Nouakchott interdit désormais aux étrangers de s’adonner au transport en commun, les chauffeurs de taxi sénégalais inquiets

par pierre Dieme

Le gouvernement mauritanien est-il en train de procéder à un repli sur soi au risque d’encourager la xénophobie ? En effet, dans ce pays partagé entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, les autorités enchainent les décisions à la fois populistes et injustes, selon bon nombre d’observateurs. Dernière en date parmi ces décisions peu populaires, celle d’interdire au étrangers de s’adonner au transport. Cette nouvelle mesure vise directement les ressortissants sénégalais qui sont les principaux concernés, notamment en ce qui concerne les chauffeurs de taxi à Nouakchott. Pour expliquer une telle décision, les autorités mauritaniennes évoquent «des raisons sécuritaires».

Quelques mois après avoir pris la décision d’interdire de parler la langue française à l’Assemblée nationale du pays, le gouvernement mauritanien pose encore un acte inquiétant de repli. Les autorités du pays ont, en effet, publié une décision visant à restreindre la possibilité de devenir chauffeur de transport en commun dans le pays. Selon nos informations, il s’agit d’une circulaire que la Direction de la sureté nationale a publié vendredi interdisant aux étrangers de s’adonner au transport public en Mauritanie «qu’il s’agisse du transport des personnes ou des marchandises». Cette circulaire signée du Directeur général de la Sureté nationale demande aux forces de police, notamment celles se trouvant sur les points de passage et les accès, d’appliquer rigoureusement les instructions contenues dans cette circulaire.

Pression des milieux populaires et des syndicatsDans la circulaire que «Les Echos» a pu consulter, l’autorité mauritanienne justifie cette meure par des raisons sécuritaires. Cependant, il faut dire que la pression des milieux populaires et des syndicats qui réclament de plus en plus de leur gouvernement «d’empêcher les étrangers de s’adonner au travail de chauffeur, comme c’est le cas dans les pays voisins» y est pour beaucoup. «Elle ajoute enfin que l’exercice de cette profession, par les étrangers, présente plusieurs risques de sécurité et pénalise les citoyens dans des emplois locaux», précise le document.

Les Sénégalais, les principaux visésIl s’agit là d’une nouvelle étape du gouvernement mauritanien qui, interdisant les chauffeurs «étrangers» vise également les chauffeurs de taxi qui sont pour beaucoup Sénégalais. Mais déjà, des voix militantes s’élèvent pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme un ciblage des Mauritaniens noirs. C’est dire qu’il s’agit en définitive d’un dangereux précédent et une sérieuse menace pour l’intégration et la stabilité d’une sous-région déjà sous tension. En effet, que feraient les milliers de Mauritaniens qui tiennent des boutiques et autres commerces au Sénégal et ailleurs en Afrique de l’Ouest si leurs pays d’accueil décidaient d’appliquer la réciprocité à Nouakchott ? Il est urgent alors de vite faire revenir les autorités de Nouakchott à la raison pour éviter que les choses ne se compliquent pour les uns et les autres.

Rappelons que c’est le Président Mohamed Ould Ghazouani qui dirige la Mauritanie depuis l’élection présidentielle de 2019. Pour la première fois depuis l’indépendance du pays en 1960, une passation de pouvoir a lieu de manière pacifique sans coup d’État, bien qu’entre deux ex-militaires. Mohamed Ould Ghazouani avait été élu dès le premier tour. L’ex-général et ministre de la Défense avait alors recueilli 52,00% des suffrages, devant le militant anti-esclavagiste Biram Dah Abeid, qui en recueillait 18,59%.

Sidy Djimby NDAO

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