Keur Massar où «tous» marchent et rien ne va !

par pierre Dieme

Mieux vaut braver le Sahara en plein harmattan que de vouloir sortir de Keur Massar, le matin. C’est un vrai calvaire.

Mieux vaut braver le Sahara en plein harmattan que de vouloir sortir de Keur Massar, le matin. C’est un vrai calvaire. Les voitures roulent par à-coups et épuisent la moitié de leurs réserves de gasoil avant d’atteindre la sortie. Ces bouchons en interne, entrainent des bousculades chez les passants pressés de rallier leurs lieux de travail, et qui s’offrent une séance de randonnée pédestre devenue presque une habitude. A leur grand dam, ils se livrent aux malfaiteurs qui s’immergent parmi les chercheurs d’emploi et n’attendent qu’une infirme opportunité pour les déposséder. Entre les travaux de l’autopont dont l’échéance est de dix-huit mois ; le nombre exorbitant de jeunes gens repartis chaque matin de part et d’autre de la voie principale attendant d’être recrutés et les petits commerces de survie aux abords, le nouveau département vibre à différents rythmes.

Sortir et arriver à destination à temps, est un vieux rêve de jeune fille à Keur Massar. Toutes les rues sont constipées. Sans réelle chance de se résorber, les embouteillages se sont petit à petit imposés dans le paysage du département. Depuis la pharmacie 24h jusqu’à la première station(Shell), passant par la deuxième(Total), les passagers sont éprouvés. La difficulté réside dans le fait qu’il n’existe qu’une seule voie qui mène vers la route nationale, donc aux heures de pointe les véhicules se constituent en files plus serrées que des incisives. La principale cause à ses embouteillages est l’occupation anarchique.

En effet Keur massar est l’un des terrains commerciaux les plus importants de la région de Dakar. Bon nombre de marchands ambulants d’autres localités ont déplacé leurs activités dans l’ancienne commune récemment érigée en département. A cet effet, le marché est anormalement occupé, il est presque devenu difficile d’en faire la délimitation. Les passages piétons ainsi qu’une partie de la route sont confisqués par les acteurs de l’informel. Ils y vendent (draps, vêtements, vaisselle, produits alimentaires etc.). Si certains d’entre eux sont des vendeurs, d’autres cherchent de la main d’œuvre. Sans diplôme ni emploi fixe, ils se tiennent tous azimuts en attendant d’être recrutés. Souvent désignés comme les boucheurs de voie, ils se défendent ainsi  :  «Nous sommes conscients que notre présence ici intensifie les embouteillages mais que pouvons-nous y faire ? Si nous quittons l’endroit sans aucune autre alternative, comment allons-nous subvenir à nos propres besoins et à ceux de nos familles ».

A Mar Ndiaye, un autre vendeur de téléphone de renchérir : « Personne n’aimerait travailler dans des conditions aussi exécrables qu’inconfortables. Entre nous et la mairie, c’est la course poursuite. Lorsqu’elle ordonne un déguerpissement, nous plions bagages ; à leur départ, nous revenons ». Pour les chauffeurs, ce n’est pas la grande fête également. Qu’il s’agisse des conducteurs de Clandos à l’intérieur de Keur Massar ou ceux des bus TATA, l’avis reste le même. Leur rythme e travail est ralenti par les embouteillages et le gasoil s’envole comme de l’air. L’un d’eux déclare  : «  On fait chaque jour le double du temps qu’on est censé faire pour cette distance. Nos allers et retours sont réduits, ce qui amoindrit nos profits. Quant aux moteurs des voitures, certains ne résistent pas aux longues attentes, donc des besoins de changement s’imposent et cela engage d’autres frais ».

Cependant, les travaux de construction de l’autopont de Keur Massar y ont leur part belle. Avec les voies menant vers Jaxaay et Malika barrées, faire des détours est une obligation. Les travaux entamées depuis avril 2021, juste avant l’hivernage, ont renforcé l’obstruction des voies et plongé les populations dans l’émoi. Selon un agent de l’Ageroute, « les gens disent que les bouchons sont dus aux travaux mais ils ignorent ou oublient que la construction de l’autopont s’inscrit dans le but de déconstiper l’endroit. La durée est estimée à dix-huit mois et nous sommes en train d’accélérer le travail pour que les voies fermées à la circulation puissent reprendre du service très rapidement ». Sans compter que devant les barrages, des marchands ambulants étalent leurs produits, ce qui a tendance à rétrécir le chemin.

LES DÉFIS SÉCURITAIRES

L’insécurité à Keur Massar s’accroit au même rythme que sa population. Il n’y a pas de jour où l’on n’entend pas des cas d’agression, de vol, de viol, d’assassinat etc. L’endroit le plus risqué reste la forêt classée. A l’heure de la descente, les embouteillages commencent à partir de là et les gens sont obligés d’employer leurs jambes pour atteindre leurs concessions. C’est au cours de cette marche que les agresseurs les prennent d’assaut. Des armes blanches et à feu en leur possession, ils précipitent les passants à l’intérieur des bois où ils les supplicient. Au niveau de la station, les piétons se font également dépouillés par les malfaiteurs qui se déguisent en vendeurs. Même si les unités de la gendarmerie interviennent de temps en temps, cela ne résout pas durablement le phénomène de l’insécurité.

QUELLE RÉSOLUTION DURABLE ?

Un certain nombre de « Keur Massarois » estime que la fin des travaux de l’autopont ainsi que le déguerpissement des marchands ambulants résoudraient une bonne fois pour toutes la constipation quotidienne des passages. Mais, la faisabilité du deuxième point n’est pas si simple puisqu’il y a déjà eu des tentatives. « Si l’Etat décide de nous déplacer maintenant, sans nous trouver un lieu approprié, qu’allons-nous devenir ? La bonne démarche n’est pas de nous chasser comme des malpropres, mais de nous trouver un espace où on pourra tranquillement mener nos activités », s’écrie ainsi Abdou Sam, marchand ambulant de 35 ans. Le 46ème département du Sénégal a encore des défis à relever. L’allègement de la circulation en est un, et des plus pressants. Des voies obstruées entravent la mobilité des habitants tout en compromettant leur sécurité.

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