Vitrine d’un mal qui ronge l’administration

par pierre Dieme

Les récits faits sur les réseaux sociaux, sur l’affaire Astou Sokhna, témoignent d’un mauvais accueil et d’un traitement anormal qui sont une réalité décriée dans les établissements publics de santé.

Le triste sort d’Astou Sokhna, morte en couche, émeut le pays. Présumée négligée par le personnel soignant de l’hopital Amadou Sakhir Mbaye, elle n’a pas survécu à ses douleurs. Elle est morte avec son enfant, dans le ventre, faute d’assistance. Ce cas n’est qu’une illustration du traitement réservé souvent aux malades dans les structures sanitaires. Cet incident malheureux n’est d’une négligence présumée, n’est que l’arbre qui cache la forêt d’un mal qui ronge tous les secteurs des services publics et l’administration.

Les récits faits sur les réseaux sociaux, sur l’affaire Astou Sokhna, témoignent d’un mauvais accueil et d’un traitement anormal qui sont une réalité décriée dans les établissements publics de santé. Les hôpitaux sénégalais sont des «mouroirs» que ne fréquentent que des citoyens dont la bourse ne permet pas d’accéder aux privés. Et dire que les établissements de santé ne sont pas les seules structures publiques dans lesquelles, les Sénégalais éprouvent des difficultés ; le mal est dans toute l’administration. Le citoyen n’a pas le traitement qu’il mérite. En plus d’un accueil désagréable, l’attitude de l’agent trouvé sur place frise parfois un mépris et même parfois l’«insolence» envers son interlocuteur. Le non-respect des horaires de travail coûte aux usagers plusieurs va-et-vient pour une formalité qui aurait dû être simple. A titre d’exemple, dans certains tribunaux, avoir un extrait du Casier judiciaire est un vrai parcours du combattant. Une anomalie profitable aux faussaires. L’Etat civil est dans le même cas. C’est le cas aussi des rapports entre le citoyen et les Forces de défense et de sécurité qui ne sont pas toujours cordiaux. Aller à la Police ou à la Gendarmerie pour un besoin est un défi à relever ou une peur à surmonter pour beaucoup de citoyens. A côté, il y a des arrestations musclées. Parmi tant d’autres, l’affaire Cheikh Niass, du nom de l’immigré qui a perdu la vie après sa garde à vue, avait eu le même effet. De l’émotion, des enquêtes annoncées, l’affaire est vite oubliée. Les droits humains bafoués lors des interpellations, c’est un constat habituel. Le 10 février 2021, Lamine Koïta, un jeune conducteur de moto, a trouvé la mort au moment de son arrestation par la Police de Fatick. La responsabilité de la Police nationale est engagé puisque 5 de ses éléments impliqués dans cette mort, ont été reconnus coupables de coups mortels et d’abus d’autorité par la Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance (Tgi) de Fatick, en mai 2021. Ils ont été condamnés à une peine de 2 ans dont 6 mois ferme assortie d’une amende de 151 millions. Dominique Lopy, mort en garde à vue en 2007, est également un cas de bavure qui avait suscité de l’indignation en son temps. Le corps présentait «des lésions traumatiques multiples faites de contusions», selon le rapport de l’autopsie, même si la version du parquet de Kolda a été autre, concluant qu’il n’y a eu aucune «trace de sévices corporels».

Depuis cette année 2007, les bavures ne sont pas arrêtées, en atteste le rapport 2021 d’Amnesty International sur le Sénégal qui dénonce surtout la mort de 14 jeunes suites aux évènements de février et mars 2021 qui ont aussi occasionné au moins 400 blessées. Des Sénégalais meurent aussi dans les prisons. Ibrahima Mbow est mort suite à une mutinerie à la Maison d’arrêt de Reubeuss. Depuis 2016, aucune suite connue n’a été donnée à son dossier. Et pourtant, les autorités s’étaient engagées à situer les responsabilités. Ailleurs, comme à Diourbel, la presse rapporte assez souvent des Sénégalais qui décèdent dans les liens de la détention. Arrêté en même temps que Boy Djinné, à Missirah, Abdou Faye a été retrouvé mort au Commissariat central. La thèse du suicide annoncée n’a pas été convaincante, pour sa famille.

Fatou NDIAYE 

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