller plus vite? Avec ces procédures-là, son « fast track » était donc du cinéma ! Est-ce vraiment cet homme qui nous gouverne depuis le 2 avril 2012, et dont tout indique qu’il aura le toupet de solliciter un troisième mandat ?
Il va sûrement le solliciter, avec tous les risques que ce choix comportera pour lui-même, sa famille, son parti, sa tonitruante coalition comme pour tout le pays. Et il va tout mettre en œuvre pour atteindre son objectif. Dans cette perspective, il a commencé déjà à renier sans honte ses engagements les plus solennels et à dérouler sa stratégie. Il va s’en prendre sans ménagement à tous les obstacles qui se dressent sur son chemin. Parmi eux, les réseaux sociaux qui l’empêchent de dormir et qu’il considère comme un « Cancer des sociétés modernes » et une « peste mondiale ». En matière de réseaux sociaux, pense-t-il, « aucune société organisée ne peut accepter ce qui se passe aujourd’hui chez nous (et il va) y mettre un terme d’une façon ou d’une autre ». Ce ne sera sûrement pas aussi facile qu’il le pense. Il ne s’en débarrassera pas du jour au lendemain ou les orientera à sa guise. En tout cas, c’est ce que pensent les spécialistes. Et puis, les réseaux sociaux sont un couteau à double tranchant : ils ont un bon comme un mauvais côté. Il suffit de bien les utiliser pour y apprendre énormément de choses utiles. Ils permettent de suivre l’évolution du monde. Le président-politicien, lui, ne considère que le côté mauvais, voire très mauvais. Et nous le comprenons. Nous ne sommes pas ici comme à la RTS, d’où des tombereaux de louanges sont déversés sur lui au quotidien. Les rappels par le Var de ses reniements comme de ceux de ses détestables transhumants dont il raffole, ne peuvent pas leur faire plaisir.
C’est vrai que le mauvais côté dérange, avec ses insultes et ses insanités que personne ne peut défendre. Le problème, c’est que le futur candidat au troisième mandat ne les situe que d’un côté. Son camp compte des insulteurs qui passent le plus clair de leur temps sur la toile. Ils se cachent derrière des noms imaginaires et brandissent des signes de partis d’opposition. L’un d’eux a reconnu, lors d’une émission d’une télévision privée, que c’est le président-politicien en personne qui l’a affecté dans les réseaux sociaux pour qu’il l’y défende. Tout ce beau monde couvre d’injures l’opposition, la vraie, et principalement celui qui est considéré comme son chef, jusqu’à preuve du contraire. Même votre modeste serviteur, l’auteur de ce texte, n’est pas épargné. Au contraire, les militants dits libéraux, ceux vieux président-politicien comme ceux du président-politicien Jr et de son « frère » Ydrissa Seck, le traitent de tous les noms d’oiseaux.
Le président-politicien n’aime donc pas les réseaux sociaux – et pour cause – et menace « d’y mettre un terme par tous les moyens
Tout est parti du recrutement, par le Maire de Dakar, de l’ex-capitaine Oumar Touré et de Guy Marius Sagna. M. Oumar Guèye et son président croient peut-être que nous ne vivons pas au Sénégal. Si, par extraordinaire, le président-politicien appliquait sa menace, peu de maires, de présidents de conseils départementaux, de directeurs d’agences et d’autres structures, de ministres resteraient en place : ils seraient pratiquement tous révoqués parce que nombre d’entre eux ne sont pas « soumis aux exigences de la loi ». Les organigrammes ne sont nulle part respectés. Qui en a entendu parler d’ailleurs avant cette affaire de recrutement par le Maire de Dakar ? Cheikh Oumar Anne et Ciré Dia seraient les premiers révoqués. Le premier a recruté, en un seul acte, 400 jeunes du Département de Podor dont 150 de Ndioum, dont il est le maire. Il était alors Directeur général du COUD. Dans son dossier (de l’OFNAC) qui dort d’un sommeil profond sur la table du Procureur de la République, il a tordu des dizaines de fois le cou aux lois et règlements en vigueur. Ciré Dia en a fait autant avec son lourd dossier déposé également par l’OFNAC. Il est, pour l’essentiel, responsable de tous les problèmes que connaît aujourd’hui la Poste. Son ami ou cousin, le président-politicien, le savait parfaitement et l’a laissé faire pendant plusieurs années. Aujourd’hui, interpellé par les syndicalistes qui lui remettaient leurs cahiers de doléances, il reconnaît la situation grave que vit la Poste qui doit 189 milliards à l’État et ne voit, pour la sauver, qu’une solution : faire une recapitalisation et créer une nouvelle société. Pas seulement. « Il nous faut aussi être plus regardant sur la gestion des sociétés nationales, surtout au niveau des recrutements », ajoute-t-il. Il reconnaît ainsi et « regrette » que la Poste compte 5000 travailleurs. Poursuivant sa route vers Canossa, il déclare : « Nous ne pouvons pas payer tous ces travailleurs, dont un grand nombre ne travaille pas. L’État a remis à cette société tout récemment un montant de 12 milliards de francs CFA en guise de reliquat pour permettre de sauver l’essentiel ».
Á qui la faute ? Pourquoi a-t-il laissé faire depuis dix ans ? Cette situation insoutenable, avec des milliers d’agents qui sont payés à ne rien faire, existe presque partout dans l’administration marron : au niveau des hôpitaux et centres de santé, des agences et autres directions, des écoles – oui, des écoles –, etc. Elle l’est encore plus dans les mairies qui sont des fourre-tout. Barthélémy Dias a vraiment bon dos.
Cette situation inacceptable que semble déplorer le président-politicien existe à des niveaux plus élevés encore, en particulier dans les ambassades et consulats qui grouillent de membres de la famille présidentielle, de l’APR et, plus généralement, de la coalition gouvernementale. La présidence de la République n’est pas épargnée. Du temps de Senghor comme de Diouf, elle était un modèle de fonctionnement, s’appuyant sur des textes clairs appliqués avec méthode et organisation. Depuis le 1er avril 2000, elle devenue le « poulailler de la république ». N’importe qui y est nommé. L’homme au décret facile ne connaît même pas le nombre de personnes qui y travaillent. Qu’il laisse donc en paix Barthélémy Dias ! Il est le maître incontesté en matière de « recrutements anarchiques » qu’il dénonce sans y croire vraiment. Notre administration est souillée par des gens venus de nulle part, plutôt de toutes parts, et nommés en fonction de critères subjectifs, qui piétinent au quotidien nos lois et règlements en vigueur. Le président- politicien et son ministre Oumar Guèye que nous connaissons bien, sont mal placés, très mal placés pour nous donner quelque leçon de bonne gouvernance que ce soit. Notre administration en général et nos ressources halieutiques ne me démentiront sûrement pas.
Dakar, le 11 mai 2022
Mody Niang