Tensions au Sénégal: Innocence insiste sur le pacte national de stabilité sociale

par pierre Dieme

Le Sénégal connaît une crise dans le secteur éducatif, sanitaire entre autres. Pour la Présidente du Haut conseil du dialogue social (HCDS) Innocence Ntap Ndiaye, il faut penser à l’usage du pacte de stabilité sociale. Elle était l’invitée du Grand oral sur Rewmi Fm.
Pouvons-nous faire un bref récapitulatif des activités du Haut conseil et des perspectives ?

Oui l’institution nationale tripartite du Haut conseil a mené plusieurs activités. Pour 2020-2021, le rapport a été remis au chef de l’Etat en avril. L’institution poursuit ses missions de facilitation et de médiation mais aussi de formation. C’est la médiation avec l’éducation en crise et le HCDS se félicite de l’issue heureuse et de la signature de l’accord entre les deux parties. Il faut tourner la page. Il faut aller vers des lendemains meilleurs.

Il y a eu des blocages. Pouvez-vous y revenir ?

C’est vrai qu’il y a eu des blocages pour la mise en place du corps des administrateurs scolaires et le système de rémunération. Ce sont des points qui étaient bien inscrits dans le protocole de 2018, mais ce n’était pas des points d’accords. Il s’agit pour le Gouvernement de mettre en place un groupe de travail qui allait justement faire des observations et livrer des résultats.

Des accords ont été signés. Qu’est-ce que vous comptez faire pour le suivi ?

Je pense que c’est un leitmotiv car pour nous, c’est un peu de la communication. Les points des accords ont été exécutés à des périodes différenciées. Par exemple, sur certains points, il y a des avancées et il faut faire une bonne communication. Ce sont des syndicats et c’est dans leur logique de dire que le gouvernement n’a rien fait. Mais il faut être juste aussi.

Alors outre le système éducatif, la santé a haussé le ton avec le système de rémunération et l’étude a été enclenchée. Faites-nous le point !

Je les ai reçus à mon bureau avec une réunion et l’Alliance And Gueusseum. Nous avons rencontré le ministre des Finances qui va prendre les dossiers en main pour éviter que dans le secteur de la santé, on ait des problèmes. J’entends rencontrer les autres et le ministre Diouf Sarr.

En clair, vous êtes en train de désamorcer cette bombe, parce que And Guesseum a déposé un préavis ?

Nous allons rencontrer tous les autres, mais And Gueusseum était là. J’en ai soufflé un mot au ministre Abdoulaye Daouda Diallo qui est à l’écoute. Pour le système de rémunération, l’étude avance. Le gouvernement a pris l’option d’aller vers des solutions. Le gouvernement gagnerait à faire cette étude pour réduire les inégalités.

Les grèves sont longues avec un programme au rabais . Comment faire pour anticiper sur cette question ?

La période Covid est passée par là et les enseignants ont fait preuve de résilience, mais les questions posées étaient pendantes et il y avait des difficultés pour les traiter. Il fallait arrêter cette façon de faire et les syndicats se battent toujours. Le système a besoin de stabilité et les acteurs sont d’accord. Il faut aussi savoir que le pacte social et les partenaires doivent poser la réflexion pour aller vers un pacte de stabilité, car les acquis engrangés sont tels qu’il faut une stabilité. Il faut stabiliser le secteur, si nous voulons avoir une jeunesse émergente et qui puisse prendre la relève.

Le pacte social tient-il toujours ?

Le Président avait donné des instructions, notamment au ministère du Travail pour des concertations et faire revivre le pacte qui nous a valu des années de stabilité. Pour l’éducation, ce serait une innovation et il faut donc réfléchir et discuter en montrant les avantages comparatifs à tirer d’un pacte. Et déjà, nous avons les élections qui, organisées, seraient un acquis. Tous les acteurs sont d’accord que le Sénégal a cette primeur au plan africain.

Mais ces élections n’ont-elles pas montré leur limite face à l’émiettement du mouvement syndical ?

De plus en plus, les partenaires sociaux parlent d’unité d’action. Les élections de représentativité étaient un temps forts dans l’histoire sociale du pays et aujourd’hui, il faut tirer les leçons et aller vers un dialogue social inclusif, car les syndicats méritent d’être écoutés. Je pense que de plus en plus, nous parlons de dialogue social inclusif. Tout dépendra des clefs de répartition. Nous sommes dans le dialogue et les acteurs doivent s’approprier les mécanismes mis en place.

Ces élections ont eu des manquements. Que faut-il renforcer pour une meilleure coordination ?

Le ministre du Travail est en train de faire une évaluation pour voir le cadre réglementaire qui régit ces élections. Ce sont des analyses à faire par les acteurs pour améliorer le système. C’est un travail qui est en train de se faire et nous sommes parties prenantes.

Des entreprises sont souvent secouées. Qu’est-ce que le Haut conseil fait à ce niveau ?

Nous sommes en train de faire de la médiation et nous sommes informés des difficultés que traversent les travailleurs. Mais nous essayons de mettre en place un mécanisme de dialogue interne. Vous l’avez suivi avec Dangoté, une grande entreprise. Avec la Cedeao, on est en train de voir comment y établir un dialogue social constructif. Le Haut conseil se projette certes car il y a un plan d’action Triennal. Nous en avons un en 2015-2018, un autre entre 2018, 2020 et 2021, nous y sommes. Nous serons en assemblée plénière et nous avons beaucoup de pistes pour faire la promotion du dialogue social dans notre pays. Nous avons des résultats car dans l’ancien pacte, nous avions un objectif de 300 partenaires sociaux. Nous l’avons dépassé. Avec le Plan national de renforcement du dialogue social, que le Chef de l’État a demandé d’élaborer, à travers la mise en œuvre de ce plan, nous avons dépassé pour le premier, le nombre de partenaires, avec des caravanes de vulgarisation, de renforcement du dialogue social. Nous étions à Thiès, Fatick etc. et sur place, nous avions plusieurs partenaires sociaux.

Les élections, nous en parlons. Comment analysez-vous la participation des femmes aux dernières Locales ?

Je pense qu’il y a eu une forte mobilisation des femmes. Mais il faut aussi poursuivre le travail et que les femmes obtiennent les postes de décision. Je ne suis pas pour les quotations, mais il faut se battre et améliorer l’existant. Il y a des femmes qui ne sont pas sur le terrain mais sur le discours. Je suis dans l’action. C’est ça qui est important.

Comment percevez-vous cette difficulté à respecter cette loi votée sous Wade ?

Nous étions avec Wade et je suis contente de voir que le stade inauguré porte son nom. C’est une marque de reconnaissance aussi. Dans ce pays, il ne faut pas oublier les grands hommes. La loi sur la parité est un acquis. Le Sénégal va vers l’émergence et il faut que les femmes soient à leur place.

Mais où est-ce que les blocages se situent pour le respect de cette loi ?

Les femmes, lorsqu’elles sont outillées, peuvent déranger. Il est difficile pour le leadership des hommes qu’une femme soit à côté. C’est un discours et nous venons pour apporter quelque chose mais pas pour gêner. Alors il faut que les gens le comprennent comme tel.

On parle de retrouvailles de la famille libérale depuis l’acte posé par Macky Sall. Y êtes-vous favorable ?

Je suis à l’aise par rapport à cette question. Pour moi, il n’y aurait jamais eu de rupture entre frères libéraux. Nous étions une famille avec un mentor à l’époque et qui a été succédé par pratiquement un fils spirituel. C’est la continuité. Macky Sall est arrivé au pouvoir avec une coalition et il a dirigé. Les retrouvailles ne peuvent pas se faire de manière systématique. Il y a des tenants et des extrémismes. Nous avons une démocratie éprouvée.

Nous sommes à quelques jours du 8 mars, la femme sera célébrée. Quel est l’état de la promotion de la femme au Sénégal ?

Il faut que les femmes soient honorées le 8 mars. Je leur souhaite une belle fête. Elle est ancrée dans beaucoup d’agendas avec des discours et des actions. Ce que nous voulons, c’est qu’elles prennent conscience de leur capacité à changer les choses. Je tiens beaucoup au changement. Le maître mot, c’est « faire de l’impossible du possible. » Les femmes ne doivent pas avoir de barrières.

Quelle lecture portez-vous sur la société face à la dépravation des mœurs et que d’aucuns imputent aux femmes ?

Nos enfants peuvent rencontrer des difficultés sur le chemin de l’école et la maman n’est pas tout le temps présente. Il faut que l’environnement global soit assaini. La religion est importante et il faut que l’éducation religieuse soit mise en exergue et respectée. C’est le cri de cœur que je peux lancer car nos valeurs doivent être respectées. Je pense que le fait que les femmes tendent vers l’excellence est une bonne chose et c’est de bonne guerre. Un homme qui quitte son domicile pour avoir de quoi nourrir sa famille a également besoin d’être épaulé par une femme qui travaille. Mais tout est question d’organisation.

Il y a quelques jours, la cohésion sociale a été secouée par des propos de Lamine Sall. Comment faut-il faire pour éviter cela ?

Je l’avais dit, ce n’est pas une première. Donc cela veut dire que pour les cas précédents, des solutions ont été trouvées. Mais des solutions ont été trouvées par l’intervention d’hommes et de femmes de qualité qui ont eu à faire la médiation et de façon discrète. Nous avons tout fait pour avoir au sein des familles religieuses des sortes de médiums, dont des personnalités, avec des qualités et avec qui nous allons discuter. Que cela soit au sein des familles chrétiennes ou musulmanes. Je pense que c’est un incident et les autorités l’ont regretté. Moi je pense que l’intéressé a présenté ses excuses. Et je pense qu’elles ont été acceptées, mais il ne faut pas que cela se reproduise. Ce sont des choses dont on ne peut mesurer l’impact. Je salue le retour au calme.

Comment appréciez-vous cet appel au recrutement de l’ambassade d’Ukraine à Dakar ?

Oui je l’ai suivi comme tout le monde et avec beaucoup d’attention. C’est un domaine réservé du chef de l’État et je pense qu’il fallait alerter comme l’a fait la tutelle. C’est son domaine réservé et mon souhait que les conséquences soient limitées pour notre pays. Pour le reste, Macky est la voix de l’Afrique. Nous pensons que Macky Sall doit être soutenu. Tout ce qu’il dit engage les pays d’Afrique.

En tant que spécialiste en relations internationales que doit craindre le monde avec cette guerre. ?

Je pense que le monde doit craindre toutes les guerres. Nous n’avions pas besoin de ça. Déjà, la Covid a décimé tous les peuples. Il faut en tirer les leçons.

Que faut-il faire pour anticiper sur les coups d’Etat qui foisonnent ?

Nous en avons noté, mais nous sommes pour la souveraineté des Etats. Nous observons tous les mouvements sociaux. Ce que nous pouvons dire c’est qu’il faut des mécanismes de prévention pour éviter ces conflits. Cela nous amène à des années en arrière. La sécurité est importante surtout. C’est le cas du Mali, du Tchad etc. Il faut user de mécanismes pour les rendre opérationnels.

Le Sénégal est l’un des rares pays à avoir une stabilité, mais on se souvient des émeutes de mars ?

Ce genre de mouvement reste incontrôlable. En mars, c’étaient des questions économiques. Nous étions en plein Covid. Alors les acteurs du secteur informel sont montés au créneau pour crier leur ras-le-bol. Le Gouvernement a répondu par le président de la République. Déjà il a fait avancer les choses.

MOMAR CISSE

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