Évaluation de leurs performances : Les magistrats désormais notés

par pierre Dieme

Le ministère de la Justice, à travers sa Direction des Services judiciaires, en partenariat avec l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique, a démarré ce jeudi à Saly Portudal, un atelier de renforcement des capacités sur le système d’évaluation des magistrats

Le ministère de la Justice, à travers sa Direction des Services judiciaires, en partenariat avec l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique, a démarré ce jeudi à Saly Portudal, un atelier de renforcement des capacités sur le système d’évaluation des magistrats. Cette rencontre de deux jours est destinée aux chefs de juridictions, notamment au premier président et le Procureur général de la Cour suprême, aux présidents et procureurs généraux près les Cours d’appel (CA) et aux présidents et procureurs près les tribunaux de grandes instance (TGI) du ressort de Dakar. La finalité de cette réforme est de mieux encadrer la gestion de la carrière du magistrat. Selon certains magistrats, elle devrait participer considérablement à changer la perception du justiciable sur la Justice et celle du fonctionnaire « intouchable » collée à tort aux magistrats.

La rencontre de Saly Portudal a pour objectif principal d’accompagner le processus de conduite du changement nécessaire à l’appropriation du système d’évaluation par les acteurs afin de disposer d’un outil objectif d’appréciation de l’activité et de la qualité professionnelle des magistrats et d’aide à la décision en vue du choix à l’inscription au tableau d’avancement. « Cela va nous permettre de mieux encadrer la gestion de la carrière du magistrat. A l’issue de cet atelier, les magistrats auront une meilleure connaissance de ce texte » a indiqué le directeur des Services judiciaires du ministère de la Justice, Abdoulaye Ndiaye, qui présidait l’ouverture des travaux. « Le statut des magistrats prévoit, à son article 43, un dispositif d’évaluation et précise que l’évaluation du magistrat se fait chaque année à partir du 15 août. Il sera régi à partir des fiches d’évaluation dont les caractères sont fixés par un décret », a expliqué le Directeur des Services judiciaires au ministère de la Justice. Le Bureau du développement, de l’assistance et de la formation en matière de poursuites à l’étranger (OPDAT, acronyme anglais) du département de la Justice des Etats-Unis d’Amérique a décidé de continuer d’appuyer le ministère de la Justice du Sénégal dans la mise en œuvre du système d’évaluation des magistrats. Thomas Bradley, conseiller Juridique DOJ /OPDAT à l’ambassade des Etats Unis d’Amérique au Sénégal, soutient que les magistrats sont au cœur de la Justice. Et qu’à ce titre, ils doivent être professionnels et indépendants. « C’est important. Lorsque le citoyen vient au tribunal, il réclame justice, il veut gagner le procès sans doute. Mais, je crois aussi qu’il veut être traité avec équité, savoir qui est son juge, sur la base des lois et des faits. Le procureur et les juges sont des professionnels, ils le méritent et nous aussi, en tant que magistrats. C’est pourquoi nous sommes ici pour garder cette mission, pour que le Sénégal reste leader en Afrique de l’Ouest. Je sais que vous êtes leaders, je l’ai dit partout ailleurs », a dit l’ancien procureur aux USA durant plus de 25 ans.

Mieux encadrer la gestion de la carrière des magistrats

« Il y a un travail participatif qui a été mené ces dernières années. Ce travail a abouti à l’adoption d’un décret portant sur l’adoption d’une fiche d’évaluation des magistrats. Donc l’atelier d’aujourd’hui, qui regroupe tous les présidents de Cours d’Appel et chefs de juridiction de Dakar, devrait nous permettre de partager ce texte et de partager les fiches d’évaluation qui ont été élaborées et qui font partie de ce décret. Et cela va nous permettre de mieux encadrer la gestion de la carrière du magistrat. A l’issue de l’atelier, les magistrats auront une meilleure connaissance de ce texte », a dit pour sa part Abdoulaye Ndiaye, Directeur des services judiciaires au ministère de la Justice. « Au Sénégal, cinq ans après l’adoption de ce projet de loi, l’évaluation des magistrats en est encore au stade des balbutiements. Cette évaluation se fait de manière erratique, très inégalitaire sur l’ensemble du territoire. Il y a des chefs de juridiction et des chefs de juridiction qui sont satisfaits. Il est temps que nous franchissions ce cap et que nous parvenions à l’effectivité de cette évaluation qui est un gage et d’un critère de performance. Toute administration et tout service public digne de ce nom et qui se qui se veut performant, doit sacrifier à ce processus. Il ne peut pas faire l’économie d’une évaluation objective qui est basée sur des critères scientifiques et dont l’efficience est reconnue », a fait remarquer de son côté Ciré Aly Bâ, 1er président de la Cour d’Appel de Dakar. « Les magistrats du Tribunal de grande instance sont suivis, supervisés et évalués par le président du TGI à l’intérieur du ressort, le président de la Cour d’Appel supervise tous ces gens-là. Maintenant, il faut que tout ça soit formalisé et doit résulter des procédures objectives égalitaires et contradictoires pour que celui qui est évalué ait son mot à dire et qu’au bout du compte, l’on puisse avoir une notation transparente et qui puisse rendre compte du profil du magistrat pour qu’au moment des nominations et même dans les procédures disciplinaires on connaisse le processus du magistrat afin qu’on sache à qui on a à faire » a estimé quant à lui Cheikh Ndiaye 1er président de la Cour d’Appel de Saint Louis. Pour lui, en effet, il n’est pas normal qu’on sorte le dossier d’un magistrat et qu’on ne voie aucune fiche de notation qui renseigne sur son comportement vis-à-vis de ses collègues et des justiciables. « Il faut faire des évaluations qui permettront d’avoir des renseignements sur la nature de la personne », insiste-t-il.

« Les magistrats ne travaillent pas en vase clos »

« Le processus d’évaluation, de notation des magistrats est connu dans la chaîne hiérarchique interne et ensuite au niveau de l’administration centrale. Mais il peut être utile aux justiciables parce que l’idée la plus répandue est que les magistrats travaillent en vase clos, personne ne sait ce qu’ils font et ils sont munis d’une certaine impunité alors que ce n’est pas le cas », a soutenu le magistrat Cheikh Ndiaye. Pour ce chef de juridiction, cet atelier est une initiative qui vient à son heure. « Le texte est nouveau, c’est vrai que le système d’évaluation était prévu depuis 2018. Mais il y a toujours un processus ou une phase d’adaptation au bout duquel tous les magistrats de toutes les juridictions se mettent au diapason pour pouvoir appliquer correctement les textes », estime-t-il.

Le système d’évaluation des magistrats est à usage interne à titre principal. Le statut des magistrats prévoit, à son article 43, un dispositif d’évaluation et ce texte précise que l’évaluation du magistrat se fait chaque année à partir du 15 août et sera régi à partir des fiches d’évaluation dont les caractères sont fixés par un décret. Le président du tribunal du travail hors classe de Dakar, le président du tribunal de commerce, le doyen des juges de Dakar, les magistrats à l’administration centrale et le président de l’Union des magistrats sénégalais (UMS), prennent également part à cet atelier.

Pour rappel, au courant de l’année 2017, la volonté de modernisation du cadre juridique au ministère de la Justice a entrainé l’adoption de plusieurs lois organiques, notamment celle portant sur le statut des magistrats, loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant celle n° 92-27 du 30 mai 1992 portant statut des magistrats.

Alioune Badara CISS 

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