La Diaspora Sénégalaise est la plus grande perdante de toutes les couches de notre population. Il est temps de corriger cette injustice. On peut même imaginer un changement de la devise nationale -un peuple, un but, une foi- pour y mettre ce qui nourrit le plus les rêves et la vie de notre pays, qui n’est autre que sa Diaspora.
Parce que sans elle, probablement, la coupe d’Afrique que le pays célèbre si bruyamment ne serait jamais venue sur nos rives. Les garçons qui ont mouillé le maillot national, ébloui le monde par leur courage et talent, détermination, sont tous des nationaux rattachés à la Diaspora. C’est d’abord l’expertise enfouie au sein de celle-ci qui a fait la différence. Ce sont ses envois financiers, la contribution la plus importante du budget national, qui font fonctionner, sauvent, l’économie nationale, masquent les trous béants de sa banqueroute causée par le régime de Macky Sall.
Le capital humain le plus dense et brillant, industrieux, exposé à tous les savoirs modernes, se trouve dans cette Diaspora. Qui connaît mieux qu’elle les cultures, langues des sociétés où ses membres vivent ? Ne sont-ils pas les plus imprégnés des meilleures pratiques développées sous d’autres cieux en plus d’être les forward et backward linkages de notre économie dans l’ordonnancement mondial?
Je veux ici donc inviter la Diaspora à prendre conscience de son poids et de ce doit être son rôle dans la marche du Sénégal. A suivre les pas du grand réformateur de la Chine, Deng Xiaoping, qui, à la différence d’un Mao Tsétoung, qui n’est sorti de son pays que deux fois brièvement, par train, pour se rendre en Union Soviétique, s’est, lui forgé, par son séjour en France, à Marseille.
Son pragmatisme, son vécu syndical et ouvrier, inspirateurs de ses réformes engagées en Chine, à partir de 1978, ont fait de l’Empire du Milieu la locomotive de l’économie mondiale qu’il est aujourd’hui.
A l’ère de l’économie du savoir, il est inadmissible que cette Diaspora sénégalaise où se concentrent les esprits les plus fins continue d’être reléguée au rang de pourvoyeuse de muscles, par le football, de financements pour soutenir des politiciens locaux ou la société, ou de figurante, dont les représentants sont au plus ravalés à des moins que rien, inexistants, dans la sélection des dirigeants et décideurs de la nation.
On reprochera à la Diaspora de continuer d’être le siège des petites querelles, jalousies, coups bas, des racontars, des guerres de cent ans nourries par des inimitiés sans logique. Parfois certains de ses membres se contentent d’être les chasseurs de voix pour des politiciens corrompus, véreux, les entretenant depuis le Sénégal avec des fonds pillés de la nation. D’autres se satisfont de faire partie d’un bassin électoral exogène pour de politiciens locaux dont beaucoup trainent des tares, si elle ne compte des acteurs réduits à être leurs coursiers dans les grandes capitales ou simples accompagnateurs (trices). On sait même qu’il y a dans la Diaspora de médiocres types qui vivent du métier d’espionnage de leurs compatriotes rien que pour être dans les bonnes grâces des diférents pouvoirs en place….A l’arrivée, le tableau est sombre concernant le sort qui est fait à cette Diaspora. Comment admettre que les listes aux élections locales, demain les légis latives, ou, plus tard, la présidentielle, puissent se faire sans que les citoyens y vivant n’y soient représentés pour n’être qu’une masse de chair à canon au profit des acteurs politiques locaux?
La Diaspora Sénégalaise doit s’organiser. Devenir une organisation qui compte, qui a un pouvoir, qui revendique ses droits, qui pèse sur la place que ses descendants méritent d’avoir dans la distribution des rôles au sein du pays. Prenez l’exemple du jeune Abdou Lahad Diallo qui a dû, de lui-même, se rendre au Consulat du Sénégal à Paris pour s’offrir en soldat pour jouer dans l’équipe qui vient d’être auréolée au Cameroun. Je vois mes enfants faire des efforts surhumains pour se mettre à la page nationale, parler la langue wolof, danser le sabar, s’exciter devant « notre » équipe dans les compétitions internationales sans crainte d’être taxés de déloyauté vis-à-vis des pays où ils vivent, que ce soit la France ou les USA…
Qui n’a pas vu l’image de la petite fille célébrant, depuis les USA, poings fermés, les yeux scintillant, la victoire des Lions? Partout la Diaspora Sénégalaise se distingue par son attachement au pays, son amour patriotique, la qualité de ses hommes et femmes, dans les grandes multinationales, dans les grandes banques, dans les industries de pointes, dans les arts, dans le sport, dans la réflexion, dans l’écriture et la pensée et dans la générosité ou encore dans la décence pour s’adapter à tous les courants.
Il ne lui reste qu’à surmonter ses tendances destructrices qui la confinent à une inutilité au-delà de sa participation pour conforter les égoïstes au pays peu disposés à lui faire la place qu’elle doit y avoir. D’une manière ou d’une autre, grâce aux barrières qui s’effondrent du fait de la révolution des télécommunications modernes, la Diaspora se doit d’exiger de ne plus être qu’une source de taxation sans représentation.
C’est, comme on dit en Wolof, manquer de personnalité, fayda, que de tolérer cette injustice qui la frappe. Est-elle consciente de sa puissance? Ou doit-elle se contenter d’être tirée vers le bas par les quelques forces nocives, des personnes identifiables, qui la maintiennent dans la servilité que ses talents et son expertise et ses expériences cumulées lui interdisent d’accepter.
La Diaspora doit se lever, s’unir et peser dans la marche du Sénégal. Sa passivité l’a suffisamment desservie. Or, ce pays ne peut se faire sans elle. Pour ma part, c’est un projet qui me tient à cœur, à savoir aller trouver les meilleurs, les plus volontaires, dans son milieu, pour commencer l’entreprise de redressement national.
Diaspora, debout…On a dit que vous êtes la 15ème région du Sénégal: que cela le soit dans les faits mais non plus seulement que dans une rhétorique verbeuse. L’heure est venue d’être leader dans la dynamique qui s’enclenche du fait de l’échec des acteurs internes dans la gestion de notre pays. Être roue de secours n’est pas une vocation digne: à tous les échelons de la société, du Parlement aux municipalités, au gouvernement, voire au sommet suprême de l’Etat, la Diaspora doit désormais être présente. C’est une exigence minimale compte tenu de sa contribution primordiale dans les affaires du pays!Qui pense, comme moi, que son traitement injuste doit prendre fin?
Manifestez-vous, donc! La révolution qui doit sauver le Sénégal partira de sa Diaspora ou ne sera pas. La preuve? Par les joueurs qui viennent d’en sortir pour aller décrocher, DieuliNdamLi, la coupe: tous sont de la Diaspora. Plus d’un million voire deux ou plus de millions de Sénégalais, appellons-les des Diasporais (non Diasporiens), sont ici interpellés. Leur passivité signifie-t-elle qu’ils assument le statut de minable pain-thon qui leur est dévolu, les mettant à la merci des segments moins compétents, architectes du déclin national !
Adama Gaye* est un opposant en exil au régime de Macky Sall.