L’Or de Kédougou, source de financement des groupes terroristes

par pierre Dieme

L’exploitation aurifère constitue une source de financement des groupes extrémistes violents dans le Sahel.

L’activité aurifère à Kédougou et Tambacounda est une source de financement du terrorisme au Sahel. A cause de vulnérabilités qui se trouvent dans cette partie du Sud-Est du Sénégal, les groupes parviennent à tirer profits de l’exploitation artisanale de l’or et développer leurs activités. Une étude du Centre des Hautes Etudes de Défense et de Sécurité (CHEDS) et l’Institut d’études de sécurité, Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le Bassin du Lac Tchad (ISS), qui sera publiée ce jour, jeudi 16 décembre, est revenue sur la question. Elle est intitulée : «Prévenir l’extrémisme violent au Sénégal : les menaces liées à l’exploitation aurifère».

L ’exploitation aurifère constitue une source de financement des groupes extrémistes violents dans le Sahel. Les localités aurifères de Kédougou et Tambacounda recèlent des vulnérabilités qui sont instrumentalisées par ces groupes dans leurs stratégies de contrôle des espaces et des circuits d’approvisionnement dans la zone sahélienne. C’est ce qui ressort principalement d’une étude du Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds), et l’Institut d’études de sécurité, Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad de l’Institut d’études de sécurité (Iss) réalisée dans les régions de Kédougou et Tambacounda. C’est partant des incidents sécuritaires se produisant sporadiquement de part et d’autre de la frontière sénégalo-malienne et l’inquiétude grandissante quant à une possible expansion de la menace liée aux groupes extrémistes violents dans le SudEst du Sénégal, riche en or et frontalier du Mali, que les deux structures ont réalisé une recherche de terrain dans 36 localités des régions de Kédougou et de Tambacounda.

CARTOGRAPHIE DES MENACES À LA SÉCURITÉ HUMAINE LIÉES À L’EXPLOITATION DE L’OR DANS LES RÉGIONS DE KÉDOUGOU ET TAMBACOUNDA

Dans les résultats de cette enquête de terrain qui sera présentée aujourd’hui, jeudi 15 décembre, il est aussi ressorti que l’absence de traçabilité des ressources qui financent l’activité aurifère et de celles qui découlent de la commercialisation de l’or alimente les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Elle montre également que le fossé entre les potentialités économiques et le niveau de pauvreté, combiné à la faiblesse des infrastructures sociales de base, alimente un sentiment de frustration et d’exclusion au sein des populations, les rendant vulnérables au recrutement par les groupes extrémistes.

L’enquête du CHEDS et de l’ISS montre aussi que les importants flux migratoires et financiers, résultant de l’orpaillage, bouleversent les rapports sociaux et entraînent des dynamiques conflictuelles, sur fond de tensions liées à l’accès aux ressources. Ces flux massifs et incontrôlés accentuent le risque d’infiltration et d’implantation d’éléments extrémistes. De même, les trafics illicites transnationaux en tous genres engendrent une économie criminelle qui peut permettre aux groupes extrémistes violents de s’approvisionner et de nouer des alliances de circonstance avec des acteurs qui cherchent également à se soustraire au contrôle de l’État. Il s’y ajoute les conséquences environnementales et sanitaires de l’orpaillage, déjà perceptibles dans la zone de recherche, risquent d’accentuer les vulnérabilités identifiées, notamment en réduisant les activités génératrices de revenus et en affectant la santé des populations. Le risque d’une expansion de la menace extrémiste violente vers le Sud-Est du Sénégal ne se limite pas seulement aux attaques potentielles. Il concerne également le fait que le territoire sénégalais puisse être utilisé à des fins de financement, d’approvisionnement et de recrutement.

LES RECOMMANDATIONS DU CHEDS, POUR UNE APPROCHE PRÉVENTIVE MULTIDIMENSIONNELLE

Et face à ce danger lié à ces menaces diverses et multiformes, les autorités nationales gagneraient à adopter une approche préventive multidimensionnelle. Mieux, les chercheurs jugent qu’il urge d’accélérer le processus de formalisation de l’Exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE), afin de contenir l’exploitation clandestine et de renforcer les mécanismes de contrôle du circuit de commercialisation de l’or. A leur avis, cela permettrait de réduire les risques de financement du terrorisme et de lutter contre les multiples vulnérabilités découlant de l’orpaillage traditionnel qui gangrènent les régions de Kédougou et Tambacounda. Ils pensent également que la réduction des déséquilibres socio-économiques, prompts à générer des frustrations, notamment dans les zones frontalières, passera par une mise en place accélérée, efficace et harmonisée des programmes de développement étatiques dans les deux régions. Selon eux aussi, des efforts de consultation et de sensibilisation doivent accompagner les interventions de l’État, parfois incomprises et mal vécues par les orpailleurs, afin de réduire les tensions qui en découlent.

En outre, et c’est important, avoir un renforcement du dispositif sécuritaire, qui tiendrait compte des divers types de trafic, est déterminant pour relever les défis nationaux et régionaux liés à la gestion, à la surveillance et au contrôle des frontières. Ce rapport intitulé «Prévenir l’extrémisme violent au Sénégal : les menaces liées à l’exploitation aurifère», vise à documenter les menaces à la sécurité humaine liées à l’exploitation aurifère. Elle a pour objectif de soutenir l’élaboration et la mise en œuvre de réponses adaptées et/ou l’amélioration de mesures existantes, pour faire face à ces menaces. 36 localités des régions de Kédougou et de Tambacounda ont été visitées pour la production de ce rapport qui analyse les facteurs de risques liés à l’exploitation aurifère dans les régions de Kédougou et Tambacounda, au Sénégal, et aux rôles qu’ils sont susceptibles de jouer dans l’expansion des groupes extrémistes violents vers les pays du littoral ouest-africain. L’étude a été conceptualisée et menée entre septembre 2019 et octobre 2021 par une équipe de 12 personnes, dont cinq femmes.

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