Pendant ce temps, le président Macky Sall a déjà lancé l’opération «Mbam xuux», Du fait des exportations massives vers la Guinée-Bissau
Pour la communauté chrétienne, les célébrations de première communion ainsi que les fêtes de Noël et de fin d’année constituent une occasion de faire honneur aux viandes de porc. Malheureusement, cette année, le Sénégal sera confronté à une persistante pénurie de porcs provoquée par les importateurs bissau-guinéens. Une réalité du terrain qui ne conforte pas les garanties du ministre Aly Saleh Diop relayées par le président de la République lors de la Journée de l’élevage célébrée la semaine dernière à Dahra.
Avec un enthousiasme débordant, le président de la République Macky Sall a profité de la Journée de l’élevage à DahraDjoloff pour lancer l’opération « Mbam Xuux » en cette période de fêtes de fin d’année. « Le ministre de l’Elevage vient de me souffler que, cette année, les marchés du porc seront suffisamment approvisionnés » avait-il indiqué avant d’ajouter : « Je profite donc de l’occasion pour lancer, ici, l’opération « Mbam Xuux » comme nous le faisons avec les opérations Tabaski. On est au Sénégal. Il y a ceux qui aiment le bœuf et le mouton, mais il y a aussi ceux qui aiment le porc. Car nos parents et amis chrétiens ont besoin d’être aidés et accompagnés dans leur viande de choix qu’est celle de porc en cette période de Noël » avait rassuré le président de la République à l’endroit de la communauté chrétienne. Un clin d’œil en sa direction à la veille d’élections locales pour lesquelles toutes les communautés sont bonnes à draguer… A Dahra-Djolof, le chef de l’Etat n’a fait qu’exprimer sa volonté pour que les marchés du porc soient bien approvisionnés afin que les chrétiens puissent consommer à satiété leur viande. Malheureusement pour Macky Sall, la réalité est autre sur le marché ! « Le Témoin » est en effet en mesure d’alerter que la communauté chrétienne risque de subir une profonde pénurie de porcs en cette veille de fêtes de fin d’année.
La razzia des exportateurs Bissau-guinéens
Selon Ziaka Bassène, responsable du marché de porcs de Grand-Yoff (Dakar) communément appelé « Bignona », il n’y a pratiquement plus de porcs au Sénégal. « Les exportateurs Bissau-guinéens ont déjà pris les devants en pillant toutes les porcheries pour acheminer les bêtes à Bissau où l’offre dépasse largement la demande en cette période de Noël. D’ailleurs, la plupart des clients venus aujourd’hui (Ndlr, hier mardi) s’approvisionner en viande de porc sont rentrés bredouilles. Il n’y a plus viande ! » s’est-il désolé. Et notre interlocuteur de rappeler que « l’année dernière, avec la fermeture des frontières terrestres due à la pandémie de coronavirus, les points de vente comme Bignona étaient suffisamment approvisionnés. Mais cette année, avec la réouverture des frontières, les opérateurs Bissau-guinéens ont déjà tout acheté pour acheminer les bêtes vers Bissau où le porc sénégalais est revendu entre 100.000 CFA et 150.000 CFA selon le poids.
De Dakar à Kaolack en passant par Fatick, Ziguinchor, Diourbel etc., toutes les porcheries ont été vidées. Nous vivons une situation inquiétante contrairement à la volonté du chef de l’Etat dans son opération « Mbam Xuux » » a regretté Ziakia Bassène joint depuis le marché dakarois du porc de Bignona. Selon Mme Jacqueline Tine, vendeuse de viande de porc, la situation évolue de mal en pis à quelques jours de Noël. « D’ailleurs, le prix de viande a flambé en passant de 1500 cfa/Kg à 2.500 cfa. Et le porc de 20 kg qui coûtait entre 25.000 cfa et 40.000 cfa se vend aujourd’hui à 75.000 cfa. Parce que les Bissau-guinéens sont passés par là ! » s’est offusquée cette dame installée elle aussi au marché Bignona de Grand-Yoff. Il est vrai que dans cette pénurie de porcs, l’exportation de masse vers la Gambie et la Guinée-Bissau y est pour quelque chose. Mais le principal problème se trouve dans les réalités socio-culturelles ou socioreligieuses de notre pays. Parce que dans un pays composé à 95 % de musulmans comme le Sénégal, les tabous et autres considérations religieuses freinent le développement de la filière porcine. D’où les pénuries souvent constatées. C’est le cas de cette fin d’année où la demande risque de dépasser largement l’offre des éleveurs et vendeurs. Rappelons-le, en milieu urbain comme à Dakar, Guédiawaye, Grand-Yoff, Pikine, les éleveurs sont rejetés par leur propre voisinage. En effet, aucun quartier ne veut abriter une porcherie du fait de ses odeurs nauséabondes et repoussantes. Pire, les porcheries sont considérées comme des écuries voire des « hubs » où convergent toutes les mouches sorties des égouts et des fosses septiques. Cette situation « discriminatoire » se répercute dans les supermarchés, les boucheries de quartier et les marchés traditionnels où la viande de porc ne semble pas être la bienvenue dans les étals et rayons.
A preuve, dans la région de Dakar où vivent et cohabitent des populations d’horizons divers ainsi que des ethnies multiples, il n’y a que quelque 100 porcheries sur l’ensemble des sites « cochons » à savoir les marchés de « Bignona » (Grand Yoff), Thiaroye Azur, Malika (Mbeubeuss), Diamdiadio, Pout, Rufisque etc. Selon M. Ziaka Bassène, n’eussent été l’engagement et la détermination de gens comme lui, les populations de Grand-Yoff, soutenues par des élus locaux, allaient faire déguerpir le marché de Bignona. « Car depuis des décennies, les populations ont tout fait, tout tenté pour raser ce marché du porc, mais en vain ! Parce que nous nous sommes battus pour conserver cet unique marché dakarois du porc. D’ailleurs, je profite de l’occasion pour remercier Mme Aminata Mbengue Ndiaye qui fut l’un des meilleurs ministres de l’Elevage de ce pays. De son temps, elle invitait toujours les éleveurs de porcs à mieux s’organiser en raison de l’importante contribution de cette filière au pastoralisme. Mieux Mme Aminata Mbengue Ndiaye associait éleveurs de porcs et bouchers à toutes les journées de l’élevage jusqu’à nous faire réserver un stand. C’était pour nous aider à développer la filière afin que nous puissions satisfaire la forte demande sur le marché local pendant les fêtes catholiques. D’où le programme dit « une région pour une porcherie ».
Justement c’est ce programme ministériel initié par Mme Aminata Mbengue Ndiaye qui a pu sauver le marché du porc de Grand-Yoff des Caterpillar » a tenu à rappeler, pour la saluer, M. Bassène, responsable du marché Bignona. Un marché qui tente de s’extirper de la marginalisation.
LE PORC S’INVITE DANS LE TROUPEAU DE L’ETAT
En analysant la politique de l’Elevage du gouvernement, il n’est pas interdit d’avancer que le Sénégal a une ambition pour sa filière porcine, comme quoi « mbam khoukh toutinaa wayé si diourbi la bok » (le porc bien que petit et banni fait partie de l’enclos voire du troupeau de l’Etat). Bien que déclaré non grata par la majorité de la population sénégalaise, le porc s’entête et s’invite dans le troupeau de l’Etat. Surtout en cette période de fêtes de Noël. Et c’est ce qui justifie l’opération « Mbam Xuux » lancée par le président Macky Sall. Longtemps négligée par les pouvoirs publics, la filière porcine fait petit à petit sa croissance, en temps normal, au point de générer des excédents destinés à l’exportation (Gambie et Guinée-Bissau). Et en temps de fêtes, ces exportations tant voulues et souhaitées provoquent malheureusement une pénurie. Pourtant, la prolificité du porc sénégalais peut atteindre jusqu’à 18 porcelets par portée. Cette prolificité montre à quel point le porc a une croissance et une maturation très rapide après la naissance. Bien que les acteurs s’activent dans l’informel, nous renseigne-t-on, la production est assez satisfaisante. En effet, l’effectif national est de près de 500.000 têtes/an. Fatick (région d’origine du président de la République !) est la plus grande région d’élevage de porcs avec 150.000 têtes environ. Elle est suivie de Kolda, région pourtant majoritairement musulmane, avec une production estimée à 100.000 têtes. En troisième place, Ziguinchor suivie de Sédhiou, Thiès, Kaolack, Diourbel et… Dakar. Des statistiques relativement acceptables par rapport à la communauté chrétienne composée de catholiques et protestants représentant 5 % de la population. Une chose est sûre : éleveurs et revendeurs s’accordent à alerter que le marché sénégalais du porc va subir une forte pénurie durant les fêtes de Noël et fin d’année dès lors que les bêtes restent introuvables dans les « darals » à « mbam xuux » !