L’État renonce à 9 milliards pour les encourager
Pour compenser la mévente de l’arachide cette année, mévente due à la mauvaise qualité de la production, le chef de l’Etat a décidé de lever la taxe à l’exportation de l’arachide. Il renonce à des recettes douanières de 9 milliards, mais ne sauvera pas la campagne de commercialisation, qui ne veut pas de coques d’arachide vides.
Le Conseil des ministres a dans son communiqué d’hier, révélé que le chef de l’Etat «a décidé de suspendre la taxe à l’exportation sur l’arachide». Le document précise que la mesure a pour souci, «d’augmenter, de façon notable, les revenus des producteurs dans le monde rural». Cette mesure avait été prise en son temps, à la demande de l’industrie huilière nationale, pour lui permettre d’obtenir de la matière première afin de produire de l’huile brute sur le plan local.
En effet, le renchérissement des prix de l’arachide sur les marchés traditionnels, du fait de la forte demande des exportateurs chinois, avait eu lieu pendant plusieurs campagnes agricoles. L’Etat a maintenu le prix au producteur à 250 francs le kilo, mais sur certains points, la demande chinoise faisait que le kilo se négociait au-delà de 350 francs. Cela a fait, à un moment, craindre que les paysans ne vendent même leurs parts de consommation, et leurs semences. D’où l’idée d’imposer une taxe à l’exportation pour l’arachide.
Etablie au départ à 50 francs Cfa le kilo, elle avait été ramenée à 30 francs par la suite. Les huiliers locaux avaient applaudi des deux mains, en faisant valoir que leur production d’huile brute et raffinée, était soumise à une taxe à l’exportation. Ils ne comprenaient pas que les intermédiaires, qui ne faisaient qu’acheter de l’arachide des paysans pour la revendre à l’extérieur, en viennent à échapper à une quelconque taxe. La taxe avait rapporté 9 milliards aux caisses de l’Etat l’année dernière.
L’ennui est que, cette année, les choses ont changé. Contrairement aux déclarations du ministère de l’Agriculture et de l’équipement rural (Maer), la campagne agricole, au cours de laquelle on a connu une très longue pause pluviométrique, a eu des conséquences désastreuses en ce qui concerne la production de l’arachide. Et les paysans reconnaissent que les coques d’arachide ne contiennent quasiment pas de graines de qualité. Un producteur indique que dans le monde rural, «on les appelle des chips, tellement elles sont légères». Cette arachide de qualité très inférieure est donc boudée par les exportateurs chinois, qui n’en veulent pas. «Donc, la levée de la taxe à l’exportation ne change pas grand-chose pour le monde rural», souligne un producteur d’arachide de Nganda.
Les huiliers, qui sont parmi les premiers concernés par cette mesure, se sont hier, terrés dans le silence. Le Quotidien n’a pu joindre aucun d’entre eux qui accepte de parler à visage découvert. Mais on sait que, en dehors de la Sonacos qui avait entamé sa campagne de commercialisation, en jouant d’ailleurs sur des prix à 297 francs le kilo là où les autres ne proposaient pas plus de 277 francs, personne n’achetait. Après avoir longtemps hésité, Copéol a commencé à travailler certains paysans dans les loumas, pour les pousser à maintenir les prix d’achat à 250 francs Cfa. Or, beaucoup de paysans, bien que conscients que leur arachide n’est pas de bonne qualité, préfèrent stocker plutôt que de vendre à ce prix. Au risque de se retrouver dans une situation difficile les mois à venir. Et il n’est pas sûr que, faute d’accord avec les industriels locaux pour l’écoulement d’une bonne partie du stock, la levée de la taxe à l’exportation ait un effet positif.
Par Mohamed GUEYE