Autosuffisant et auto-glorificateur, Macky a peint le 31 décembre, une image idyllique du pays, qui ne correspond pas aux souffrances endurées quotidiennement par les citoyens. La manifestation d’un président vivant dans une bulle, loin du Sénégal réel
Le 31 décembre dernier, quatre heures après l’enterrement de l’année finissante, le président de la République a sacrifié au rituel en s’adressant pendant 25 minutes aux Sénégalais. Un discours de bilan qui égrenait les réalisations du chef de l’Etat pendant ses dix ans de magistère. Un discours, surtout, préparatoire d’une campagne électorale. Autosuffisant et auto-glorificateur, il peint une image idyllique de notre pays qui ne correspond pas du tout aux souffrances qu’endurent les citoyens dans leur vie quotidienne. Cette manière d’occulter la réalité prouve que le président vit dans une bulle, une tour d’ivoire, loin du Sénégal réel, le Sénégal à la population composée aux ¾ de pauvres.
Cela dit, même si beaucoup de réalisations citées dans cette litanie sont effectives, il n’empêche que les Sénégalais ne sentent point, dans leur tragique quotidienneté, ce développement et cette croissance positive de leur pays peints dans le discours présidentiel. Un Sénégal de Cocagne et de rêve, loin de la misère vécue dans la vie de tous les jours par ses habitants. Un tel discours qui projette l’image d’un Sénégal émergent, Macky Sall a l’habitude de nous le rabâcher alors que notre pays reste solidement chevillé dans la catégorie des PPTE (pays pauvres très endettés). Si l’on prend en compte le dernier Indice de développement humain (IDH) des Nations Unies, le Sénégal fait partie des 11 pays les pauvres du monde (168/189). Le président de la République sert donc un discours en trompe l’œil qui camoufle la véritable misère que vivent les populations. Le Sénégal peint par son actuel Chef est un pays Potemkine où il n’y a qu’illusions et trompe-l’œil.
Le Président se vante d’avoir satisfait le monde rural qui aurait bénéficié de toutes ses attentions alors que les paysans, victimes d’une pluviométrie déficiente, restent à la merci des opérateurs économiques véreux. « C’est pourquoi, l’Etat a consenti un investissement de 60 milliards de F CFA en matériels et intrants agricoles pour la campagne hivernale, qui a généré des récoltes en hausse notamment pour le riz, l’arachide, le manioc, le niébé et le coton, entre autres spéculations. En soutien aux producteurs, le prix plancher du kilogramme d’arachides a été maintenu à 250 FCFA », s’est-il enorgueilli dans son discours. Hélas, sur le terrain, l’on se rend compte que les paysans confrontés à des problèmes de survie sont en train de brader leurs produits à des prix en dessous de 250 francs le kg parce que les Chinois qui achetaient à bon prix sont interdits d’exportation cette année-ci.
La Sonacos ne pouvant pas acheter toute la production, les opérateurs véreux, en position de force dès lors, contraignent les paysans à vendre en dessous du prix officiel fixé par l’Etat. Ces mêmes paysans, comme beaucoup d’autres Sénégalais, subissent de plein fouet les effets de l’inflation galopante. Tous les prix des denrées ont pris l’ascenseur même si le Président, dans son discours, élude la question de l’augmentation vertigineuses des prix des denrées essentielles en évoquant la baisse de la taxe d’ajustement de 5 % sur l’huile, la suspension de la TVA sur le riz et la revue à la baisse du taux de la TVA sur la farine de 18 à 0 % et celui des droits de douane de 5 à 0 %. Malgré ces efforts méritoires de l’Etat, les prix n’en ont pas moins augmenté ! Sans doute ces sacrifices fiscaux ont-ils permis d’atténuer l’ampleur de la hausse de ces denrées…
En tout cas, le litre d’huile est passé de 1000 à 1500 francs. Le bidon d’huile de 5 litres, de 5000 francs à 7000 francs. Le kilo de pain a augmenté de 25 francs la miche et de 50 francs au détail. Les différentes variétés de prix ont vu leurs prix grimper. Mais de tout cela, il n’a pas été question dans le discours du président de la République. A la place d’un message compatissant à ces souffrances, Macky Sall a préféré endormir ses compatriotes en leur chantant des réalisations et des projets qui n’ont aucun impact positif dans leur quotidien.
Omerta sur le carnage des deniers publics !
Les questions de bonne gouvernance ont été le parent pauvre de l’allocution présidentielle. Notre pays a en effet été secoué dernièrement par une vague de détournements de deniers publics à la Poste, à la Lonase, au Trésor public.
Le président de la République n’a évoqué aucune sanction qui pourrait frapper les fonctionnaires de l’Etat qui ont commis ces crimes économiques. Aucune allusion à ces passeports diplomatiques frauduleux qui ont éclaboussé la présidence de la République, les Affaires étrangères, l’Assemblée nationale et certaines mairies qui ont délivré de faux certains certificats de mariage aux faussaires. Aujourd’hui on nous vend le TER comme étant l’un des investissements-phares du Président Sall.
A l’analyser profondément, l’on se rend compte que c’est l’un des plus gros scandales financiers du règne de Macky Sall. Personne ne peut dire exactement ce que le TER a coûté au peuple sénégalais. Même les autorités concernées varient dans les chiffres. Tantôt c’est 780 milliards, tantôt c’est plus de 800 milliards et tutti quanti. Des opposants comme Ousmane Sonko soutiennent 1200 milliards. Le chiffre de l’opposant semble d’ailleurs plus plausible car si l’on admet que 780 milliards ont été investis hors taxes pour l’acquisition du Ter, en sus de ces taxes douanières, des avenants supplémentaires pour le 2e tronçon, on dépasserait les 1000 milliards. Les prestations intellectuelles de la Systra pour la conception du projet TER depuis 2013 n’ont jamais été révélées.
Quant à la rentabilité, c’est une utopie que de dire que le TER transportera quotidiennement 115 000 personnes. Si l’on analyse le mouvement pendulaire des déplacements de personnes aux heures de pointe (matin et soir), l’on se rendra compte qu’on est loin des 100 mille personnes/jour. En plus le tracé du TER, qui s’aligne sur celui du colon pour son chemin de fer, exclut les zones les plus populeuses de la banlieue : Keur Massar, Guédiawaye, une partie de Pikine, les Parcelles assainies, Cambérène…
C’est dire que ce projet, sans jouer aux Cassandres, ne sera pas rentable si la formule d’exploitation actuelle reste maintenue. Voilà la réalité que le discours indigeste du Président du 31 décembre occulte. Mais les Sénégalais ont l’habitude depuis les indépendances des discours qui détonnent avec leurs réalités quotidiennes. Peut-être qu’il serait mieux pour nos Présidents de rompre avec cette tradition discursive trompeuse et de souhaiter seulement et simplement aux Sénégalais « bonne et heureuse année » au soir de la saint Sylvestre de chaque année.
SERIGNE SALIOU GUÈYE