Conscient que les choses partent dans tous les sens surtout en cette veille d’élections, le président a donc décidé de restaurer la fonction de Premier ministre après l’avoir supprimée pour des impératifs de « fasttrack ». Un aveu d’échec
Lors du Conseil des ministres d’hier, le président de la République a pris la décision de restaurer le poste de Premier ministre. Trente mois après avoir supprimé cette fonction, Macky Sall semble soudain s’être rendu compte de son utilité ! Retour à la case départ, donc, pour un président qui, visiblement, tourne en rond…
Mardi 14 mai 2019, un communiqué du gouvernement indique que « M. le président de la République a promulgué ce jour la loi constitutionnelle portant suppression du poste de Premier ministre ». Macky Sall avait surpris son monde en annonçant cette réforme, qu’il n’avait pas évoquée pendant la campagne pour la présidentielle du 24 février de la même année, deux jours après avoir prêté serment pour un second mandat début avril. Elle a été adoptée par les députés le 4 mai à une très large majorité. La majorité mécanique de Benno Bokk Yaakar s’entend… Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis que le poste de Premier ministre a été supprimé. Depuis lors, que de dysfonctionnements et de cacophonie ! Non seulement on ne sentait plus de coordination des actions du gouvernement, mais encore le traitement des dossiers s’était trouvé ralenti alors pourtant que l’une des raisons avancées par Macky Sall pour supprimer cette fonction qu’il avait occupée naguère c’était en substance d’éliminer cet échelon intermédiaire afin d’être en première ligne au nom d’impératifs de « « Fast-Track ». Une accélération de la cadence gouvernementale, en somme ! Hélas, plutôt que d’être rapides, les choses ont plutôt ralenti tandis que les dossiers s’accumulaient à la présidence de la République où une guerre des chefs empêchait leur traitement diligent…
Entre crise sociale et économique au lendemain de la suppression du poste de Pm…
Les Sénégalais espéraient un nouvel élan après la défénestration de Mahammad Boun Abdallah Dionne et de Maxime Jean Simon Ndiaye, son alter ego au niveau du gouvernement mais le coronavirus avait tout chamboulé. En effet, la pandémie a mis le pays sens dessus-dessous depuis plus de deux ans. Et en sus de la crise économique provoquée par ce virus qui a vu le jour en Chine, le Covid-19 avait créé une crise sociale. Mieux ou pire, elle avait aussi provoqué une cassure entre gouvernants et gouvernés notamment avec la gestion des 1000 milliards de Force Covid-19, les nombreux couvre-feux décrétés, le défaut de communication du gouvernement entre autres. Là aussi une véritable cacophonie a été observée dans la gestion de cette crise avec le confinement suivi d’un déconfinement en catastrophe, le second couvre-feu partiel, le refus de certains centres religieux de fermer leurs mosquées ou de renoncer à leurs événements annuels, les tests à géométrie variable, les stratégies hasardeuses du ministère de la Santé etc. La suppression du poste de Premier ministre semblait également donner davantage de pouvoirs à ses opposants notamment Ousmane Sonko, Khalifa Sall, Malick Gakou et Cie. Lesquels n’avaient cessé de lui mettre les bâtons dans les roues. Les événements de mars 2020 sont encore frais dans les esprits. Seul contre tous, Macky Sall a été affaibli par le clan Ousmane Sonko lors de ces émeutes qui avaient fait 14 morts et plusieurs dégâts matériels. Il a été ainsi obligé de laisser Sonko en liberté et de le faire placer sous contrôle judiciaire même si Mme Aminata Touré et le défunt médiateur de la République Alioune Badara Cissé ont tenté de le sauver d’une chute. Au lendemain de cet événement, Macky Sall semblait ne plus être le même. Ses « faux » Baye Fall l’avaient laissé seul avec l’opposition. Seule Mimi Touré, même après avoir été remplacée par Idrissa Seck, allait au front pour le défendre à chaque fois qu’il était acculé. Conscient que les choses partent dans tous les sens surtout en cette veille d’élections Locales, Macky Sall a donc décidé de restaurer la fonction de Premier ministre après l’avoir supprimée pour des impératifs de « fasttrack » ! Il s’est rendu compte qu’il a plus que jamais besoin de quelqu’un qui va à la fois assurer le travail de coordination gouvernementale, arbitrer les nombreux conflits entre les membres du gouvernement mais aussi qui va lui servir de disjoncteur tout en lui permettant de souffler un peu…
Macky suit les pas de Senghor et Diouf…
Après la brouille politique entre le président Senghor et Mamadou Dia, à l’époque président du Conseil, le Sénégal avait vécu sans Premier ministre de 1963 à 1970, le poste ayant été supprimé en 1963 à l’issue d’un référendum. Le 26 février 1970, Abdou Diouf, alors ministre du Plan et de la Coopération, a été nommé au poste de Premier ministre, à l’issue d’un nouveau référendum. Arrivé au pouvoir en 1981, le président Abdou Diouf nomme son ami Habib Thiam Premier ministre, une fonction que ce dernier exercera jusqu’au 3 avril 1983. Puis il est remplacé par Moustapha Niasse à la Primature, jusqu’à une révision constitutionnelle qui supprimera à nouveau le poste de Premier ministre le 1er mai 1983. Huit ans plus tard, précisément en mars 1991, Habib Thiam occupera encore ce poste de Premier ministre.
Qui pour occuper le poste ?
Avec l’annonce de sa restauration, les prétendants au poste de Premier ministre seront sans doute nombreux. Mais force est de reconnaître que dans l’Alliance pour la République (Apr) tout comme dans la coalition au pouvoir, Benno Book Yaakar, Macky n’a pas beaucoup de profils qui peuvent occuper ce poste. Seuls Aminata Touré, Amadou Ba ou encore Amadou Hott peuvent prétendre à occuper ce poste. Mais, parmi ces trois prétendants, Mimi Touré semble avoir le meilleur profil. Car, politiquement et intellectuellement, elle est outillée. Son ouverture vers l’extérieur, son courage à aller au front pour à chaque fois défendre Macky Sall sont un plus… Et si Macky pensait à un réaménagement de son équipe. Ce, en amenant Mimi Touré à l’Assemblée nationale pour contenir l’opposition qui aura sans doute de nombreux députés lors des prochaines élections législatives, Amadou Ba à la primature vu qu’il a un caractère docile qui ne fera pas ombrage à Macky Sall et Aly Ngouille Ndiaye au Secrétariat Général de la présidence…