Contre le Plan de Sauvetage du 3ème mandat de Macky SALL

par pierre Dieme

Ne le laissons pas reprendre le pouvoir par le biais de l’Assemblée nationale !

Dans un article publié la semaine dernière et intitulé « Les balades du ciel avec le pilote préféré », j’affirmais avec force que « l’option de Macky SALL est claire, il n’est pas question de quitter le pouvoir : rester ou rester ». J’y lançais également un appel à l’opposition pour « surveiller comme du lait sur le feu les élections législatives (maintien de la date et déroulement transparent du scrutin), pour conquérir la majorité à l’Assemblée nationale. Ainsi, formant un bloc homogène malgré nos différences, nous amorcerons ensemble le changement de cap devenu un impératif de développement pour le Sénégal et l’Afrique ».

La suite logique de ces messages est que Macky SALL n’organisera les élections législatives qu’à condition d’avoir la garantie de les « emporter » pour rester au pouvoir. Ensuite, sa crainte d’une cohabitation avec une opposition majoritaire est un cauchemar pour lui.

La première menace sur la tenue des élections, à bonne date et dans la transparence, résulte de la reconduction unilatérale du parrainage par le pouvoir malgré l’arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO du 28 avril 2021 qu’il me plaît de baptiser « arrêt Maitre TINE », en hommage à mon confrère du barreau de Paris, chef de parti au Sénégal et auteur de la requête. Cette décision enjoint le Sénégal à lever tous les obstacles à une libre participation aux élections en supprimant le système du parrainage électoral dans un délai de six mois, largement expiré aujourd’hui. La décision de la CEDEAO est contraignante, exécutoire et sans appel.

De quelle logique les tenants du pouvoir peuvent-ils se prévaloir pour, au nom de la CEDEAO, engager notre pays dans la mise en œuvre de sanctions immédiates et réfutables contre le Mali au point de faire perdre à notre économie des dizaines de milliards de francs et dans le même temps, refuser systématiquement d’appliquer l’injonction incontestable de la même CEDEAO de supprimer le parrainage. C’est du maa tey !

Pourtant, l’introduction du nouveau système de parrainage le 19 avril 2018 et sa mise en œuvre chaotique à l’élection présidentielle de 2019, ont entrainé une levée de boucliers contre ce système inique de parrainage, échantillon unique dans le monde.

Constant dans sa démarche, le régime de Macky SALL est resté sourd. Il a imposé le parrainage sous les grenades, l’a conduit en confisquant illégalement le fichier électoral non remis aux candidats de l’opposition et aux observateurs de la société civile, l’a contrôlé à l’aide d’une application informatique conçue et mise en œuvre sans aucune concertation avec l’opposition et sur la base d’un fichier miné.

Résultat des courses : seuls cinq candidats ont été autorisés à participer à l’élection présidentielle y compris le candidat sortant avec une élimination annoncée et triomphaliste de 27 candidats.

Pour réaliser ce forfait, des parrains ont été volontairement déplacés de leur lieu d’inscription dans le but de réduire le nombre d’électeurs obtenu par les candidats ciblés pour qu’ils n’atteignent pas le seuil requis par région, d’autres ont été simplement éliminés pour erreurs matérielles. Quant au Conseil constitutionnelil a manqué à son devoir de vérification préalable des informations reçues du ministère de l’Intérieur et à l’obligation de les partager avec les candidats pour sauvegarder sa neutralité absolue.

Les récentes modifications du dispositif de contrôle comportent des pièges. Sous prétexte « d’aider » les candidats à éviter les doublons, un logiciel est proposé pour permettre de les détecter. Quelle manœuvre cousue de fil blanc ! « Ku sa wujj di sang doo set ! C’est connu. Rien n’empêche le pouvoir et son ministère de l’intérieur de procéder au pré-enregistrement, bien dissimulé dans le logiciel filé aux partis, d’une liste de parrains non réutilisables. Une forme d’asséchement ciblé du stock de parrains déjà à sa disposition !

Il en est de même du logiciel de contrôle des parrainages. Cette application doit être conçu de concert avec l’opposition et combiné à une procédure consensuelle de contrôle des signatures.

L’opposition doit refuser l’utilisation de tout logiciel à la conception duquel ses spécialistes n’ont pas participé. Il n’est pas question d’envoyer des techniciens pour assister en spectateur au fonctionnement d’une application préconçue unilatéralement par un ministère de l’intérieur partisan.

La seconde menace sur les élections législatives tient à l’entêtement du pouvoir à priver des leaders politiques, Karim WADE et Khalifa SALL en l’occurrence, de leur droit de participer aux élections, à la suite de procès inéquitables et de modifications ciblées du Code électoral. La même volonté du pouvoir d’écarter Ousmane SONKO est évidente. La lutte pour sauvegarder leurs droits est légitime et doit être menée par tous les démocrates.

Enfin, les techniques traditionnelles de fraude mises en œuvre par le pouvoir sont encore en cours et doivent être paralysées. L’opposition doit se mobiliser, quelle que soit l’entité à laquelle ses membres appartiennent, pour surveiller le processus électoral de bout en bout. Il faut, en particulier, refuser la participation au vote des électeurs mercenaires recrutés des pays frontaliers du Sénégal, les achats de bulletins ou de procès-verbaux et les transferts massifs d’électeurs.

Pour l’exécution du Plan de Sauvetage du 3ème mandat de Macky SALLc’est l’argent qui manque le moins. Rien n’est de trop : les cargos masqués d’euros, les jets privés bourrés de pétro dollars, la distribution bruyante de financements de campagnes électorales, les dividendes des « actionnaires confidentiels », les tickets d’entrée des multimilliardaires et les appuis politiques extorqués.

Les moyens financiers pour réaliser le forfait sont là. Les complices pour y contribuer aussi. Leur prix est connu. Les uns le font de bon gré, les autres y sont contraints et forcés, du fait de leurs forfaits du passé et leurs travers découverts, certains pour respecter leurs signatures, d’autres par crainte d’être vilipendés.  

Je comprends bien que l’évaporation des soucis d’argent ait laissé la place à l’omniprésence de l’angoisse du lendemain. C’est essoufflant ! Mais ce n’est pas une raison pour s’agripper aux plans casse-cous mijotés par des cerveaux amortis qui s’affolent en privé et font les féroces devant le chef pour l’aider à exorciser sa panique. Le projet déraisonnable et aventureux de garder le pouvoir en 2024 et au-delà ne prospérera pas.

En tout état de cause, il n’est pas question de boycotter les élections. Macky SALL a déjà perdu le pouvoir. Il ne lui reste qu’un choix : ruser pour mettre l’Assemblée nationale dans sa poche dans le dessein de procéder à toutes les modifications constitutionnelles nécessaires pour sauver le troisième mandat dont il rêve. Il faut l’en empêcher. Il n’a même pas besoin de l’Assemblée nationale pour perpétuer l’héritage de la belle aventure de l’APR de 2008 et de la coalition Benno Bokk Yaakaar de 2012. Ku añaane sa ndono…..

Le sage et riche laboureur de Jean de La Fontaine avait bien compris, sentant sa mort prochaine, qu’il ne fallait pas vendre l’héritage laissé par les parents. Il fit alors venir ses enfants et les exhorta au trésor-travail de si belle manière : « ne laissez nulle place où la main ne passe et repasse ». Le Trésor du Sénégal, c’est sa stabilité. C’est l’héritage laissé par les précurseurs politiques et les guides spirituels. Nous inspirant de cette leçon, ne laissons nulle fenêtre, nul trou de souris ou nulle fissure pouvant ouvrir la porte d’un troisième mandat à Macky SALL et pouvant menacer la stabilité de notre cher pays.

La meilleure façon d’asperger de l’eau – denrée rare, il est vrai, même si on en parle beaucoup ces derniers jours et qui manque horriblement aux populations – sur le tapis de braises déroulé par le régime de Macky SALL est de réussir le pari de disposer d’une majorité de députés de l’opposition à l’Assemblée nationale à l’issue des élections du 31 juillet 2022. 

En nous épargnant un combat inutile, le pouvoir aura fait l’essentiel : bien partir ! Nos compatriotes sont patients et conscients qu’ils sont quelque part obligés d’assumer la gestion du pouvoir, même avec regret, car ils en ont élu les tenants actuels.

Le peuple sénégalais traverse des moments difficiles. Il n’a pas besoin de laisser exploser sa colère et sa déception. De grâce, ne lui en donnez pas l’occasion.  Ne privez pas, non plus, vos fidèles partisans de la joie et de la dignité de vous accompagner jusqu’à votre domicile, si vous choisissez de rester au Sénégal à la fin de votre mandat. Ils méritent de lever la tête comme l’ont fait les partisans de vos trois prédécesseurs : SENGHOR, DIOUF et WADE.

Boubacar CAMARA

Kamâh

25 mars 2022

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