A trois mois des législatives prévues pour le mois de juillet, le bateau BBY est en eaux troubles. Le capitaine à bord flanche, périclite et demeure incapable de travailler pour l’intérêt public sacré car hanté par le spectre d’une cohabitation avec l’opposition. Choc fatal pour un régime qui a fini d’avouer son échec et son incapacité à nous sortir du sous-développement structurel.
En ce sens, une liste unique de l’opposition serait extraordinaire pour dès à présent anticiper sur une alternance avant 2024. C’est un choix réaliste mais avec plusieurs réserves qu’il est possible d’émettre tellement l’opposition sénégalaise est engluée dans un contexte d’émergence d’abord de nouvelles figures, de régénération d’une forme d’opposition dite classique sans oublier des problèmes d’égos et de choix des candidats à la députation de 2022. Il faut y aller avec la pédale douce. Réfléchir sur le meilleur format qui garantit une opposition forte qui sera majoritaire en quantité et qualité au sein de l’hémicycle national.
A défaut de cette liste unique tant chantée mais jamais matérialisé, il faudra à l’opposition deux ou trois blocs solides qui réuniront des personnages politiques aux forts ancrages nationaux et locaux. Les dernières locales ont permis d’identifier une nouvelle force à travers Yewwi Askan Wi, mais les démons des égos et des investitures auront forcément comme conséquences une dispersion de voix défavorables à l’opposition institutionnelle et idéologique à BBY.
Dans le format, ces forces politiques et citoyennes qui devront constituer une troisième voie peuvent être composées de partis, mouvements d’organisations de la société civile et d’indépendants. Ces listes en appoint aux coalitions existantes pourront ainsi garantir la majorité, sans donner à l’opposition les gages de gouverner. Les députés de l’opposition seront plus nombreux, sans forcément être une entité compacte qui impulse l’alternance. L’hégémonie de Bby sera de ce fait amenuisée, des combats de principes diligentés avec efficacité et des propositions de lois rapidement impulsées par l’opposition en vue d’abord de mieux gouverner le pays et de travailler sur la reddition des comptes d’un régime qui a fini de dilapider toutes les ressources matérielles et saper la morale publique sénégalaise. Une troisième liste forte est bien possible si l’on lit la trajectoire de figures au parcours neuf, au discours rassembleur et réaliste. C’est une opposition pragmatique qui va faire face au régime en place et davantage quantifier en qualité les blocs politiques déjà existants et qui s’opposent à ce régime finissant.
La constitution de ces forces éviterait aussi à l’opposition de subir les affres d’un taux d’abstention élevé en permettant aux indécis d’avoir une large palette de choix politiques. Les sénégalais votent non pas seulement sur la base programmatique mais sur les profils politiques.
Les ténors politique à fort ancrage départemental serviront de chefs de file dans leurs contrées respectives pour la liste majoritaire. Ils dirigeront les listes départementales, avec l’onction des autres membres de la coalition, en s’assurant que l’investiture est donnée à celui qui a le plus de chances de gagner. Si le consensus est fort, les voix ne seront pas dispersées et la victoire sera à portée de main.
In fine, l’existence de ce futur bloc ne devrait pas empêcher une forme de synergie collective et de partages d’expertises dans la veille et la supervision d’une élection libre et transparente. Ainsi ces blocs pourront se partager toutes informations utiles à la lisibilité et à la fiabilité du fichier électoral, toujours noeud de discorde; tenir ensemble des points de presse et le jour de l’élection même s’assurer de sécuriser le vote des sénégalais eu égard à la rupture de transparence parfois constatée dans les bureaux de vote.
Une pluralité de listes dans l’opposition, au moins trois blocs, ne présente au vu de la socio-anthropologie politique actuelle que des avantages. Elle permet d’éviter un faible taux de participation en donnant aux électeurs une large possibilité de choix de députés; d’éviter une dispersion des voix voire une abstention des indécis. Dans le cadre même des pièges liés au parrainage, deux ou trois listes fortes et dynamiques de l’opposition peuvent anticiper dès à présent sur des velléités de sabotage lors des parrainages et éviter ainsi des cas de forclusion orchestrée politiquement et conclus juridiquement. Des leaders en ont vu de toutes les couleurs lors des dernières locales, d’ailleurs.
Idrissa Fall Cissé
Législatives 2022, quels choix pour l’opposition ?
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