Homme d’affaires et patron de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css), Jean Claude Mimran est sorti de sa réserve pour se prononcer sur la fausse pénurie de sucre entretenue pour, dit-il, « justifier l’attribution de Dipas à des personnes ».
Interrogé par nos confrères de l’Obs, Quotidien et Walf sur le Sénégal qui est souvent, à certaines périodes de l’année, obligé de recourir à l’importation pour combler le gap et couvrir les besoins du marché en sucre, Mimran n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour apporter sa version des faits : « je vais vous expliquer deux choses : d’abord, on court derrière la consommation du Sénégal qui est sans cesse croissante. J’ai investi ces 10 dernières années, 220 milliards de francs Cfa, les services du ministère des Finances peuvent en témoigner, pour passer les ¬capacités de production de la Css de 90 000 à 150 000 tonnes. Mon usine est prête, avec quelques petits ¬investissements supplémentaires, à ¬monter à 220 000 tonnes par an. Pour ce faire, j’ai besoin de deux choses, je l’avais dit au président de la République : premièrement, on a besoin de terres. On en a donné à des gens depuis plus de 30 ans ; et depuis lors, ils n’ont rien fait dessus (rires).
Il me semble que de par la législation foncière au Sénégal, ces terres devraient être désaffectées au profit d’investisseurs prêts à les mettre en valeur ». Il poursuit : « deuxièmement, les commerçants doivent arrêter d’importer du sucre. Il faut que cela soit comme en Côte d’Ivoire. Là-bas, ce sont les industriels qui importent. Pourquoi ? Parce qu’ici, les volumes de sucre importés par les commerçants, tel que représenté par ces tableaux (Il exhibe une feuille avec des données d’importation), sont supérieurs à ceux de l’industriel. Depuis 3 ans, avec cette avalanche de Dipa qu’on a eue, la Css est toujours sous le risque d’une cessation de paiement ! Il y a 3 ans, j’ai été obligé d’apporter de l’argent personnel de mon compte en Suisse, parce que j’habite en Suisse, pour payer les fournisseurs et les salaires ; tout ça parce qu’on avait inondé le marché de sucre importé.
Alors, si je fais les importations et qu’on me donne les terres, je vous garantis que dans 4 ans, je vous ferai 220 000 tonnes de sucre et couvrirai ainsi les besoins du Sénégal. L’usine est quasiment prête, là on investit sur une nouvelle chaudière de 150 tonnes/h, quatre nouvelles turbines, pour une augmentation de production d’électricité de 51 mégas tout neufs. Si on a les terres, on pourra avoir suffisamment de bagasse pour produire de l’électricité pendant toute l’année et même dégager des surplus que nous pourrions vendre à la Senelec si elle veut, 10 à 15 mégas à mettre sur le circuit. C’est tout à fait envisageable ».
Parlant du secteur privé, Mimran renseigne qu’ « on ne peut pas investir des centaines de milliards de francs CFA pour développer les emplois sans savoir avec certitude de quoi demain sera fait. On augmente les prix aujourd’hui, on les baisse demain, il n’y a pas de niveau de vraisemblance ». S’agissant de ses relations avec les quatre présidents du Sénégal, le patron de la Compagnie sucrière du Sénégal (CSS) a confessé sa « préférence » pour le premier chef de l’État. « Feu Léopold Sédar Senghor était un ami de mon père, confie-t-il.
Depuis avant la guerre. Ils se sont battus ensemble pour l’industrialisation de l’Afrique. J’ai eu également un faible pour le Président Wade ». « C’est d’abord l’acteur de la première alternance démocratique au Sénégal, c’est quelque chose. Il avait une bonne vision de l’Afrique, salue l’homme d’affaires de 77 ans. Il était mal entouré certes, mais je retiens que c’est un homme bien ». Et le successeur de Wade ? « Mes relations avec le Président Macky Sall sont bonnes, même si on se voit très peu. La dernière fois que je l’ai vu, c’était il y a deux à trois ans », renseigne Mimran. Qui n’a pas dit un mot sur Abdou Diouf.