A la place du ‘’fast-track’’ promis à la suppression du poste de Premier ministre, les Sénégalais ont plutôt droit à des ministres qui marchent comme des caméléons.
A la place du ‘’fast-track’’ promis à la suppression du poste de Premier ministre, les Sénégalais ont plutôt droit à des ministres qui marchent comme des caméléons. A l’image du Ter ‘’inauguré’’ depuis 2019, mais qui tarde toujours à revoir Diamniadio. EnQuête propose de nouveau ce texte a été publié dans notre édition du 15 décembre de 2020 qui relevait déjà les difficultés de la vie sans un Premier ministre.
‘’Le gouvernement sans berger’’. Ainsi titrait ‘’EnQuête’’ dans son édition du 7 juillet 2020. A l’époque, ils étaient nombreux à parier le retour du poste de Premier ministre, vu les multiples cafouillages au sommet de la République, depuis la suppression du poste…
Au dernier remaniement, tous les pronostics portant sur un éventuel retour du poste ont été déjoués par le président Macky Sall. Mais certains interlocuteurs n’en démordaient pas pour autant. ‘’Même si ce n’est pas immédiatement, l’option est sérieusement envisagée au sommet. Je pense que si le président ne l’a pas fait lors du dernier remaniement, c’était surtout pour des raisons politiques. Dans le contexte de ce remaniement, prendre quelqu’un pouvait être interprété comme s’il était son choix pour le dauphinat. Maintenant que le problème se pose moins, la venue d’Idrissa Seck ayant brouillé toutes les pistes, je pense qu’il pourrait passer à l’acte en faisant revenir le poste’’, analysait notre interlocuteur sous le couvert de l’anonymat.
L’ancien conseiller d’Abdou Diouf, feu Amadou Tidiane Wane, relevait que le schéma du président aurait bien pu marcher. Mais, cela suppose un secrétaire général de la présidence fort. A la question de savoir si Macky Sall peut gouverner efficacement sans Premier ministre, il rétorquait : ‘’Tout dépend de la personnalité qui se trouve être le secrétaire général de la présidence. Colin a joué ce rôle deux fois. D’abord sous Senghor avant d’être remplacé par Abdou Diouf. Suite aux évènements de 1962 jusqu’en 1970, il n’y avait donc pas de Premier ministre. Ce n’est qu’en 1970 que Senghor a remis le poste en y nommant Abdou Diouf.’’
Et d’ajouter : ‘’La deuxième fois, c’était en 1983 sous Abdou Diouf. Le poste a été supprimé à nouveau. Et Collin a été ministre d’Etat, secrétaire général jusqu’en 1990. Il l’a donc été pendant sept ans. Cela veut dire que si on a un bon secrétaire général et si le président veut travailler, il n’y a aucun problème. La primature n’est pas indispensable.’’
‘’Si on a un secrétaire général de la présidence fort, il n’y a aucun problème’’
Rappelant Obama, l’ancien coordonnateur de l’Association des maires du Sénégal déclarait : ‘’Comme le disait l’autre, c’est des institutions fortes qui comptent, mais aussi, il faut des personnalités fortes. S’il y a une personnalité forte qui travaille, le président peut se reposer.’’
Le problème se pose donc surtout au niveau des profils des uns et des autres. Sous Boun Dionne, il y avait à la présidence juste un bouton comme il se réclamait. Lequel ne s’allumait que sur activation de son mentor. Rien à voir avec un Collin dont les instructions valaient édits présidentiels, voire bien plus. L’ancien conseiller en Développement rural se souvient : ‘’Quand il y avait un dossier, on pouvait l’écrire soit sur un document avec en-tête président de la République et c’est le président qui signe, soit avec en-tête ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence, et c’est Collin qui signe. A deux ou trois reprises, j’ai vu que quand c’est le président, certains prennent leur temps. Ensuite, ils pouvaient se permettre d’aller négocier directement avec lui pour des concessions. Ce qui n’était pas le cas pour les dossiers signés par Collin.’’
Eclairage de Moubarack Lo
Dans nos précédentes éditions, Moubarack Lo rappelait que dans l’organisation institutionnelle, plusieurs options sont possibles. Le plus important, selon lui, c’est d’assurer la coordination interministérielle, d’avoir, à tout moment, une pression sur les ministres et d’avoir un bon suivi, une bonne évaluation. L’ancien conseiller à la primature, au moment de sa dissolution, expliquait : ‘’Cette coordination peut se faire au niveau de la primature, comme ça peut se faire au niveau de la présidence. Sous Abdou Diouf, quand le poste de PM a été supprimé, il y avait un secrétaire du Conseil des ministres qui jouait ce rôle. Comme son nom l’indique, il coordonnait l’activité des ministres.’’
Dans la nouvelle formule, d’aucuns croyaient que c’est le Secrétariat général du gouvernement qui assure cette mission. Mais, à en croire M. Lô, le SG assure une coordination administrative. ‘’C’est le président de la République qui est le patron direct des ministres. Pour le SG du gouvernement, c’est la coordination des textes, leur préparation… Maintenant, la coordination politique, c’est le chef de l’Etat. C’est à lui de veiller à ce que ça fonctionne’’. Celui-ci joue-t-il pleinement son rôle ? Moubarack Lô donne sa langue au chat. ‘’Ce n’est pas à moi d’en juger. C’est au président, qui a nommé les ministres, d’apprécier leur travail. De toute façon, ayant été lui-même Premier ministre, ensuite président de la République, il connait suffisamment la coordination ministérielle pour pouvoir apprécier ce qui se fait de bien et ce qu’il faut améliorer’’