La proposition en gestation et relative à la criminalisation de l’homosexualité au Sénégal, est un projet mort-né. Au-delà du fait que certains députés, depuis le départ, avaient demandé le retrait de leurs noms sur la liste, leurs collègues de la majorité n’y souscrivent pas et évoquent des raisons juridiques et même politiques.
Ils restent convaincus en effet que ce serait une perte de temps et un gâchis car la loi réprime déjà les actes contrenatures en ces termes : « Sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 1.500.000 francs, quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe », dixit l’article 319 du Code pénal. Aymérou Nging et ses camarades de la majorité parlent de ‘’faux-débat’’ et plus grave, soupçonnent des desseins politiciens derrière cette démarche.
En clair, non seulement la majorité ne va pas voter le projet de loi, mais elle s’inscrit dans une logique de suspicion contre les auteurs du projet. Ce qui, en soi, pose problème. Car, si on peut être d’accord avec ces députés de Benno Bokk Yakaar, qu’il n’est pas forcément nécessaire d’ajouter un autre texte en dehors de celui existant qui est assez explicite et assez répressif, il n’en reste pas moins vrai que les initiateurs d’une telle proposition de loi sont des membres de la société civile comme Jamra et non des politiques.
Les politiques ne sont intervenus en dernier ressort que pour appuyer le projet. Qu’ils soient Cheikh Bamba Dièye, Mamadou Lamine Diallo ou autres, ils n’ont fait que répondre aux desiderata de bonnes volontés qui souhaitent fermement barrer la route à toute forme de légalisation de l’homosexualité au Sénégal. Il y a alors les combinaisons de deux peurs majeures nourries par deux groupes différents : La peur de membres de la société civile et donc de Sénégalais de voir légaliser l’homosexualité du fait de la pression de lobbys et de gouvernements étrangers et la peur des gouvernants que le Sénégal soit stigmatisé comme étant un pays d’intolérance où on réprime les minorités.
Car, il ne fait pas de doute que la légalisation de l’homosexualité est une préoccupation majeure de nombre de partenaires stratégiques du Sénégal. Et que, souvent, l’aide ou simplement la coopération est arrimée à des conditionnalités qui les sous-tendent. Et parmi celles-ci la tolérance de ces genres de phénomènes. Et le gouvernement du Sénégal ne veut pas en rajouter davantage par rapport aux assurances données par le Chef de l’Etat et réitérées tout récemment par le Ministre des Affaires étrangères, comme quoi, le Sénégal n’est pas prêt à légaliser l’homosexualité.
La réalité est que la pression de la rue est tellement forte sur ce phénomène, que les autorités sénégalaises, même si elles l’avaient voulu, ne pourraient jamais le faire. Et que la proposition de loi dont il est question, n’est rien d’autre qu’une forme de réplique du point de vue de la communication à ceux qui continuent à faire pression sur le Sénégal et sur ses autorités à propos de cette question. Les initiateurs de cette proposition ont envie de dire à ces partenaires du Sénégal que non seulement, le pays ne va pas la légaliser, mais qu’il va la criminaliser. Et à ce propos, ils ont atteint leur objectif, leur démarche étant bien relayée par la presse nationale et internationale.
Bien sûr, la répression est au stade de délit. L’homosexualité, au regard du Code pénal est encore un délit. Et les initiateurs veulent en faire un crime, c’est-à-dire une infraction punie de plus de dix ans de prison. Mais, c’est peine perdue. Les pouvoirs publics ne vont pas céder à cela comme ils ne vont pas céder à ceux qui veulent la légalisation. Comme quoi, les autorités sénégalaises sont en train de travailler à maintenir un juste équilibre entre des contradictions sur des réalités portées par de puissants lobbys en interne et en externe.
Assane Samb