Entre 2012 et 2018, l’Etat du Sénégal a dépensé près de 30 milliards de FCFA pour prouver la culpabilité de Karim WADE et de Khalifa SALL dont les procès ont mobilisé toute la République. Maintenant qu’il est coincé, sa porte de sortie bloquée, Macky SALL voudrait faire machine arrière et déconstruire les conspirations qu’il s’était donné tant de mal à tramer. Seulement, voter une loi d’amnistie, effaçant les crimes financiers qui ont plombé le Sénégal, serait instituer une République des voleurs.
« C’est des sujets qui ont été traités. Le débat se pose au Sénégal aussi. Est-ce que c’est une amnistie ? Une sorte de réhabilitation ? Je ne sais pas. Je ne sais pas trop. Moi, je suis pas opposé, dans le cadre d’un dialogue qu’on trouve des solutions mais qui respectent le droit, qui respectent la loi ». Une fois n’est pas coutume. Cette tergiversation du leader de l’APR est voulue. Ces questionnements évasifs, ces incertitudes feintes, c’est pour donner l’impression qu’il est très peu enthousiasmé par le sujet. Pourtant, s’il y a un agenda dont le déroulement importe au plus haut point le président SALL, c’est bien celui qui mène à l’adoption d’une loi d’amnistie au Sénégal.
Les noms de Karim WADE et de Khalifa SALL sont mis en exergue à chaque fois qu’il est question de loi d’amnistie. Macky SALL et ses partisans ont campé le décor qui laisse croire que ces deux recalés de la dernière présidentielle seraient les heureux bénéficiaires d’une telle loi. Et parce que ces derniers, qui continuent de clamer leur innocence, rechignent à se prononcer sur le sujet au risque de se culpabiliser, les tenants du pouvoir entonnent le refrain appelant à l’amnistie.
Si Macky SALL, qui a l’intention de briguer un autre mandat, se dit « favorable » à une amnistie en faveur de deux potentiels candidats en 2024, c’est parce qu’une telle loi lui entrouvrirait définitivement une porte de sortie.
En effet, quand, en 2005, le 7 janvier plus précisément, l’Assemblée nationale du Sénégal a adopté la loi Ezzan, tout le monde s’était focalisé sur l’assassinat du juge Babacar SEYE. Pourtant, le texte instituait une amnistie pour tous les auteurs et commanditaires de crimes et délits en relation avec des élections de 1993 à 2004. Ainsi, sans que personne ne trouve à redire Me Abdoulaye WADE passait sous silence la terrible manifestation de février 1994 durant laquelle, officiellement, six policiers ont été tués. Il n’est pas prouvé que le « Pape du Sopi » est le commanditaire de l’assassinat de Me SEYE. Mais, pour les policiers tués, il était de notoriété publique que tout était parti d’un « vous voulez marcher, eh bien marchez », lancé par Abdoulaye WADE au cours d’un rassemblement politique.
Avec ce que Macky SALL et ses partisans concoctent, ce serait le même enfumage. Une loi d’amnistie ne peut être en faveur de Karim WADE et de Khalifa SALL sans l’être pour Macky SALL, son frère, son beau-frère, son oncle etc. La loi qui passe sous silence la gestion de l’ANOCI, le montage financier de l’aéroport Blaise DIAGNE, l’érection du monument de la Renaissance… ne pourrait mettre en lumière des affaires comme : PRODAC, PETROTIM, cartes d’identité numériques, Bictogo, COUD, Corona Business, DER, 94 milliards de F CFA, TER…
Il parait clair qu’en s’engageant pour une amnistie, Macky SALL cherche non seulement à effacer les traces qui mènent à l’endroit où il a ramassé les huit milliards de FCFA qu’il a présentés comme patrimoine en 2012. Mais aussi et surtout à faire table rase sur sa gouvernance sombre et dépourvue de vertu.
Seulement, les desseins du leader de l’APR ne s’arrêtent pas là. Dans une autre chronique, nous revenions sur la « prouesse » qu’il a réussie en parvenant à loger Khalifa SALL et Karim WADE à la même enseigne alors que les deux ne sont pas entrés en prison avec le même statut. En braquant la CREI contre le fils d’Abdoulaye WADE, Macky SALL a cherché, délibérément, à faire de lui une victime pour ainsi conjurer le mal de l’impopularité qui ne cessait de coller Karim, fils à papa. Le résultat escompté est loin d’être un « exil » même doré au Qatar. Comme l’a précisé Macky SALL, c’est en attendant« la bonne formule ».
Une formule qui prendrait forme loin des curieux Sénégalais qui avaient pourtant, un jour, entendu Serigne Mbacké NDIAYE, alors porte-parole d’Abdoulaye WADE, prédire la prison pour beaucoup d’entre eux, s’ils venaient à perdre le pouvoir. Le pouvoir a certes changé de tête mais pas de corps.
Mame Birame WATHIE