Dans un silence de sioux, Macky Sall déroule lentement et sûrement vers une troisième candidature. L’actuel président de la République après avoir « convaincu » les partenaires du Sénégal sur les dispositions actuelles de la Constitution qui lui permettent de briguer un second quinquennat, met en place au plan local des stratégies d’étouffement de toutes velléités contestataires. Après avoir rallongé d’un à deux ans le plafond des obligations du service national à 60 ans, les officiers généraux qui pouvaient bénéficier que d’une prolongation de deux ans à titre particulier, ce sont les sous-officiers supérieurs de la gendarmerie qui voient leur départ à la retraite suspendue jusqu’au mois de mai 2024.
Depuis sa réélection, tous ceux qui se sont aventurés à tailler bavette en s’opposant à un troisième mandat, ont subi lla lourdeur du sabre présidentiel. De Sory Kaba ancien directeur des Sénégalais de l’extérieur à Me Moussa Diop en passant par Moustapha Diakhaté, tous ses partisans sont passés à la trappe pour avoir trop parlé. Ces défenestrations sont sans doute reliées aux résultats obtenus par Ousmane Sonko du Pastef arrivé troisième lors de la présidentielle de février 2019.
Rien qu’à voir les actes posés depuis les émeutes de mars dernier quand l’un des plus sérieux adversaires de Macky Sall, a échappé de justesse à la prison à la suite d’accusations de viols multiples et menaces de mort, penser un seul instant que le « Ni Oui, Ni Non » du président qui en est à son deuxième et dernier mandat, pourrait être un NON, relevé de l’utopie. Qu’il le dise ou pas, Macky Sall est plus dans une logique de troisième mandat et plus.
A peine a-t-on fini de s’interroger sur les dessous du Décret 2021-1579 portant prolongation de la limite d’âge appliquée de 60 ans appliquée aux officiers généraux qui passe à 61 et 62 ans, voilà qu’un autre Décret suspend à titre exceptionnel les départs à la retraite des sous-officiers supérieurs de la gendarmerie nationale. Une mesure que la plupart des gendarmes considèrent comme discriminatoire.
Au moment où les enseignants exigent le respect de l’aspect financier des accords signés avec le gouvernement, Macky suspend la retraite des sous-officiers de la gendarmerie et augmente l’indemnité de logement. Des frustrations en vue du côté de la police, de l’administration pénitentiaire, des Eaux et Forêts
En suspendant pour trente mois les départs à la retraite des sous-officiers supérieurs de la gendarmerie, le président n’est-il pas en train de rompre le principe d’égalité dans ce corps. Car, s’il est déjà constant que les autres corps n’apprécieront pas du tout ce cadeau octroyé à la maréchaussée, de nombreuses langues commencent à se délier au niveau de la gendarmerie sur les choix opérés. Et les questions de fuser de partout, le président veut s’assurer que les hommes sur le terrain des opérations seront reconnaissants à sa magnanimité.
« Si ce sont des impératifs de service qui motivent cette suspension de départ à la retraite, le président Macky Sall renforce ainsi le sentiment de frustration. Augmenter les indemnités de logement, c’est bien mais, l’égalité qui a toujours été de mise dans la gendarmerie, vient de subir un rude coup », nous confie ce gendarme actuellement en détachement. Selon lui, « les manquements notés lors des événements de mars ne peuvent être imputés aux hommes sur le terrain, c’est le recrutement et la formation qu’il faut revoir. On peut avoir dix mille policiers et gendarmes sur le terrain mais sans la discipline, tou est voué à l’échec donc, maintenir certains, n’est pas la bonne solution ».
« Nous parlons de l’armée, ce n’est pas comme chez les paramilitaires (police, douane, etc) où l’ancienneté ne compte pas car le Directeur général n’est toujours pas le plus gradé. Alors que dans l’armée, c’est une contrainte qui s’impose au président de la République », déplore notre interlocuteur qui trouve cette décision lourde de conséquences.
Macky gâte des généraux qui constituent une caste méconnue dont les avantages n’ont rien à envier aux meilleurs « Golden parachutes » des PDG du CAC 40 .Avec de mirobolantes indemnités de logement, la prolongation pour les généraux et la suspension des retraites pour les sous-officiers supérieurs de la gendarmerie, ce sont les colonels qui ne vont pas apprécier cette discrimination qui va avoir des conséquences fâcheuses sur leurs carrières.
Tout en sachant que les généraux sont nommés parmi les colonels remplissant les deux conditions suivantes : la durée dans le grade et les diplômes, le président ne s’est pas empêché de prolonger les généraux. Car, cette décision forcément impacter sur l’avancement des colonels qui sont dans l’antichambre. Et avec cette décision, les généraux deviennent des privilégiés comme certains magistrats qui exceptionnellement, bénéficient d’une retraite à 68 ans.
En rallongeant d’un et deux ans les départs à la retraite des actuels officiers généraux, le président Macky Sall chercherait il à se donner des gages d’ici 2024. Car si la modification de la loi 70-23 du 06 juin 1970 qui fixe l’organisation générale de la défense, ouvre la possibilité de prolonger leur présence dans la première Section, c’est-à-dire, continuer de tenir des emplois militaires, c’est la pertinence qui pose problème. Car, si Macky Sall voulait prolonger l’un des généraux, il lui était loisible de prendre un décret dans ce sens.
Comme nous aimons singer la France, il était facile pour Macky Sall de faire comme ses homologues français François Hollande et Emmanuel Macron qui, tous les deux, ont prolongé comme Chef d’état major des Armées le Général Pierre De Villiers. « L’État major n’a vraiment pas besoin de tous ces généraux qui se voient automatiquement prolonger. Pourtant le président doit savoir que dans ce domaine, son pouvoir est lié », nous confie cet officier supérieur à la retraite.
Pape SANÉ