La politique, ce n’est pas le concours général d’invectives

par pierre Dieme

Dans ce contexte où l’opposition semble reprendre du poil de la bête avec un discours musclé empreint de menaces, Aminata Touré a enfilé sa tunique de combat pour envoyer dans les cordes Ousmane Sonko, Khalifa Sall, Barthélémy Dias sans les citer

Malgré les traversées du désert qui jalonnent son compagnonnage avec le président Macky Sall, Aminata Touré n’hésite pas très souvent à monter au créneau pour apporter la réplique ou pour sévir contre les contempteurs du chef de la majorité présidentielle. Surtout quand elle sent une absence de répondant de l’autre côté. Dans ce contexte où l’opposition semble reprendre du poil de la bête en proférant un discours musclé empreint de menaces, l’ancienne Première ministre a enfilé sa tunique de combat pour envoyer dans les cordes Ousmane Sonko, Khalifa Sall, Barthélémy Dias et Cie sans les citer. Dans cet entretien avec « L’As», elle semble élever le débat en faisant l’historique la démocratie du Sénégal, mais elle les couvre d’opprobre de manière insidieuse non sans leur faire comprendre que la pyromanie et la violence ne feront jamais bon ménage avec la démocratie.

On assiste à une recrudescence de la violence verbale et même physique en cette veille des élections locales, notamment à Dakar. Cela est-il nouveau que des Locales charrient tant de passion et de tension?

Ce qui est nouveau, c’est ce nouveau style de pratique politique basé sur la violence que certains acteurs cherchent à promouvoir. Ce n’est pas acceptable. La politique, ce n’est pas le concours général d’invectives! Tous les acteurs politiques, tous bords confondus, doivent rejeter cette forme dévoyée de faire la politique. Nous avons toujours su exprimer nos divergences et contradictions politiques dans le cadre des lois et règlements qui nous régissent. C’est ce qui a permis à notre démocratie de se consolider au fil des décennies. Nous avons procédé à deux alternances démocratiques de manière pacifique. De ce point de vue, le Sénégal a été pendant longtemps une exception démocratique sur le continent et une référence dans le monde grâce au sens de la responsabilité des acteurs et à la maturité des citoyens sénégalais. Ce legs, tous les démocrates de ce pays, les militants de la paix, les hommes et femmes d’influence ont le devoir d’élever la voix pour le préserver et éviter les dérapages. Cette stratégie de la terre brûlée que prônent certains ne saurait prospérer car les Sénégalais sont des hommes et des femmes de paix qui savent ce qu’ils doivent faire le jour du vote et retournent vaquer à leur vie normale le lendemain. Il faut néanmoins continuer à sensibiliser, les jeunes en particulier qui ne sauraient être des instruments aux services des intérêts personnels des politiciens. Il est de la responsabilité de tous les acteurs de préserver notre culture politique qui nous a épargné de bien des désastres.

Vous avez été directrice de campagne à 31 ans. Vous arrivait-il de recevoir de coups ou des brimades des forces de police ?

Il faut d’abord rendre hommage aux générations de leaders politiques qui se sont battus et se sont sacrifiées pour consolider cette démocratie qu’il nous faut continuer à renforcer. Je pense à Landing Savané dont je fus en effet la directrice de campagne en 1993 et à tant d’autres qui se sont battus dans des conditions très dures car il n’y avait pas la pluralité médiatique actuelle, et les droits de l’Homme n’étaient pas à la mode à cette époque. Jusqu’au combat des leaders politiques plus jeunes qui ont animé la résistance qui a permis l’alternance de 2012 avec l’élection du Président Macky Sall qui lui-même s’est battu comme opposant sans qu’on l’ait entendu proférer des propos déplacés envers les Institutions, l’Etat et le Chef de l’Etat de l’époque. Les manifestants de 2011 et 2012 se retrouvaient régulièrement à la Place de l’Obélisque et après chaque meeting, ils tenaient à la nettoyer avant de partir en signe d’expression de leur citoyenneté. C’est cette culture politique qu’il nous faut préserver et transmettre aux générations actuelles et futures.

C’est un bon coup de pub pour l’opposition quand même, avec ces arrestations…

Il faut que l’ordre public soit maintenu, c’est la mission régalienne de l’Etat qui doit assurer la quiétude des citoyens. L’opposition a bien évidemment des droits, mais elle doit les exprimer dans le cadre des dispositions de la loi. Les citoyens ont aussi le droit de vaquer librement. La Démocratie, c’est un exercice d’équilibre de droits et de devoirs. Les politiciens sont une infime minorité des 17 millions de Sénégalais que nous sommes. Les citoyens ne peuvent pas être les otages d’une stratégie du désordre permanent prônée par une certaine opposition. Je salue par la même occasion le sang-froid des forces de l’ordre, leur professionnalisme et leur capacité à désescalader la tension artificiellement entretenue et à gérer les provocations. Seulement, il faut arrêter de jouer avec le feu.

Madame la présidente, où se trouvent les responsable de l’Apr qui sont littéralement ‘’inondés’’ par l’opposition ces temps-ci ?

C’est une grosse erreur de la part de ceux qui le pensent de croire que l’APR, Benno Bokk Yaakaar et la majorité présidentielle d’une manière générale sont impressionnées par le «va-t-en guerrisme » d’une certaine opposition. J’ai parlé des combattants de l’Alternance de 2012, ils sont tous là, certains, hélas ! nous ont quitté, qu’Allah les accueille au Paradis, d’autres sont venus renforcer les rangs. Vous savez, il aurait été facile d’organiser des contre-manifestations massives comme on le voit dans certains pays ; des Sénégalais se seraient battus contre d’autres Sénégalais, des voisins et même des parents se seraient affrontés. Quand on est une majorité au pouvoir, on a la responsabilité de préserver la paix et l’unité nationale. Nous ne tomberons pas non plus dans le jeu d’une certaine opposition, les questions de justice appartiennent à la justice. Pour ce qui concerne les questions politiques, vous nous verrez bientôt déployer notre machine pour gagner les élections à venir, pour lesquelles nous partons favoris.

N’y a-t-il pas un mot d’ordre de passivité en sourdine au sein de Bby pour dénoncer les dernières décisions du Président Sall ? C’est en tout cas ce qui se dit….

Les investitures, la lutte des postes d’une manière générale, ce n’est pas facile, cela vient avec son lot de colère et de frustrations. C’est d’ailleurs valable dans tous les camps. Mais nous ferons preuve de surpassement pour faire bloc autour de nos candidats, notamment à Dakar et partout ailleurs. Nous irons à la rencontre de nos concitoyens pour leur parler de nos projets pour les communes, les villes et les départements. Nous serons aussi à leur écoute avec humilité car nul n’est parfait

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