Alors que la transition cherche sa boussole en Guinée, l’ex-candidat à la présidentielle et leader de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, s’est confié au Point Afrique
Trois fois candidat à l’élection présidentielle (2010, 2015 et 2020), Cellou Dalein Diallo occupe le devant de la scène politique guinéenne, où il a émergé en tant que Premier ministre du président Lassana Konté de 2004 à 2006. Président de l’Union des forces démocratiques de Guinée, l’une des principales formations politiques du pays, il a accepté de partager ses réflexions sur ce que vit la Guinée actuellement.
Le Point Afrique : Six mois après le coup d’État qui a fait partir le président Alpha Condé, où en est la Guinée aujourd’hui ?
Cellou Dalein Diallo : Il faut d’abord rappeler que lorsque le coup d’État est intervenu le 5 septembre 2021, le peuple de Guinée dans sa grande majorité l’a approuvé. En effet, Alpha Condé exerçait un troisième mandat illégal et illégitime à la suite du coup d’État constitutionnel du 22 mars et du hold-up électoral du 18 octobre 2020. Les Guinéens et la classe politique ont approuvé le coup d’État et ont demandé à la communauté internationale d’accompagner la junte parce que son discours de prise du pouvoir nous avait rassurés. Elle s’était engagée à mettre fin au dysfonctionnement des institutions, à l’instrumentalisation de la justice et à organiser le retour rapide à l’ordre constitutionnel à l’issue d’élections inclusives, libres et transparentes.
Six mois après, nous sommes plutôt déçus car, jusqu’à présent, nous n’avons pas de visibilité. On ne sait pas quand la transition va prendre fin. Aucune date n’a été donnée par la junte, qui a exclu la classe politique de la gestion de cette transition. Nous avons réclamé un dialogue politique pour définir ensemble le contenu de la transition, sa durée, le statut de l’organe de gestion des élections, comment disposer d’un fichier qui reflète fidèlement le corps électoral guinéen, mais nous ne sommes pas écoutés.
Donc, aujourd’hui, c’est l’absence de visibilité et le refus de tout dialogue qui caractérise la situation. Cela est source de conflit car quand on n’a pas de visibilité et qu’on ne peut pas être associé à la définition du contenu et de la durée de la transition, on est quelque peu frustré. Dans un contexte marqué par la dissolution de l’Assemblée et de la constitution, un contexte où le président a été déposé, il n’y a plus de légitimité. Seul le consensus issu du dialogue en politique devrait orienter l’action publique. Malheureusement, ce dialogue n’existe pas. Et la junte décide seule sans associer les acteurs de la société civile et du monde politique.
On imagine que les forces politiques et la société civile ne restent pas les bras croisés ?
Individuellement et au travers de coalitions formées, la classe politique a lancé un appel à la junte pour que s’ouvre un dialogue politique et, qu’autour de la table, on essaie de définir la durée de la transition comme la charte de la transition qu’ils ont édictée le prévoit. En son article 77, il est clairement dit que les forces vives et le CNRD définiraient le moment venu la durée de la transition. Malheureusement, jusqu’à présent, cela n’a pas été suivi d’effet et il n’y a pas de dialogue formel.
Plusieurs dialogues politiques en Guinée ont été tenus en Guinée. Un cadre de dialogue existe qui peut être actualisé. C’est le CNRD qui décide, c’est le gouvernement qui met en œuvre les politiques décidées par le CNRD, c’est le CNT qui légifère, ce sont les acteurs politiques qui participent aux élections et c’est la société civile qui est observatrice mais aussi lanceuse d’alerte.
À côté de ça, il y a les partenaires techniques et financiers qui appuient le gouvernement dans l’organisation des élections et qui veulent s’assurer que les conditions d’un scrutin libre et transparent sont réunies. Ceux-ci ont aussi l’habitude de participer au dialogue politique.
Nous pensons que ce cadre-là peut effectivement aider à avancer, à éviter les conflits qui peuvent naître et à poser un dialogue. Nous suggérons aussi qu’il y ait un facilitateur de la Cedeao, de l’Union africaine ou des Nations unies pour aider les Guinéens à s’entendre. Il y a une crise de confiance interne suffisamment profonde qui fait que parfois la présence d’un médiateur extérieur peut aider à aplanir les divergences et éviter des conflits inutiles.