Un ancien Premier ministre et trois ministres du président guinéen déchu Alpha Condé ont été inculpés mercredi pour détournement présumé de fonds publics et écroués, dernières personnalités inquiétées par la justice depuis la prise du pouvoir par les militaires en 2021.
Ibrahima Kassory Fofana, Premier ministre de mai 2018 jusqu’au coup d’Etat de septembre 2021, et les ministres de la Défense Mohamed Diané, de l’Environnement Oyé Guilavogui et des Hydrocarbures Zakaria Coulibaly, tous membres du dernier gouvernement Condé renversé à cette date, ont été placés sous mandat de dépôt à Conakry, a dit à des journalistes un de leurs avocats, Me Salifou Béavogui.
Ils seront jugés lundi par une chambre de la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief), créée par les militaires qui ont déposé le président Condé, a-t-il dit. Aucune information n’a été divulguée publiquement sur les faits précis qui leur sont reprochés.
« Nous comprenons que nous avons affaire à une procédure expéditive et punitive », a déclaré l’avocat. « Nous sommes revoltés face à l’injustice et à l’humilation qu’on a infligées à nos clients en les envoyant en prison », a-t-il renchéri.
Les quatre hommes, figures de l’ancien régime et membres ou soutiens du parti alors dominant, ont été embarqués à la Crief dans un véhicule de gendarmerie escorté de pickups, a constaté un correspondant de l’AFP. Ils avaient été interrogés depuis lundi par des enquêteurs de la gendarmerie avant d’être amenés à la Crief.
Ils sont les derniers personnages en vue sommés de répondre de leurs actes depuis que les militaires gouvernent ce pays pauvre d’Afrique de l’ouest, dirigé pendant des décennies par des régimes autoritaires ou dictatoriaux et coutumier des tumultes politiques.
Le colonel Mamady Doumbouya, qui a renversé avec ses hommes M. Condé et s’est depuis fait investir président, a promis de refonder un Etat miné par les divisions et une corruption réputée endémique.
– Des leaders « humiliés » –
Il a assuré qu’il n’y aurait pas de « chasse aux sorcières » mais proclamé la lutte contre la corruption comme une mission primordiale.
En février, l’ex-ministre du Budget de 2018 à 2021 Ismaël Dioubaté a été écroué pour détournement de fonds publics et corruption présumés.
Au même moment, l’une des principales personnalités politiques, l’ex-Premier ministre et chef du premier parti guinéen Cellou Dalein Diallo, s’est retrouvée visée par une enquête pour « corruption et enrichissement illicite » lors de la vente des bi ens de la défunte compagnie aérienne nationale en 2002. Il était alors ministre des Transports.
M. Diallo et un autre chef de parti, Sidya Touré, ont été chassés de leur domicile au nom d’une politique de récupération de biens dont la junte dit qu’ils appartiennent à l’état. Le domicile de M. Diallo a été rasé en mars.
La prise de pouvoir des militaires a été bien accueillie par une population exaspérée par la pauvreté, la corruption et la répression des dernières années du président Condé. Mais sept mois après, des voix discordantes commencent à s’élever.
Des dizaines de partis ont menacé début mars d’appeler à manifester si la junte persistait à retarder le retour des civils à la tête du pays tout en « humiliant » leurs leaders.
Dans une déclaration écrite, ils exprimaient le soupçon que les autorités cherchent à « discréditer et humilier » leurs leaders et se servent de la Crief « pour disqualifier des leaders politiques gênants ».
Ibrahima Kassory Fofana est mis en cause alors qu’il vient d’être désigné temporairement à la tête de l’ancien parti au pouvoir, le Rassemblement pour le peuple de Guinée (RPG). L’ancien président Condé, 84 ans, s’est mis à l’écart du RPG. La junte l’a autorisé en janvier à quitter la Guinée, officiellement pour traitement médical aux Emirats arabes unis, alors que la justice venait d’ordonner l’ouverture d’investigations sur les crimes présumés commis sous sa présidence.
Le colonel Doumbouya n’a toujours rien dit sur l’échéance à laquelle il entend honorer son engagement de rendre le pouvoir à des civils élus.
Avec l’Afp