L’opposition en ordre de bataille: Macky et l’entêtement à ne pas ‘’libérer ‘’ Khalifa

par pierre Dieme

Khalifa Sall est libre parce que gracié. Le leader du mouvement Taxawu Sénégal n’est pas cependant tout à fait libre. Parce que simplement, il n’est pas libre de faire de la politique, une de ses passions, sans doute l’activité grâce à laquelle il est connu au Sénégal et dans le monde entier.
Khalifa a des ambitions pour sa ville, Dakar, qu’un de ses partisans, Barthélémy Dias, a gagnée, mais aussi pour le Sénégal. C’est d’ailleurs l’un des prétendants sérieux à la magistrature suprême. Il n’y a pas plus présidentiable que lui. Toutefois, l’obstacle qui se dresse devant lui, c’est cette condamnation à cinq ans de prison en mars 2018, confirmée en appel en 2021 et qui fait qu’il est désormais inéligible, selon les articles L29 et 30 du Code électoral.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, cette année, il n’a pu participer aux élections locales. Alors qu’il est un leader actif d’une forte coalition de l’opposition, la plus dynamique, actuellement, Yewwi Askan wi . On comprend aisément alors que ses partisans de Yewwi désirent se mobiliser pour sa libération politique, laquelle tarde.

En effet, force est de reconnaître que le Président Sall n’a pas respecté sa promesse faite devant la presse étrangère, d’amnistier Karim Wade et Khalifa Sall une fois qu’il aura obtenu un second mandat. Les deux étant, pour le moment, inéligibles. Une situation sans doute dramatique pour leurs partisans parce qu’il s’agit de deux leaders sur lesquels ils comptent beaucoup pour le devenir de leurs entités politiques, mais aussi du pays. Et c’est justement pour cette raison que Macky s’entête à ne pas vouloir les libérer, politiquement. Il a dû se rendre compte qu’aussi bien les Législatives que la Présidentielle à venir sont d’une importance capitale.

Les Législatives parce que le risque n’est pas négligeable de voir une opposition bien organisée et unie, renverser la tendance et imposer une cohabitation au régime en place. Ce qui signifierait, de facto, sa fin, car la nomination du premier Ministre et de l’appareil gouvernemental reviendra alors à la nouvelle majorité.

La Présidentielle parce que Macky n’a nullement l’intention, qu’il soit candidat ou pas, de laisser gagner une opposition radicale qui pourrait s’en prendre à beaucoup de ses proches exactement comme il l’a fait avec le clan de Wade, l’ancien Président. Du coup, craignant le retour d’ascenseur et en bon tacticien politique, il ne souhaite pas non plus faciliter la tâche à son opposition, manifestement, en proie à une œuvre difficile de recomposition surtout après le départ d’Idrissa Seck, arrivé second à la Présidentielle. Il s’agit de travailler, encore et encore à divertir les adversaires, à les disperser le plus longtemps possible et à les fragiliser.

La démarche est ‘’mackyavélique’’ avec ce risque de créer les conditions de législatives tumultueuses, comme le dit Alioune Tine. Car, si l’opposition ne lâche pas du lest sur le parrainage et si elle compte vraiment présenter Khalifa Sall sur les listes comme elle le prétend, le minimum de sérénité observée sur le terrain politique va s’éclater. Toutefois, il faut bien reconnaître que depuis longtemps, le pouvoir détient ces cartes maîtresses entre ses mains et comptent en user d’autant plus qu’il est aisé, pour lui, d’arguer que c’est la Justice qui les a condamnés et que l’amnistie n’est pas obligatoire. Comme quoi, en politique et en géopolitique, il est illusoire de compter sur les sentiments notamment de pitié ou de bonne convivialité encore moins d’amour du prochain et de magnanimité. C’est un terrain où les acteurs ne cèdent que sous pression. Et c’est cela qui fait que personne ne recule devant rien pour réaliser ses ambitions.

Et c’est là où se trouve tout le sens des déclarations de Yewwi qui compte bien investir Khalifa Sall sur les listes pour les Législatives. Reste à savoir s’il en aura les moyens politiques.

Assane Samb

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