Les lignes bougent. Oui ça bouge. Et selon un adage bien de chez nous, «ce qui fait bouger les choses est beaucoup plus fort que la chose elle-même». Il est difficile de contredire ce dicton wolof dans le contexte actuel de la marche de la presse sénégalaise. De 2012 à nos jours, l’espace séquentiel qui nous intéresse au premier chef, il y a eu des métamorphoses qui ont frappé le lecteur.
Au point que dans les forums, sur les réseaux sociaux et dans les grands-places, on constate une certaine complaisance sous Macky à la place de la virulence sous Wade. Une perception qui illustre à suffisance les réalités de la pratique journalistique au Sénégal. Mais il serait trop simpliste de penser que Wade avait volontairement laissé la presse agir en toute indépendance et jouer pleinement son rôle avant-gardiste. Les saccages des locaux de « l’As » et de « 24 heures Chrono», l’intervention brutale de la Police au groupe Sud communication, les arrestations, la violence inouïe subie par des journalistes (Kara Thioune de Wadr et Kambel Dieng de la Rfm) sont autant de faits qui démontrent les relations heurtées entre le défunt régime libéral et le monde de la presse au Sénégal.
Une ligne de démarcation qui a favorisé des mouvements d’humeur quasi unanimes contre «le monstre» avec le plus souvent un éditorial commun largement publié dans des quotidiens différents. Si aujourd’hui la témérité, qui était la marque de fabrique de beaucoup de journalistes sénégalais, s’est étiolée, ce n’est certainement pas uniquement du fait d’une politique musclée. Même si par endroits, sous Macky, la Dic est mise à contribution pour des demandes d’explications de texte, l’approche du président actuel a fait des résultats probants.
Les plus irréductibles défenseurs des principes, sont devenus des agneaux. La carotte a fait ses effets. Le bâton est utilisé avec parcimonie. Macky Sall a réussi à s’introduire dans les rédactions avec la mise en place d’une grande rédaction composée de «plumes acerbes» contestataires et de grandes gueules. C’est une aubaine. Et c’est mieux que de créer des organes du parti comme «Il est midi» dont le Directeur de publication est actuellement Pca de la Rts.
Tout un symbole. Si on y ajoute les patrons de presse alliés officiels et officieux, on comprend aisément cette « transhumance éditoriale», pour reprendre l’expression caustique d’un confrère. Les médias et l’État au Sénégal : l’impossible autonomie. Ce livre de Ndiaga Loum paru à L’Harmattan, en 2003, est d’une actualité délirante. Il est quand même heureux d’observer qu’il y a des médiats qui font dans la résistance. Jusqu’à quand ?
Nouvel Hebdo : 2017