On pouvait vraiment se passer de toute indignation devant l’acte du président de la République qui a reçu au Palais « avec les honneurs » un homme pris en flagrant délit de tricherie. Celui que nous avons élu en 2012 et réélu en 2019 , s’est fait souvent remarqué par des actes aux antipodes des règles démocratiques, au mépris de la bienséance républicaine, de l’élégance tout court. N’avait-il pas annoncé ses couleurs en violant le code électoral aux élections régionales, municipales et rurales du 12 mai 2002, votant sans sa pièce d’identité ? Cet acte a été d’autant plus retentissant qu’il était alors ministre des Mines, de l’Energie et de l’Hydraulique.
On pouvait ne pas être surpris par cette image violente au Palais si l’on sait que Sall, après avoir montré partout une aversion pour la transhumance bestiale, n’a pas hésité à louer ses « vertus », en évoquant une « mobilité professionnelle », tentant ainsi de justifier laborieusement une option hasardeuse. C’était aux premières années de son élection, en 2015 à Kaffrine. On pouvait bien ne pas perdre notre énergie à dénoncer cet « amour à la bassesse », cette apologie de la traîtrise, si l’on sait que le président de son propre aveu, a mis des «dossiers sous le coude». Déclaration faite en 2014 des États-Unis où il se trouvait. Montrant ainsi ce qu’on savait déjà : la justice, c’est lui. Ce n’est donc pas surprenant que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) soit morte de sa belle mort, après avoir emprisonné Karim Wade et quelques lampions, ignorant toutes les autres personnalités dont certaines sont devenues des alliés de taille de l’actuel régime. Une d’entre elles, siège même au Conseil des ministres.
Sur le même registre, le 31 décembre 2020, Macky Sall avait soutenu que l’arrestation de certaines personnes « quelles que soient leurs fautes », peut faire sombrer le Sénégal.« Le Procureur de la République est investi du pouvoir de poursuites. Donc, Il lui revient de voir s’il vaut la peine de poursuivre ou de ne pas poursuivre une personne. Il peut, dès fois, arriver qu’il soit amené à arrêter une personne dont l’arrestation peut conduire le pays dans un chaos total», a-t-il dit devant les journalistes et tous les Sénégalais. Il était manifestement très à l’aise. Le chantre de la « gouvernance sobre et vertueuse », a gracié un trafiquant de faux médicaments, en avril 2019. Il s’agit d’un commerçant guinéen condamné à 5 ans pour cette forfaiture criminelle. Amadou Woury Diallo a été interpellé par la gendarmerie suite à un trafic de médicaments d’une valeur de 1,3 milliard de Cfa.
La grève des pharmaciens, la protestation quasi générale n’y firent rien. Le « chanceux » s’était déjà « volatilisé ». La bêtise a été ainsi encore récompensée par celui qui nous promettait la rupture dans la manière de gouverner. Ce n’était que leurres. Même les corps de contrôle censés remettre les choses à l’endroit, se montrent frileux. Les différents rapports loin d’être réguliers, ne sont suivis d’aucun acte. Pire, des gestionnaires épinglés, ont bénéficié d’une promotion. C’est le cas de l’ancien Directeur du Centre des Œuvres universitaires de Dakar (Coud) devenu ministre de l’Enseignement supérieur, non sans avoir menacé de ses foudres la présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) Nafi Ngom Keïta qui a fini par être « chassée » de son poste. La dernière trouvaille présidentielle si paradoxale, qui devrait consister à créer une commission chargée d’exploiter les rapports de la Cour des comptes, tarde à se concrétiser au grand bonheur de ceux-là qui ont dilapidé l’argent du contribuable, en volant et en violant les règles primaires de gouvernance.
Que d’actes qui suivent la logique de sa rencontre avec Monsieur Djbril Ngom ancien mandataire de la coalition Yewwi Askan Wi à Matam, devenu célèbre à cause de sa « prouesse » honteuse qui a consisté à prendre la poudre d’escampette avec les dossiers de candidature. Objectif : sabotage pour plaire à son mentor local Farba Ngom qui l’a sans nul doute conduit au Palais pour « services rendus au parti ». La patrie est insultée, souillée. Les raisons des bassesses Maintenant, il n’est pas superflu de s’interroger sur ce qui fait courir Macky Sall qui doit, en principe quitter le pouvoir en 2024 au terme de son second mandat, comme indiqué dans la Charte fondamentale. Pourquoi tient-il à descendre si bas après avoir clairement dit qu’il n’est plus dans les petits deals, les petites querelles, le « njuuj njaaj » après sa réélection, insistant sur un « dialogue national » qui n’a pas pu apaiser le climat politico-social.
Ce rendez-vous de la roublardise est un signal malheureux lancé à tous ceux qui espéraient que le « retour du Premier ministre » était une occasion pour le président d’œuvrer exclusivement pour sortir le Sénégal de ses nombreuses difficultés accentuées par une ignorance des priorités, un pilotage-à-vue rendu plus remarquable par la pandémie de la Covid-19.Si la suppression de la primature n’a pas eu les effets escomptés, c’est qu’elle était sous-tendue par des considérations politiciennes. Macky voulait être « maître » de lui comme de l’univers, à l’image d’Auguste dans « Cinna » de Corneille.
Il se heurte à un mur. Aveu d’échec pour quelqu’un qui justifiait la suppression du poste de Premier ministre par une volonté d’avoir une prise directe avec son administration, pour « plus d’efficacité dans l’application des politiques publiques ». La nouvelle décision du chef est aujourd’hui expliquée avec beaucoup de peine sans convaincre. Tantôt ses collaborateurs évoquent une « crise aussi vaste et aussi grande que la pandémie de Covid-19 », tantôt ils soulignent le mandat de Sall à la présidence de l’Union africaine ( Ua). On n’a pas fini d’épiloguer sur l’audience de l’opprobre, voilà Gaston Mbengue, un des soutiens du pouvoir, sort des bêtises qu’il assume. En stigmatisant violemment les Diaz, il honore son rang de promoteur…des imbécilités. On espère qu’il n’aura pas, lui aussi, sa «prime à la bêtise».
MGN
L a chronique hebdomadaire de Mame Gor Ngom parue dans le journal INFO