SENELEC-ITOC aux origines d’un litige épique qui risque de faire sombrer le pays dans le chaos

par pierre Dieme

La Senelec a subi en juin 2010 un important préjudice, suite à la livraison par le navire Atlas Voyager d’une cargaison de combustible avait entraîné de graves dommages et avaries à ses installations de production et à ses cuves de stockage et de transit. Cette livraison d’Itoc a causé concomitamment des dommages à des tiers. Ainsi, la Senelec a initié une procédure judiciaire aux fins d’identifier le responsable des dommages subis et d’obtenir une évaluation du préjudice qui en résulte. Un avocat de l’électricien national, accroché par Le Témoin, parlant sous le sceau de l’anonymat, donne les détails de cette rocambolesque affaire qui risque de perturber le fonctionnement de la Senelec.

L’affaire opposant la Senelec et Itoc date de 10 à 12 ans. Elle est née d’une offre de gré à gré entre la Senelec et Itoc. A l’époque, l’Armp avait réagi pour s’opposer à ce marché. Par lettre mémoire en date du 15 décembre 2009, enregistrée le 16 décembre 2009, sous le numéro 811/09 au Secrétariat du Comité de Règlement des Différends, la SENELEC a saisi le CRD en contestation de l’avis de la Direction centrale des Marchés publics (DCMP), relatif au marché de clientèle pour la fourniture de combustible, objet de l’avis d’appel d’offres publié le 29 octobre 2009.

Un gré à gré, contesté  par l’Armp
Mais à l’arrivée, les deux entités actuellement en confrontation judiciaire avaient contracté. Itoc, pour remplir sa part du contrat signé en 2009, avait livré une commande à la Senelec. « Itoc a gagné un marché en 2009. Itoc a fourni la quantité demandée. Après la Senelec a ravitaillé d’autres industries, dont Sococim. Ces dernières ont constaté que la qualité n’était pas des meilleures. Elles ont attaqué la Senelec qui, à son tour, a attaqué Itoc », explique notre interlocuteur.

 Ainsi, la Senelec, après la livraison de ce combustible et une redistribution à des tiers, s’était rendu compte de la mauvaise qualité du produit. Elle a ainsi engagé une procédure judiciaire contre Itoc, suite à des attaques de ses partenaires. Et, par ordonnance de référé no 3773 rendue le 11/08/2010 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, M. Jacques Poirier, Expert agréé près la Cour d’Appel de Paris et Expert agréé par la Cour de Cassation, avait été désigné en qualité d’expert. Ce spécialiste avait pour mission de dire si les perturbations observées le 25 juin 2010 sur les installations de production de Senelec et les dommages relevés sur les cuves de stockage et de transit avaient un lien de causalité avec l’utilisation du combustible litigieux, livré par Itoc, entre autres tâches.

A l’époque, l’expert avait produit un rapport qu’Itoc avait attaqué. Par la suite, la société du milliardaire Baba Diao a saisi la Cour d’arbitrage de France, organe économique qui lui avait d onné raison. Ladite Cour, saisie le 4 février 2019, a condamné la Senelec à payer une soixantaine de millions de FCFA. Ce montant, la Senelec l’a déjà payé.

4 milliards de FCFA  de la Senelec, bloqués
 Mais, dans cette décision, il a été dit qu’Itoc, pour recouvrer son préjudice, estimé à 8 milliards de FCFA, doit saisir cette même juridiction. C’est par la suite qu’il y a eu des relances entre avocats pour payer ces montants. Mais la Senelec aurait fait preuve de mauvaise foi. Poussant l’avocat d’Itoc à saisir ses comptes. Présentement, c’est un montant de 4 milliards qui est bloqué. « C’est une suite logique de saisir un Tribunal d’arbitrage pour récupérer les fonds de ces comptes. Mais, la Senelec a introduit une demande pour une mainlevée de ses comptes. C’est là où on est. C’est l’issue de 10 à 12 années de procédure », explique l’avocat.

 D’après notre interlocuteur, Itoc a bel et bien obtenu une autorisation de saisir les comptes, les biens meubles et immobiliers de la Senelec. Laquelle s’est tournée vers les juridictions pour obtenir la mainlevée de la saisie dont elle fait l’objet.

L’avocat relève des conséquences pouvant dériver de ce blocage des comptes de la Senelec. L’entreprise, dit-il, pourrait être confrontée à des défauts de paiement des travailleurs. Et ses fournisseurs pourront aussi connaître des difficultés. Plus grave, il y a des risques de coupures de courant dans le pays. « Je n’ai pas encore eu vent de médiations engagées. Mais, c’est seulement le président de la République, Macky Sall, qui peut régler cette situation. Sinon, si la Senelec n’a pas de mainlevée des saisies opérées sur ses comptes, il pourra y avoir des désagréments. Itoc avait raison sur la qualité du service rendu », confirme l’avocat. La Senelec a bien mentionné dans sa lettre réponse avoir reçu un produit de qualité. L’expertise consistait donc à savoir à quel niveau le problème s’est posé. « Si c’est avant, pendant ou après la livraison. Puisque la Senelec a déjà consommé. Sûrement, c’est après la livraison que le produit s’est frelaté », suppose notre interlocuteur.

Confirmation de la bonne  qualité du produit d’Itoc
Suite à la décision de la Chambre arbitrale de Paris, la Senelec avait fait un appel qui avait été rejeté. Elle avait même été sommée de payer des dommages et intérêts à Itoc. Mouhamadou Mactar Cissé, ancien directeur général de la Senelec, avait sollicité un règlement à l’amiable. « Nous avions une première lettre numéro 2043 de Seydina Kane, ancien Directeur de la Senelec, qui datait du 23 Juin 2010 et qui disait : « nous vous confirmons que la cargaison est, d’après les analyses de la SGS et de la SAR, conforme aux spécifications du contrat du 1er Mars 2010 ».

Après l’autorisation du Tribunal du Commerce de Dakar donnée à ITOC de saisir les biens immobiliers, créances et les comptes de la Senelec, les avocats de Baba Diao sont donc passés à l’acte en saisissant les comptes de la Senelec. Ce qui crée une non liquidité de la Senelec, d’où la sortie de l’intersyndicale des travailleurs de la Senelec pour obtenir la réaction du Président Macky Sall.

Présentement, la Senelec a interjeté un appel au Tribunal de commerce de Dakar. Plus exactement, c’est obtenir mainlevée de la saisie dont ses comptes font l’objet. L’audience se tiendra probablement ce vendredi ou le suivant. D’après notre interlocuteur, ITOC a reçu sa notification ce mardi.

Le Témoin 

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