Il aurait voulu ne faire qu’un mandat consacré à l’économie. Malheureusement, le Président sénégalais devra aussi s’occuper des questions sécuritaires et institutionnelles à la tête de l’Union africaine. Parce que les putschs de ces derniers jours dans certains pays, ne peuvent être ignorés.
Même les stratégies les mieux pensées se heurtent toujours au mur des réalités. Macky Sall a pris un an pour préparer son arrivée à la présidence de l’Union africaine. Jeudi dernier, parlant des enjeux et défis de la présidence sénégalaise à l’Union africaine, lors du Diner-débat organisé par l’Association sénégalaise des étudiants de l’Ena de France (Asena), le ministre sénégalais des Affaires étrangères, qui intervenait après M. Mahamat Saleh Annadif, représentant spécial du Secrétaire général des Nations-unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, a déclaré : «Le Président Macky Sall voulait faire un mandat positif à la tête de l’Union africaine, mais il a été rattrapé par les urgences, avant même de prendre fonction.»
Le ministre des Affaires étrangères a expliqué à l’auditoire, particulièrementr attentif, que dès qu’il a été assuré d’être désigné comme président de l’Union africaine en 2022, après le Congolais Felix Tshisekedi, «le Président Macky Sall a constitué ses équipes, défini ses thèmes de prédilection, alors qu’il ne prendra le témoin que dans quelques jours».
L’ambition du dirigeant sénégalais, désigné alors que le Covid-19 envahissait et paralysait le monde, avait été d’aider au redressement des économies africaines durement affectées. Le problème, selon le chef de l’Etat, avait été simple : «Le financement des économies africaines pose problème. Comment peut-on penser développer ce continent lorsque tous nos pays ne peuvent pas accéder au marché financier international, lorsque l’on nous dit que les règles de l’Ocde vous interdisent de vous endetter de plus de 3% de votre Pib ? Pourtant, lorsque le Covid est arrivé, tous ces pays qui nous ont fixés ces critères et règles, les ont allègrement transgressés. Sans se faire des leçons de morale. L’Europe a injecté 750 milliards d’euros en argent frais dans son économie. Ce qui nous est interdit, à nous. Les Etats-Unis, dans un premier temps, 900 milliards de dollars, avec Donald Trump. Ensuite, 2000 milliards de dollars, par le Président Biden. Et nous, on nous dit, vous ne pouvez dépasser 3% C’est la question que Macky Sall pose à ses pairs, pour que l’Afrique ait une démarche commune sur cette question.»
L’autre défi, c’est celui des infrastructures. L’Afrique a créé un marché unique, la Zlecaf. «Comment commercer entre nous, si nous n’avons ni voies terrestres, ni ferroviaires, ni voies aériennes ou maritimes ? Il n’y a que 16% de pays africains qui commercent entre eux. Le reste, c’est avec les pays en dehors du continent.» Sans parler des questions sanitaires, rendues encore plus urgentes avec la crise du Covid-19.
Mais, même ces questions ont été débordées aujourd’hui par les urgences sécuritaires et constitutionnelles. Le représentant du Sg de l’Onu, M. Annadif, a détaillé une longue liste de conflits affectant diverses contrées d’Afrique, où il pense que la voix du Sénégal et de son dirigeant pourraient aider à amener une concertation, au minimum. Ce qui a poussé le ministre sénégalais à lui faire remarquer, de manière amicale, que le mandat du président de l’Ua n’est que d’une année, et non de trois. Mais que le défi du chef de l’Etat sénégalais était de poser des actes qui le rendent inoubliable. Car selon Aïssata Tall Sall, Macky Sall aurait déclaré sur ce point qu’«il est beaucoup plus honorable de commencer que de finir».
Il ne pourra certainement pas escamoter les défis sécuritaires que pose l’irruption des militaires sur la scène politique dans plusieurs pays du continent, et particulièrement à nos portes, en Afrique de l’Ouest. Sur ce point d’ailleurs, Mme Sall a eu un accrochage verbal avec le discutant du jour, le Dr en Sciences politiques, Alioune Badara Diop, qui a voulu trouver des excuses aux putschistes au Mali, en Guinée et au Burkina. Le ministre des Affaires étrangères lui a fait comprendre que rien ne pouvairt justifier des coups d’Etats, «d’autant que tous ces pays ont déjà connu des régimes militaires. Qu’est-ce qu’ils leur ont apporté ?»
Par M. G.