L’hypocrisie sous les oripeaux d’une charte illusoire

par pierre Dieme

« La paix est plus qu’un slogan, c’est un comportement. »

                                                        (Houphouët BOIGNY)

Pour l’heure, dans notre charmant et beau pays qu’est le Sénégal, le débat public est monopolisé voire cannibalisé par le projet de charte de non-violence que le cadre unitaire de l’islam au Sénégal(CUIS) a soumis à l’appréciation des Sénégalais, notamment les hommes politiques. L’intention est fort louable et ne peut qu’être approuvée sur le principe. La violence ne profite à personne, elle ne fait que détériorer le climat social, éroder la cohésion et la confiance. Si l’on ne peut rejeter à priori une telle initiative, il faut, toutefois, reconnaitre qu’elle suscite un certain nombre d’interrogations. La polémique a été démesurément enflée à la suite de la déclaration du président du Pastef, Ousmane Sonko qui, en son nom personnel et celui du parti, a décliné l’offre en  affirmant clairement  et sans ambages qu’il ne signera pas la charte de non-violence, non sans exprimer ses sentiments de respect et toute la considération qu’il a à l’endroit des initiateurs. La déclaration d’Ousmane Sonko a servi de prétexte et a offert à ses détracteurs et autres contempteurs de clabauder,  de dauber, de le vouer et trainer aux gémonies, le présentant comme un va-t’en guerre, un belliqueux, un homme violent, ennemi de la paix qui ne cherche qu’à bruler le pays.

Auparavant, il me parait judicieux et pertinent de procéder à quelques interpellations et interrogations sur les motivations et la véritable nature d’une telle démarche. On pourrait se demander au nom de quelle légitimité et sur la base de quel mandat  les initiateurs de la charte se fondent pour entreprendre une telle démarche. Quel est leur niveau de représentativité ? Le cadre unitaire de l’islam dont ils se réclament sous-entend qu’ils agissent  sous la bannière de l’Islam en en se prévalant de leur statut de religieux.  A l’analyse et à mon très humble avis, j’estime que ce projet de charte de non-violence souffre d’un défaut d’honnêteté et d’un déficit de sincérité. En effet, beaucoup d’évènements se sont déroulés sous nos yeux sans qu’une seule fois on ait eu à entendre la voix audible du cadre unitaire de l’islam. Jamais ils ne se sont manifestés pour prendre une position claire, préférant se complaire dans un silence inexplicable. Ou était le cadre unitaire :Quand l’énergumène Aliou Dembourou sow, l’ami, le parent, le partisan et l’affidé du Président Macky Sall, gardien de notre constitution, lançait publiquement un appel au meurtre contre toute personne qui aurait l’audace de s’opposer à une troisième candidature du Président Macky Sall pour un troisième mandat ? N’avait-il pas demandé à ses parents peulhs de se munir de leurs machettes pour que le moment venu ils puissent en user pour trucider les contestataires ?

  • Quand ce même Aliou Dembourou Sow récidivait en proférant des menaces de mort dans l’enceinte même de l’hémicycle contre un collègue député ?
  • Quand, au mois de mars, au vu et au su de tout le monde, des nervis armés de machettes, de gourdins, accompagnés et encadrés par des membres des forces de l’ordre, s’en étaient pris  violemment avec un acharnement bestial à d’honnêtes et paisibles citoyens dont des écoliers qui rentraient tranquillement chez eux. On a vu des nervis armés de fusils à pompe s’introduire dans des maisons et tirer ?
  • Quand tous les Sénégalais ont été témoins du meurtre en direct d’un jeune manifestant par un policier ?
  • Quand le Président de la République, gardien de notre constitution et disposant des forces de sécurité pour sa protection, se faisait escorter par des nervis qui, sous ses yeux, commettaient des exactions et exerçaient des violences et des brutalités sur d’autres citoyens ?
  • Quand un marabout connu et identifié, appelait ses talibés à s’armer comme ils peuvent pour aller exercer des représailles contre d’autres coreligionnaires qui avaient exprimé des points de vue différentes sur la religion ?
  • Quand à deux reprises, dans un intervalle de moins d’une semaine, Ousmane Sonko et ses partisans ont été attaqués par des nervis agissant pour le compte du sieur Doudou Ka. Ils en ont fait l’aveu publiquement et à visage découvert ?
  • Quand à plusieurs reprises le sieur Guy Marius Sagna , ce combattant infatigable des causes justes, a fait l’objet d’attaques violentes et gratuites, souvent sous le regard indifférent voire complice des forces de sécurité ?

Messieurs les membres du cadre unitaire, il se pourrait qu’à titre individuel, certains d’entre vous, très engagés dans le combat civique, citoyen et patriotique, aient eu à intervenir sur les cas évoqués supra. Les interpellations s’adressent à l’entité au nom de laquelle vous avez entrepris de proposer une charte de non-violence. Quand on veut jouer le rôle d’arbitre ou de médiateur, c’est selon, il faut s’armer de courage, avoir l’honnêteté et la sincérité chevillées dans sa conscience, pour oser constater les fautes, désigner clairement les responsables et au besoin, à défaut de prendre des sanctions, en proposer. Souvent les gens excipent d’une prétendue neutralité pour expliquer et justifier leur refus de prendre position. Certaines formes de neutralité s’apparentent à de la lâcheté. On ne demande pas aux acteurs qui veulent jouer les bons offices d’être neutres mais plutôt de faire montre d’une grande impartialité. C’est le lieu de dénoncer le discours moralisateur de certains qui veulent donner mauvaise conscience à ceux qui refusent d’agréer la charte et  qui fondent leur position sur des arguments factuels incontestables.

Messieurs les membres du cadre unitaire, n’avez-vous pas entendu le sieur Mahmout Saleh, directeur de cabinet, proche collaborateur et confident du Président de la République, Son Excellence Macky Sall, déclarer publiquement à Mbour, que les opposants qui sont dans la coalition « YEWWI ASKAN WI » sont des gens nuisibles au pays et qu’ils ne méritent qu’une seule chose, c’est, je cite « d’être tués et enterrés » ? Quelle a été votre réaction devant ces propos gravissimes de la part d’un officiel de l’Etat, de surcroit, le plus proche collaborateur du Chef de l’Etat ; un monsieur à la réputation sulfureuse et très versé dans les petites combines. C’est certainement lui qui a initié le Président Macky Sall à la pratique du « njucc-njacc ».Vous avez la double obligation morale, si vous voulez être investis d’une once de confiance de la part des Sénégalais, de dénoncer les propos du sieur Saleh et d’interpeller officiellement, solennellement et publiquement le Président de la République Macky Sall ; autrement vous serez solitaires dans votre initiative pour l’établissement d’une charte de non-violence. Les propos du combinard Saleh sont d’une violence inouïe et criminelle ; à y regarder de près, ils sont de la même nature que ceux de son mentor qui souhaitait réduire l’opposition à sa plus simple expression, c’est-à-dire à l’anéantir et qui néantise élimine physiquement.

Je profite de l’occasion pour faire comprendre que la situation actuelle de notre pays dépasse largement les capacités de prévention, d’intervention et de gestion de nos chefs religieux que certains continuent à considérer comme des faiseurs de miracles.  Les chefs religieux ont montré les limites de leur influence sur le Président Macky Sall. Et puis, qu’est-ce que l’on peut attendre d’un chef religieux qui vante les réalisations du Président ? D’un autre qui met le Président sous la protection d’un saint homme ? Les populations, notamment les jeunes prennent de plus en plus conscience qu’il leur appartient de prendre en main leur propre destin. L’éveil des consciences et la révolution des esprits s’imposeront  en prenant une dynamique irréversible.

Aujourd’hui notre pays a dangereusement reculé sur tous les plans, la vitrine de notre démocratie a été brisée nous reléguant aux derniers rangs, l’assemblée nationale  est totalement vassalisée, certains juges instrumentalisés, les denrées de première nécessité connaissent une hausse vertigineuse, les populations ont été appauvries et paupérisées. GANDHI ne disait-il pas que «  la pauvreté est la pire des violences » ; il faut tout  simplement en conclure que le Président Macky Sall est violent, lui qui est responsable de cette descente aux enfers des Sénégalais. Il est violent dans ses propos et dans les actes qu’il pose. N’a-t-l pas fait un forcing pour voter alors qu’il ne remplissait les conditions requises pour le faire ? N-at-il pas décliné comme objectif politique de réduire son opposition dans sa plus simple expression ? Une telle déclaration ne constitue-t-elle pas une violation de la constitution qui consacre la participation des partis politiques à l’animation de la vie politique ? N’a-t-il pas menacé les Sénégalais de donner leurs doses de vaccins à d’autres peuples, des vaccins achetés avec l’argent du contribuable. N’a-t-il pas bombé le torse et plastronné en se vantant de disposer du pouvoir et de la force ? N’a-t-il pas, en prévision d’une répression féroce, fortement armé et lourdement équipé les forces de défense et de sécurité ? Sa violence se manifeste dans un autoritarisme qui traduit son manque notoire d’autorité. Y a-t-il violence plus  douloureuse et plus grave  pour notre jeunesse que cette image honteuse et hideuse montrant le Président de la République recevant celui qui, aujourd’hui, incarne la trahison et la fourberie ? Cela ne devrait pas étonner de la part de celui qui, publiquement a reconnu avoir pratiqué le « NUCC-NJACC ».

A vous membres du cadre unitaire de l’islam, dites-vous que la paix ne peut régner sans la justice et  que celle-ci ne peut prospérer sans la vérité ; alors dites la vérité, toute la vérité, rien que la vérité dont vous savez, pertinemment,  en tant que religieux qu’elle appartient à ALLAH Le Tout-Puissant.

       Quatorze morts, zéro coupable. Est-ce normal ?

Dakar le 28 Novembre 2021.                 

                                                      Boubacar   SADIO

                                          Commissaire divisionnaire de police

                                          Classe exceptionnelle à la retraite.

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