Voué même aux gémonies parfois, il est aujourd’hui presque adulé. Aliou Cissé, 46 ans, a encore hissé le Sénégal au rang mondial, après avoir régné sur le continent depuis février dernier. Le fruit de sa rigueur et de son sérieux. Portrait.
Il est né à Ziguinchor, dans le Sud du Sénégal, il y a de cela 46 ans (le 24 mars 1976). Mais, très tôt, dès l’âge de 9 ans, il rejoint son père en France, dans le Val-de-Marne où ce dernier est établi, dans le quartier populaire d’Abbé à Champigny-sur-Marne 2. Aliou Cissé à l’état civil, « Bounama Rasta » pour certains de ces détracteurs, « El Tactico » depuis son fameux coup de maître du 6 février 2022 pour bon nombre de Sénégalais, le sélectionneur de l’équipe nationale a connu des hauts et des bas dans ses carrières de footballeur et d’entraîneur.
L’ancien défenseur et milieu défensif, qui est passé durant sa carrière par Lille, Sedan, le Paris Saint-Germain, Montpellier et Nîmes en France, mais aussi Birmingham et Portsmouth en Angleterre, a mis un terme à son aventure de joueur débutée en 1994 et clôturée en 2009. Il a aussitôt engagé sa reconversion pour devenir entraîneur. C’est ainsi qu’il se retrouvera aux côtés de feu Karim Séga Diouf, comme entraîneur adjoint lors du tournoi de football des Jeux olympiques (Jo) de « Londres 2012 » pour conduire une sélection du Sénégal U-23, qui comptait dans ses rangs des joueurs qui avaient pour nom : Sadio Mané, Idrissa Gana Guèye, Pape Ndiaye Souaré, Saliou Ciss, Moussa Konaté, etc. C’est de là qu’a commencé son aventure de coach, lui qui sera aussi sur le banc, à côté de son défunt mentor, lors des Jeux de la Francophonie de 2013. Cette destinée de coach le conduira au sommet. En effet, le 4 mars 2015, à la faveur de la déroute des Lions d’Alain Giresse à la Can de la même année en Guinée-Equatoriale, Aliou Cissé hérite du banc de l’équipe du Sénégal.
Choix payant de la Fédération
Capitaine de l’équipe du Sénégal, finaliste de la Can 2002 au Mali (finale perdue aux tirs au but face au Cameroun), quart de finaliste de la Coupe du monde 2002 en Corée et au Japon, vice-champion de France de la saison 1999-2000 et finaliste de la Coupe de la Ligue en 2000 avec le PSG, Aliou Cissé n’a pas réussi à aller au bout pour sa première Can. Et cela, malgré un effectif de taille XXL avec des Sadio Mané, Henri Saivet, Idrissa Gana Guèye, Cheikhou Kouyaté, Moussa Konaté, Saliou Ciss, Kara Mbodj, Kalidou Koulibaly, Mohamed Diamé, Ismaïla Sarr, Diao Baldé Keïta, Moussa Sow, Famara Diédhiou, Mame Biram Diouf, entre autres. Le Sénégal s’arrête en quart de finale de la Can « Gabon 2017 », sorti par le Cameroun aux tirs au but, avec un dernier penalty manqué par Sadio Mané. Mais la Fédération qui a tiré les leçons du passé opte pour la stabilité, malgré la déception. Elle garde donc sa confiance en l’homme aux dreadlocks et le maintient à son poste.
Choix payant. Puisqu’un an plus tard, ce même Aliou Cissé réussit le pari de ramener le Sénégal en phase finale de la Coupe du monde. Mais en Russie, en 2018, les Lions ne parviennent pas à rééditer l’exploit de leurs aînés de 2002 qui avaient atteint les quarts de finale. Ils sont éliminés dès le 1er tour suite à une scabreuse histoire de nombre de cartons jaunes récoltés. Ce, après avoir pourtant dominé la Pologne pour leur entrée en lice et concédé deux nuls face, respectivement, au Japon et à la Colombie.
Si critiqué, le coach réussit une prouesse
Une année plus tard, pour la Can « Egypte 2019 », avec quasiment le même groupe, renforcé par des gardiens de calibre international, à savoir Edouard Mendy et Alfred Gomis, le Sénégal se hisse jusqu’en finale. Malheureusement, comme en 2002, au Mali, c’est la désillusion pour Aliou Cissé dont l’équipe est défaite par l’Algérie (1-0). Mais ce n’était que partie remise pour Aliou Cissé. Le graal, après tant d’années de convoitise, il finit par le toucher au soir du 6 février 2002, dans une finale qui s’est dénouée au bout de la nuit, au stade Paul Biya d’Olémbé de Yaoundé, au Cameroun. Le Sénégal, après 62 ans d’attente, décroche enfin une première étoile en dominant l’Egypte aux tirs au but (4-2).
C’était l’extase, une liesse populaire, certains qui le critiquaient ont fini par présenter des excuses : « Aliou, tu es le meilleur. » La force de Cissé ou de El Tactico, c’est qu’il ne répondait jamais à ses détracteurs. Et tout le temps, il affiche une sérénité, la casquette toujours bien vissée sur la tête, à laquelle il tient tant. Souvenez-vous de la moue de dépit qu’il a affichée lorsque le voleur lui a chipé cette casquette au milieu d’une foule de supporters fêtant le sacre des Lions ! Il y tient autant à ses locks bien attachés, telle cette crinière de Lion affamé.
Seulement, parfois il ne manque pas de lancer des piques avec de petites phrases. Le Sénégal gagne enfin la Can au bout de la 33e édition. « El Tactico » l’a mérité. Cette coupe, il l’a tant cherchée, qu’il a fini par l’obtenir, au grand bonheur d’un peuple qui a tant souffert pour l’avoir. Aliou Cissé, le si critiqué coach, a donc réussi une prouesse et eu un privilège, celui de ramener ce trophée continental tant convoité au pays, après plus de 60 ans d’attente.
Cissé dans l’histoire
Pour une revanche sur l’histoire, c’en est plus qu’une pour ce jeune technicien qui est aujourd’hui adulé, après avoir été voué aux gémonies. Et enfin, il a réussi la prouesse en qualifiant le Sénégal, hier, pour la prochaine Coupe du Monde qui va se dérouler au Qatar du 21 novembre au 18 décembre 2022, après un match retour âprement disputé entre le Sénégal et l’Egypte au stade Abdoulaye Wade de Diamniadio.
Cette fois encore, l’épreuve fatidique des tirs au but a tourné en faveur du Sénégal contre l’Egypte (3-1 Tab). Et comme le fruit du hasard, l’histoire s’est répétée puisqu’il y a 50 jours, jour pour jour que les Lions de la Teranga ont remporté la Coupe d’Afrique des Nations au Cameroun devant les mêmes Pharaons. Cissé a fait un septennat finalement parfait. Ainsi, de Aliou Cissé à Yaya Jammeh, en passant par Bounama Rasta et enfin El Tactico, il a su redonner du goût et de l’espoir pour notre football. Le fruit du travail si sérieux qu’il a accompli partout où il est passé.