Un stade est plus glamour qu’un abri scolaire provisoire, un TER plus sexy qu’un train traditionnel. Pour le politicien, l’investissement est plus rentable que de résorber le chômage des jeunes
Construire un stade, c’est facile, jugez-en vous même : il suffit de se promener en villégiature dans le monde, de voir un beau stade dans un pays riche, d’emprunter de l’argent, de demander à une entreprise turque de vous le construire en 17 mois et enfin de faire venir des présidents pour son inauguration. Voilà le processus de construction et de livraison du Stade du Sénégal. Fastoche. C’est fait. Délai de récupération de cet investissement ? Pas important.
Ne gâchons pas la fête, seule l’ivresse générale ambiante compte et elle est là, immédiate, présente, palpable. Un stade c’est pratique, bourré jusqu’à la gueule, les mots y résonnent par écho. On y délivre des discours qui ravivent la fibre nationale. À chaque phrase, on peut marquer un temps d’arrêt, laissant ses oreilles recueillir des salves d’applaudissements. Cela fait du bien. C’est beau ! Cela vous transporte et peut rapporter gros ! Qui ne voudrait pas cela ?
Les flux de trésorerie qu’on dégagera pour absorber ces milliards engloutis ne comptent pas aujourd’hui. Les générations futures auront à s’en préoccuper. Il faudra bien qu’ils aient leur part d’emm**des. Ne leur a t-on pas prévu une cagnotte sur l’argent futur du pétrole ? Ils seront fiers de payer ce joyau. Ce n’est en tout cas pas le problème de l’heure. Aujourd’hui c’est le temps de la jouissance. L’élixir du bonheur éclipse toutes les dérives. D. Leon ne dit-elle pas « L’art est merveilleux et la misère humaine infinie » ?
Améliorer les conditions sociales des citoyens, résorber le chômage des jeunes sont des sujets complexes et difficiles à traiter en quelques années. Cela demande de la vision, des idées, de la volonté politique, du courage, de la persévérance et du renoncement. Cela fait beaucoup pour ceux qui veulent des résultats immédiats. Le délai de récupération de cet investissement est trop long et les politiques pensent qu’ils ne seront pas là pour en profiter.
La rationalité du politique face à des investissements en avenir incertain, privilégie ceux à « court délai de récupération émotionnel ». Pas de VAN ni de TIR qui tienne, un stade est plus glamour qu’un abri scolaire provisoire, un TER plus sexy qu’un train normal. Pour le politicien, dans une logique de l’un ou l’autre, faire le stade, même s’il participe plus à creuser les déficits, est plus rentable que d’éradiquer les abris scolaires.
Hélas pour nous, nous vivons dans un pays où, seule la logique de l’émotion, du glamour et du sexy compte. CQFD.
D. Leon : « Les joyaux du paradis »
VAN : Valeur Actualisée Nette
TIR : Taux Interne de Rentabilité
Dr Tidiane Sow est coach en communication politique
Tidiane Sow de SenePlus