La Société générale a décidé, de manière abrupte, de fermer sa filiale de Mobile money, Yup management. Au Sénégal, cette opération se déroule sans plan social ni préoccupation de l’avenir des employés. C’est ainsi plus de 150 emplois directs et environ un millier d’emplois indirects qui seront perdus au mois de juin, sans aucune perspective pour les personnes concernées.
La Société générale, banque française bien implantée au Sénégal et dans les pays de la zone Cfa, entre autres, a décidé de dissoudre Yup, sa filiale de Mobile banking. Cette décision, qui trainait depuis longtemps dans les circuits, a été concrétisée en début du mois de mars, avec l’envoi d’un Sms destiné aux clients de Yup, pour leur annoncer officiellement la fermeture de leur portefeuille dans les 90 jours suivant l’annonce, leur demander de prendre leurs dispositions pour pouvoir disposer de leurs avoirs car, passés les 3 mois, ils ne pourront plus accéder à leur compte, ni effectuer des transactions.
Cette manière de faire, assez cavalière, a dérouté même des gros clients de Yup, dont certains opéraient des versements de salaires à leurs employés par ce biais. Certaines de ces entreprises ont estimé que la Générale ne leur a pas laissé beaucoup de temps pour se réajuster et n’ont pas hésité à le lui faire savoir.
Cependant, les plus déroutés ont été les employés même de Yup. Alors que les rumeurs de dissolution de la filiale couraient quasiment depuis la fin de l’année dernière, il a fallu aux employés de Yup Sénégal attendre le 28 février 2022, pour entendre la Direction générale de Yup management leur faire l’annonce officielle de la fermeture, après une phase transitoire de 3 mois. Cette annonce n’a d’ailleurs pu être obtenue, selon les employés, que parce que les travailleurs, à travers leur Collège des délégués, avaient informé les autorités sénégalaises en rendant publics les échanges avec la direction.
Postuler à un emploi auprès de la banque
Cette manière d’agir présageait déjà de la manière dont la société entendait traiter les employés. En effet, le personnel a très rapidement compris que la Société générale entendait dissoudre Yup, sans pour autant la liquider. C’est-à-dire que l’entreprise n’avait mis en place aucun plan social pour préserver les intérêts du personnel.
Une fois l’annonce de la dissolution faite, la direction a entrepris d’approcher les employés à titre individuel, en passant par-dessus la tête des délégués, pour leur faire des propositions. Elle a fait comprendre à certains que l’entreprise serait prête à leur verser l’équivalent d’un mois de salaire par année de service. Pour une société qui a à peine bouclé ses six ans, cela ne ferait que 6 mois de salaire pour ces heureux élus.
A d’autres, il était proposé de déposer une demande d’emploi pour un poste auprès de la Société générale, pour un recrutement externe, dans la limite des places disponibles dans la banque. En plus de cela, la direction de Yup ne pouvait garantir que la nouvelle recrue pourrait préserver les droits acquis au sein de Yup Sénégal. Elle ne pouvait non plus assurer la stabilité de l’emploi ainsi obtenu, ni la classification, ni les conditions financières. La seule consolation pour l’employé est qu’il sera dispensé de période d’essai, et que son ancienneté à Yup management sera conservée.
Ces barrières avaient pour but, entre autres, de préserver la fiction de l’indépendance de Yup management par rapport à la Société générale, alors que la filiale est fortement liée à la banque. Au point que ce ne sont principalement que les clients de la Sgs qui avaient été sollicités pour souscrire à Yup. Mais, dans un pays où le chômage est une forte hantise même pour les personnes les plus bardées de diplômes, il n’est pas étonnant que certains employés aient pu céder, à leurs risques et périls, aux sirènes de la Générale. Toutefois, une bonne majorité, à l’écoute de leurs délégués, ont saisi l’Inspection du Travail et mobilisé les organisations syndicales, notamment la Cnts, pour dénoncer l’illégalité de ces mesures.
La Société générale a 2 réponses sur 6
Tout cela n’empêche pas la Générale de maintenir une forte opacité dans sa manière de conduire le processus de dissolution. Interpellée par Le Quotidien, la banque a répondu à travers ses chargés de communication. Elle a synthétisé les 6 questions que nous lui avons posées en deux réponses assez lapidaires.
Ainsi, alors qu’à sa mise en place en 2017, la direction de la banque avait prévu que Yup n’atteindrait pas une stabilité financière avant 2024, on pouvait se demander ce qui pouvait justifier de précipiter sa dissolution avant la date prévue. Cela, juste au moment où l’on voit au Sénégal et dans la sous-région, le grand développement de la Mobile money, avec le succès des licornes comme Wave, Orange Money ou autres. A quoi la direction de la Communi-cation a répondu : «La fermeture de Yup découle de la décision de Société générale d’arrêter son activité d’émetteur de monnaie électronique en Afrique subsaharienne, dont Yup est le distributeur. Yup n’a pas réussi à créer un modèle viable sur le long terme.»
Les autres questions, portant notamment sur la légalité de la procédure de mise en liquidation du personnel ou l’absence de saisine de services du ministère du Travail du Sénégal, ont aussi reçu, verbatim, cette réponse : «Le projet a été soumis aux régulateurs locaux. Un dialogue social est mené avec les instances représentatives du personnel afin d’accompagner les collaborateurs au mieux dans cette étape. Actuellement, les collaborateurs qui le souhaitent peuvent se porter candidats aux offres de postes publiées par les banques, dont les besoins en recrutement vont être étudiés pays par pays. En cas d’adéquation entre les besoins et les profils des collaborateurs Yup, les candidatures seront étudiées avec la plus grande attention. Nous sommes confiants dans notre capacité à identifier des solutions. Société générale respecte toutes les réglementations en vigueur.» On pourrait presque résumer la situation par cette formule : «Le personnel crashe, la Générale passe !»
Sgconnect enterre Yup
Car, au moment où Yup mangement est dissous, la Société générale met en place une application, Sgconnect, qui remplit à peu de choses près, les mêmes missions que Yup. Tous les clients de la banque sont fortement encouragés à la télécharger sur leur smartphone et à y souscrire pour faciliter leurs transactions.
En son temps, beaucoup de membres du personnel avaient dénoncé ce double emploi au sein de la banque. Le management n’en avait pas tenu compte, préparant sans doute dès ce moment, la liquidation du wallet Yup. Oups ! Plus de 150 responsables et soutiens de familles vivent en ces jours les affres de l’incertitude pour leurs lendemains.
La situation de Yup Sénégal se reproduit dans toutes les filiales de la Société générale en Afrique de l’Ouest, à savoir au Burkina, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Ghana, ainsi qu’au Cameroun et à Madagascar.
Par Mohamed GUEYE