Les eaux marines sénégalaises en sursis

par pierre Dieme

254 770 tonnes de déchets jetées en mer par an, forte demande en farine de poissons, surexploitation… ces facteurs qui menacent les eaux océaniques du Sénégal

Plusieurs facteurs menacent les eaux océaniques du Sénégal. En faisant une présentation axée sur «Protéger le patrimoine océanique du Sénégal», le chercheur Todd Caspson, est revenu sur de nombreux problèmes qui nuisent à la mer, notamment la pollution marine (déchets), la surexploitation liée à la pêche légale et illégale et le demande de plus en plus croissante de farine de poisson. Il a séjourné à Dakar pendant une semaine.

A l’initiative de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Dakar, le chercheur associé à l’Institut de physique du globe de Paris, Todd Caspson, a séjourné au Sénégal pendant quelques jours. Période pendant laquelle il a rencontré différentes autorités et animé plusieurs panels sur les effets des changements climatiques. Lors d’un webinaire axé sur le thème : «Protéger le patrimoine océanique du Sénégal : des menaces sans précédent nécessiteront des interventions audacieuses», il est revenu sur la pêche durable, la pollution marine et les changements climatiques.

En faisant sa présentation, le chercheur a donné l’information selon laquelle, le Sénégal est à la 21ème position des pays dont les océans sont les plus pollués. «La quantité de déchets déversés dans la mer est de 254.770 tonnes par an. Il arrive derrière les Etats-Unis, larges de 50 Etats qui sont à 275.424 tonnes de déchets annuelles». Le chercheur signale que le Sénégal a une économie côtière beaucoup plus grande et une présence plus accrue des populations sur la bande côtière. A l’en croire, les problèmes du Sénégal, qui fait partie du courant des Canaries qui part du Maroc jusqu’en Guinée-Bissau, sont aussi les changements climatiques qui ont des impacts très forts sur les océans, qui se manifestent par la «solidification», la «désoxygénation» et le «réchauffement». Ces trois facteurs ont des conséquences sur la vie marine, y compris sur les poissons. Il y a aussi le fait que les ressources du courant des Canaries dépassent les pays limitrophes, en fournissant des protéines animales aux communautés les plus vulnérables dans l’Afrique saharienne ; soit près de 200 millions de personnes. L’autre remarque du chercheur c’est que les flottes étrangères, légaux et illégaux, sont une grande menace pour les pays comme le Sénégal. A côté, il y a également, dit-il, «la surcapacité des pêches nationales et la faiblesse de la surveillance et contrôle». Pis, la demande mondiale de farine de poisson, susceptible d’augmenter, aura sans doute des conséquences sur ces pays du courant des Canaries auxquels appartient le Sénégal.

36 NAVIRES ARAISONNES POUR PECHE ILLEGALE ET AUTRES INFRACTIONS EN MATIERE DE PECHE

Pendant ce temps, au moins 15 des 18 stocks côtiers et ressources pélagiques importants sont entièrement ou surexploités. En atteste, indique-t-il, «le partenariat entre Sea Shepherd et les gouvernements africains pour lutter contre la pêche illicite non déclarée et non réglementée (Pêche INN) qui a, à ce jour, permis l’arrestation de 36 navires pour pêche illégale et autres infractions en matière de pêche». Justement, relève-t-il, dans ce domaine de la pêche illégale, une organisation ayant des bateaux a signé des accords avec l’Etat du Sénégal afin de mieux maquiller ses activités illicites. Les effets des changements climatiques sur les océans des pays qui composent ce courant des Canaries sont entre autres, l’acidification qui a des impacts sur tous les organismes marins y compris les coraux, les mollusques, les crustacés et les poissons. Il y a aussi la désoxygénation.

En effet, explique-t-il, l’oxygène est essentiel aux processus biologiques et biogéochimiques dans l’océan. La hausse des températures mondiales diminue la solubilité de l’oxygène dans l’eau, augmente la consommation d’oxygène, réduit l’introduction d’oxygène de l’atmosphère et des eaux de surface dans l’intérieur des océans. Le Sénégal tarde également à mettre fin au péril plastique ; d’où sa plaidoirie pour que le pays s’inspire du modèle rwandais. Todd Caspson révèle, dans ce contexte, qu’en 2019, les exportateurs américains ont expédié plus de 450 millions de kilos de déchets plastiques dans 96 pays. Les exportations vers l’Afrique ont plus que quadruplé en 2019, par rapport à l’année précédente.

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