Opposition ragaillardie, sous-région instable et agenda chargé à l’UA, les mois à venir ne seront pas une sinécure pour le président de la République
Le président Macky Sall va prendre les rênes de la présidence tournante de l’Union Africaine (UA). La passation de service aura lieu lors de la 35ème session ordinaire de l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation prévue les 5 et 6 février. Cette présidence survient dans un contexte marqué sur le plan national par une opposition politique qui l’accule et une sous-région qui connaît instabilité politique avec la recrudescence des coups d’Etat militaire.
Les mois à venir ne seront pas une sinécure pour le président Macky Sall. En effet, avant de s’envoler pour un voyage d’une semaine qui le mènera au Ghana et en Ethiopie, le chef de l’Etat a signé le décret fixant la tenue des élections législatives pour le 31 juillet prochain. Une décision prise dans un contexte où sa coalition, Benno Bokk Yaakaar (BBY), a été fortement secouée à l’issue des élections territoriales du 23 janvier dernier. Ce, même s’il déclare à qui veut l’entendre que sa victoire est sans bavure pour ce scrutin tout en déplorant dans la foulée ‘’une intoxication de l’opinion‘’.
Toutefois, à la lumière des chiffres sortis des urnes, il est loin d’avoir les résultats auxquels il s’attendait. La majeure partie de ses ministres qui étaient engagés dans ces élections ont perdu et même ont été laminés dans certaines localités comme Dakar. Abdoulaye Diouf Sarr, Omar Guèye, Amadou Hott, Pr Ismaël Madior Fall ont tous «coulé» face à la vague de Yewwi Askan Wi.
A cela, s’ajoute le fait que ses plus farouches opposants comme le leader du Pastef Ousmane Sonko, Barthelemy Dias et le philosophe Babacar Diop se sont emparés des villes très stratégiques comme Dakar, Thiès et Ziguinchor. Certains observateurs parlent même de l’axe du ‘’mal‘’ politiquement pour le chef de l’Etat. Au même moment, son frère Aliou Sall a perdu la bataille de Guédiawaye au profit de Ahmed Aïdara.
Ainsi en prenant la décision de respecter le calendrier électoral en tenant les législatives en fin juillet 2022, le Président Macky Sall prend le risque d’affronter une coalition Yewwi Askan Wi qui amadoue depuis quelques jours l’électorat du Parti Démocratique Sénégalais (Pds) pour se renforcer davantage avant l’é lection des députés.
Et si l’actualité politique du pays n’est pas de tout repos pour Macky Sall, sur le plan international, elle est aussi particulièrement turbulente avec la recrudescence des coups d’Etat militaires dans la sous-région. Le Président de la Guinée Bissau a été testé négatif de justesse au ‘’variant Goita‘’. Et les sanctions contre le Mali mettent le Sénégal dans une situation inconfortable sur le plan géopolitique, et difficile sur le plan économique. Plusieurs économistes pensent que Macky Sall s’est tiré une balle dans le pied en acceptant sans rechigner l’embargo de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) contre un pays quifaittourner l’économie du Sénégal.
PRÉSIDENT D’UNE UA MALADE DE SA DÉPENDANCE
Malgré des progrès considérables de l’Union Africaine (UA) qui va fêter ses 20 ans cette année après avoir succédé en 2002 à l’Organisation de l’Unité Africaine (Oua) créée en 1963, le Président Macky Sall assurera la présidence d’une organisation qui a plusieurs défis à relever. Qualifiée de «syndicats de chefs d’Etat qui se couvrent mutuellement», la pertinence de l’UA est remise question. Elle est critiquée souvent pour son manque de vision panafricaine. Son manque d’autonomie financière pose aussi problème. Elle dépend trop des financements extérieurs, malgré la réforme initiée par le Président rwandais Paul Kagamé en 2018. En guise d’illustration, 66% de son budget de 2022 qui s’élève à 650 millions de dollars proviennent de partenaires internationaux comme l’Union Européenne et la Chine. Il faut souligner aussi que les gros contributeurs du continent comme l’Afrique du Sud, le Maroc, le Nigeria et l’Algérie peinent à honorer leurs engagements.
Le président Macky Sall qui mise toutefois sur les conseils de sa Task-Force composée de personnalités expérimentées comme l’ancien ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio, l’ex-représentant permanant de l’Organisation des Nations Unies (Onu) Oumar Ba ou encore le général Babacar Gaye, devra faire face en tant que Président de l’UA, à la menace terroriste qui sévit dans le Sahel. A cela, viennent se greffer les affaires courantes du pays dans un sillage où il manquera de temps. Un Premier ministre ne sera pas de trop manifestement dans son gouvernement. Et dans ce cadre, le Sénégal est pendu à ses lèvres et a hâte de connaître le nouveau locataire de la Primature. Et peut-être aussi son dauphin …