Foncier – Ngor, Ouakam, Yoff, Rufisque, Bargny : Des investisseurs servis au détriment des populations

par Dakar Matin

La communauté Taank apprécie bien la décision de Macky Sall d’octroyer des terres aux champions d’Afrique de la Can-2021 au niveau de l’aéroport LSS sis à Yoff. Ainsi, l’origine de la colère noire que les jeunes de Ngor ont manifestée est une accumulation d’’injustices’’. La communauté se dit victime d’un banditisme foncier. 

Au lendemain de la manifestation qui s’était tenue à Ngor, vendredi dernier, de 17 h jusqu’aux environs de 00 h, la communauté Taank, qui réunit les collectifs de Ngor, de Yoff et de Ouakam, a tenu à préciser qu’elle n’est pas contre l’attribution de terrains sur le site de l’aéroport aux ‘’champions d’Afrique’’.  ‘’Ni le collectif de Ngor ni les jeunes qui manifestent sans l’aval dudit collectif  ne s’opposent à cette récompense des joueurs. C’est insensé. Nous sommes tous contents des footballeurs sénégalais qui nous ont régalés durant la Coupe d’Afrique 2021. Ils méritent plus que ce que l’Etat compte leur octroyer’’, a précisé le coordonnateur du collectif, Mamadou Ndoye, indiquant que l’organisation n’était pas au courant de la sortie des jeunes. ‘’Le collectif de Ngor devait se réunir pour informer, sensibiliser la population. C’est lors de cette sensibilisation qu’ils ont appris que des jeunes du village étaient en train de jeter des pierres et de brûler des pneus au niveau du croisement. La plupart d’entre eux sont des mineurs. Donc, ce n’était pas intentionnel », renchérit le grand Jaraaf du village de Ngor, El Hadj Babou Samb. 

Alors qu’est-ce qui est à l’origine de la colère noire des jeunes Lébous ?

 ‘’Cette situation est alarmante. Ça ne fait plaisir à personne. Mais les autorités devaient s’y attendre. Quand on est dirigeant et que l’on voit une telle situation qui est problématique, il faut éviter de déclencher la colère des populations’’, a d’emblée déclaré le président de la Commission voirie-bâtiment à la commune de Ngor, El Hadj Abdoulaye Samb. Il rappelle que c’est le 30 avril 2011 que le Taank a produit un mémorandum à l’issue de sa première assemblée générale à Ngor.

Et en 2012, le président Macky Sall, lors de sa campagne électorale, a reconnu qu’une partie de l’assiette foncière de l’ancien aéroport LSS doit être donnée aux Lébous. ‘’On nous a reçus deux fois au palais. On nous a fait comprendre que Macky Sall est prêt pour donner cette partie, mais qu’il ne sait pas à qui il doit la remettre. Je ne peux pas entendre cet argument, parce qu’on a toujours eu des responsables. On a des Jaraafs », a regretté le travailleur municipal.

Ainsi, depuis lors, les choses n’avancent presque pas. Pourtant, des pratiques malsaines ont été notées au niveau des trois villages. Des terres sont morcelées, puis attribuées à des tiers au détriment des ayants droit. Et ça se passe ainsi depuis Mathusalem. D’après les membres de la communauté Taank,  ‘’c’est ce banditisme foncier qui fait mal aux jeunes Lébous’’.

Pour sa part, l’opérateur économique Ousmane Ndoye confie : ‘’Ces populations ont non seulement donné l’aéroport LSS, mais aussi le Cices et le stade LSS. Mais jusqu’à présent on ne leur a pas encore payé. Les documents l’attestent. Parce que c’est au niveau du stade LSS que les Lébous, populations autochtones, se sont installés en premier.  Entre Yoff et Yarakh, il n’y avait que des terres cultivables. Mais c’est pour prendre ces terres que les différents gouvernements qui se sont succédé ont créé des cités entre les deux communes.’’

416 parcelles prévues pour être octroyées à Egbos SA

A Rufisque, l’Etat a exproprié la famille d’Abdoulaye Diop, pour cause d’utilité publique, la parcelle (TF 1220/R) d’une contenance de 13 ha. Depuis, la famille Diop court derrière une indemnisation, alors que l’Etat satisfait d’autres personnes à qui il attribue des terrains gratuitement. Toujours à Rufisque-Bargny, la famille de feu Khassoum Cissé a acquis 154 ha par décret présidentiel, et par CCOD depuis 1978, souhaite l’identification d’une assiette en guise de compensation de la perte d’un terrain domanial dont la procédure d’immatriculation n’a pas pu aboutir. ‘’Cette famille a subi l’injustice des autorités sur ses terrains (154 ha 86 a 08 au total). Il y a même un responsable d’une ONG très connue, qui a eu à bénéficier avec sa filiale d’une superficie d’un ha. Il y a également la Sococim qui en a bénéficié’’, a fait savoir une source d’‘’EnQuête’’.

A Ngor, l’on note l’immatriculation, au profit de l’Etat du Sénégal, de deux terrains sis à Dakar Ouest-Foire, objet des lots et All S1 d’une superficie d’environ 3 ha 4 a 90 ca, d’une superficie d’environ 5 ha 90 a 58 ca. De plus, une enquête autorisée a été ouverte sur lesdites parcelles, en vue de leur attribution par voie de bail au profit de la société Egbos SA représentée par son DG Omar Sy. Or, les héritiers de Gorgui Seck Lèye s’opposent formellement tant à l’immatriculation desdites parcelles au nom de l’Etat qu’à leur attribution par voie de bail à la société Egbos. La famille Lèye se dit propriétaire de la réquisition d’immatriculation 7054 en date du 15 juillet partant dans l’assiette dont opposition et d’une contenance superficielle de 9 983 M2.

Elle s’appuie sur l’article premier de la loi n°6446 du 17 juin 1964 relative au domaine national. Celui-ci stipule que ‘’constitue de plein droit le domaine national, toutes les terres non classées dans le domaine public, non immatriculées et dont la propriété n’a pas été transcrite à la conservation des hypothèques à la date d’entrée en vigueur de la présente loi. Ne font pas non plus partie du domaine national les terres qui, à cette même date, font objet d’une procédure d’immatriculation au nom d’une personne autre que l’Etat.

De la sorte, dans le cas d’espèce, selon la famille Lèye, l’Etat du Sénégal ne peut valablement ignorer que la parcelle objet de réquisition numéro 7054 du 19 Juliet 1955, pour avoir été initiée avant l’entrée en vigueur de la loi relative au domaine national, ne fait plus partie du domaine national et ne peut faire l’objet d’une immatriculation au nom de l’Etat.

Pourtant, selon Me Cheikh Bachir Lo, ‘’aujourd’hui, au lieu de clôturer la procédure d’immatriculation initiée depuis 1955 par le sieur Gorgui Lèye, l’Etat du Sénégal, à travers ses services, préfère initier, en parallèle, en violation de la loi sur le domaine national, une procédure d’immatriculation à son profit et d’attribution par voie de bail au profit de la société Egbos SA’’.   

Propositions des populations de Yoff et le cas de Ouakam

A Yoff et à Ouakam, des projets de lotissement ont été initiés pour satisfaire les revendications de populations. Mais, ça traine toujours. En effet, le collectif des propriétaires de terrains sis à Ouest-Foire (bande verte) souhaite, en application d’une directive du chef de l’Etat, trouver un site de recasement pour accueillir les personnes victimes de démolition des constructions irrégulières dans la partie du domaine aéroportuaire située derrière la cité Tobago.

 Selon le collectif, ce programme prendra en compte les litiges et contentieux dans le lotissement de l’extension du village traditionnel de Yoff (cité Apecsy) ainsi que la demande de l’ASC de Nguengagne de Yoff qui veut y réaliser un stade omnisport. Il s’y ajoute que ce programme devra permettre de régulariser certains actes administratifs et réquisition des familles.

‘’Ces propositions, si elles sont acceptées, permettront à l’Etat d’appliquer le projet d’aménagement des 416 parcelles pour Egbos et les sinistrés de 2004, de permettre aux familles d’être dédommagées des terrains de titres privés de garder leur biens et d’instaurer un climat de paix et de sérénité dans la localité’’, explique un membre du collectif. Pour le cas de Ouakam, les populations ont exprimé le souhait de disposer sur le titre foncier 1306/DG pour les besoins de réalisation d’équipements publics collectifs.

Ainsi, suite au protocole d’accord signé entre Onyra Group et l’Etat du Sénégal en date du 20 mars 2020, les susnommés ont procédé au paiement des impenses édifiées sur l’assiette en cause, à la construction d’un mur de clôture et de blocs de toilettes au terrassement et au nettoyage de sites devant servir pour le recasement des mécaniciens.

Par conséquent, les services de l’Etat se sont engagés à accompagner Onyra Group et SAS dans le processus de libération du site de l’ancienne piste, en permettant aux mécaniciens de disposer d’actes administratifs pour leurs parcelles à usage professionnel. En outre, ils se sont engagés à accompagner le groupe dans la prise de possession du site en question et dans l’établissement des actes administratifs.

Mais aujourd’hui, les populations qui ont investi une somme colossale dans ce projet, sont laissées à leur propre sort.

BABACAR SY SEYE

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