Le parrainage, le refus de certains commerçants de répercuter au profit des consommateurs la baisse des prix décidée par les autorités, la grogne dans le secteur de la santé… autant de dossiers de feu qui entourent le pouvoir du président
La tension politico-sociale s’accentue de jour en jour dans notre pays. Ce, à cause du parrainage, de l’affaire Sonko, de Barthélemy Dias, du refus de certains commerçants de baisser les prix des denrées, de la grogne dans le secteur de la santé, etc. Un cercle de feu autour du pouvoir…
Le parrainage, le refus de certains commerçants de répercuter au profit des consommateurs la baisse des prix décidée par les autorités, la grogne dans le secteur de la santé… autant de dossiers de feu qui entourent le pouvoir du président Macky Sall. Voté lors du référendum de 2016, le parrainage constitue actuellement le nœud de la guerre entre l’opposition, la société civile et le pouvoir. A preuve, au lendemain de l’annonce par le pouvoir du parrainage obligatoire de tous les partis et coalitions de partis désireux de participer aux élections législatives du 31 juillet 2022, des mouvements d’activistes à savoir Africa First, la Coalition citoyenne le peuple, FRAPP, Luttons contre l’indiscipline au Sénégal (LCIS), Nittu dëgg Valeurs, Sénégal notre priorité (SNP), Y’en a marre ont envahi les rues de la commune du Dakar -Plateau, samedi 19 mars dernier pour lancer la campagne contre « l’illégal » parrainage électoral. Selon tous ces mouvements, si ce parrainage passe, ce serait le début d’un « hold-up » électoral. Pour mettre la pression sur l’Etat, ils avaient, à cet effet, déposé une demande d’autorisation à la Préfecture pour manifester contre ce parrainage le mercredi 23 mars 2022 à la place de la Nation. Chose promise, chose faite. En effet, même si leur manifestation n’a pas drainé beaucoup de monde, les sept mouvements citoyens initiateurs ont marché mercredi dernier dans les rues et ruelles de Dakar pour protester contre le parrainage électoral. Ils ont été tous neutralisés par les policiers qui avaient barricadé toute la capitale…
LA SANTÉ, LES DENRÉES ALIMENTAIRES… L’AUTRE ÉQUATION QUI HANTE LE POUVOIR
Le parrainage n’est pas le seul problème qui hante le sommeil du pouvoir du président Macky Sall. La santé et le refus de certains commerçants de baisser le prix des denrées alimentaires sont aussi des problèmes auxquels il doit faire face. Pour soulager le pouvoir d’achat des chefs de famille, le président de la République avait décidé de baisser les prix de certaines denrées alimentaires notamment le sucre, l’huile et le riz. Hélas, malgré cette mesure qui avait été saluée par beaucoup de nos compatriotes, certains commerçants avaient catégoriquement refusé de baisser leurs prix au prétexte qu’ils devaient d’abord écouler leurs stocks. Un refus qui avait poussé les services du Contrôle économique, dépendant du ministère du Commerce, à menacer d’utiliser le bâton contre les hors-la-loi. Sans succès dans la mesure où les prix flambent continuent toujours de flamber sur le marché.
LE FEU COUVE SOUS LA CENDRE DE LA SANTÉ
Le secteur de la santé fait également partie de ceux où le feu couve. Le Gouvernement peine en effet à satisfaire les doléances de la Fédération des syndicats de la santé (F2S), qui paralyse le secteur depuis début mars. Un feu qui, si l’Etat ne l’éteint pas, pourrait faire beaucoup de dégâts.
LES DOSSIERS DE SONKO ET DE BARTHÉLEMY DIAS
Deux autres dossiers, politiques cette fois-ci, ceux des maires élus de Ziguinchor et de Dakar, Ousmane Sonko et Barthélemy Dias, pourraient également constituer un problème pour la paix sociale. Appelée à la barre de la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dakar le mercredi 2 mars dernier, le procès de l’affaire Ndiaga Diouf, du nom du nervi tué en décembre 2011 lors de l’attaque de la mairie de Mermoz-Sacré Cœur, a été mise en délibéré au 18 mai prochain. Lors de l’audience, le Procureur général avait demandé l’infirmation de la peine de 2 ans dont 6 mois ferme infligée à Barthélémy Toye Dias en première instance et sa condamnation à 5 ans d’emprisonnement ferme. Une demande qui, si elle est suivie à la lettre par le juge de la chambre correctionnelle, risquerait de créer une forte tension dans le pays. Ce, dans la mesure où Barthélemy Dias risque de perdre son fauteuil de maire de la ville de Dakar comme prévu par les articles L29 et L30 de l’actuel Code électoral modifié en juillet 2021 qui disqualifient tous « ceux qui sont condamnés pour des délits passibles d’une peine de 5 ans d’emprisonnement ». Ce qui ne va pas à coup sûr passer comme lettre à la poste chez les partisans de Barth. Outre le dossier de l’actuel maire de Dakar, qui avait organisé récemment un contre forum de l’eau pour s’opposer à celui du président Macky Sall, le dossier de viols et de menaces de mort de l’actuel maire de Ziguinchor, déterré depuis quelques jours, constitue également un feu qui couve pour le pouvoir. Mais, l’Etat semble n’avoir cure des conséquences qu’il pourrait entraîner dans la mesure où la propriétaire du salon de massage et ancienne patronne de l’accusatrice Adji Sarr, Mme Ndèye Khady Ndiaye, et son époux ont été auditionnés par le juge du premier cabinet respectivement le mardi et mercredi derniers. S’en suivront certainement les auditions des autres personnes citées dans cette affaire de viols et de menaces de mort qui concerne le leader de Pastef, Ousmane Sonko. Lequel semble être sûr qu’aucun juge ne peut le condamner dans cette affaire. Ce bien que son accusatrice, Adji Sarr, et ses avocats pensent le contraire.
PR MOUSSA DIAW : « Le chef de l’Etat n’a pas intérêt à se confronter aux gens qui réclament leurs droits »
Le contexte social n’est pas du tout favorable au pouvoir. C’est du moins l’avis du professeur Moussa Diaw. Lequel note qu’il y a beaucoup de fronts ouverts. Il cite notamment le secteur de la santé et le refus de baisse des prix des denrées par certains commerçants. L’enseignant chercheur en sciences politiques à l’université Gaston Berger ajoute aussi la crise RussieUkraine et également les mouvements de contestation notamment la grève de 48 heures décrétée par les étudiants de l’UGB, sans compter le parrainage entre autres. M. Diaw n’oublie pas les dossiers politico-judiciaires avec l’affaire de viols et de menaces de mort de Adji Sarr et Ousmane Sonko et le procès en appel de Barthélemy Dias. Plusieurs dossiers qui semblent mettre le pouvoir dans une posture d’étincelle. « Il reste maintenant au pouvoir de voir comment sortir de cette situation notée au lendemain des élections locales. Il y a eu un effet d’annonce sur le poste de Premier ministre hélas. Et cela ne renforce pas la crédibilité de l’Etat. Il n’y a pas cette possibilité d’anticipation des autorités. Elles n’anticipent pratiquement pas dans la gouvernance. Il y a lieu de revoir les compétences. Il faut changer les leaders, exiger des résultats si on veut faire des effets probants, respecter nos engagements et désamorcer les bombes », conseille le professeur Moussa Diaw. Qui suggère au pouvoir d’éviter naturellement le bras de fer. « Le chef de l’Etat n’a pas intérêt à se confronter aux gens qui réclament leurs droits. Il doit privilégier la négociation dans ses démarches. Il pourrait être épaulé par certains de ses ministres. Mais malheureusement, beaucoup d’entre eux n’ont pas le charisme et les compétences nécessaires pour ça. Il devrait alors rapidement trouver des solutions. Il faudrait avec méthode et prudence désamorcer le climat social », conseille en conclusion l’enseignant chercheur en sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Moussa Diaw.
Bassirou Dieng