L’immense joie qui s’est emparée du pays est tout simplement admirable. Joie de voir cette coupe tant désirée arriver enfin au pays de la « Téranga ». Plus de 50 ans qu’on la convoite, lui fait les yeux doux, comme des amoureux transis, à cette capricieuse Dame Coupe. Par deux fois, elle nous est passée par les jambes. Le dimanche 6 février dernier fut la bonne date. Celle qui restera inscrite en lettres d’or dans l’histoire de notre football. Dans la soirée du sacre, il y a eu des pleurs, des cris, des danses, des scènes de folies contagieuses. Une joie irrésistible qui s’est laissé aller. Une folle nuit qui s’est poursuivie jusqu’à hier dans la soirée et n’est pas près de s’estomper. Ça va se poursuivre…
Et ce même si, ce sera sans nos héros qui sont déjà appelés à reprendre le travail dans leurs clubs respectifs. C’est justement ce travail qui fait défaut dans ce charmant pays où, non seulement on ne bosse pas assez en temps normal, mais encore toutes les activités se son arrêtées depuis dimanche avec toute la République en congé pour célébrer les champions d’Afrique. La classe politique qui se retrouve dans un bel élan. L’ancien président de la République, Me Wade, invité d’honneur pour l’inauguration du stade du Sénégal. Et forcément, il y aura des agapes.
On est dans le temps du festif ! Pendant que l’école sénégalaise est en crise. Deux mois que nos enfants sont dans la rue. Leurs cris de détresse sont inaudibles dans les flonflons de la fête après avoir été noyés par les décibels débités par les puissantes sonos des candidats aux élections locales. Et maintenant, les échos de la victoire des « Lions » du football font que ces cris de nos élèves n’atteignent pas l’oreille des décideurs. De malheureux enseignants réclament l’application d’accords signés avec l’Etat. Celui-ci répond qu’il n’a pas d’argent. Mais fait preuve de prodigalité vis à vis de footballeurs déjà millionnaires.
50 millions, des terrains de 200 m2 et 500 m2 à Dakar et Diamniadio pour chacun des membres d’une délégation de plus de trente personnes. Et l’on viendra nous dire après tout cela qu’il n’y a pas d’argent dans ce pays pour régler les revendications des enseignants afin qu’ils reprennent le chemin des classes ! L’école en crise et, quelque part dans la forêt de la Casamance, des soldats entre les mains de vils bandits. De malheureux soldats que le bon peuple oublie tout à la joie de célébrer ses héros du football. Après la gueule de bois, viendra peut-être enfin le moment où l’on pensera enfin au sort de nos enfants et à celui de ces braves soldats qui risquent leur vie pour nous permettre de célébrer — et de gâter ! — nos héros de Yaoundé…
KACCOOR BI