Pouvoir et Opposition: L’équilibre de la terreur

par pierre Dieme

Pouvoir et opposition sont désormais dans le rapport de force. Cela a été certes toujours le cas, mais, avec la particularité que, cette fois-ci, deux leaders émergent du lot pour faire face, à leur manière, au régime de Macky Sall. Il s’agit de Ousmane Sonko et de Barthélémy Dias, tous deux membres de la coalition Yewwi Askan wi ou Yaw.
A ce niveau de la confrontation politique, chaque camp, celui du pouvoir et de l’opposition est entré dans une forme d’escalade verbale, de stratégie de confrontation où chacun joue à être plus téméraire. C’est manifestement un équilibre de la terreur où aucun motif n’est de trop pour installer la peur dans le camp adverse. Sinon, comment comprendre ce qui s’est passé hier, avec l’arrestation musclée suivie de la libération de Barthélémy Dias ?

On lui aurait reproché le fait de vouloir anticiper la campagne électorale par une mobilisation qui trouble l’ordre public. Or, c’est plutôt son arrestation qui, manifestement, a troublé l’ordre public. Car, il se pose une question fondamentale. En démocratie, peut-on interdire à un leader politique, d’aller à la rencontre de ses militants et du public, en organisant des manifestations qui entrent dans le cadre de sa communication de masse ? Evidemment, non.

La preuve, comme l’ont souligné beaucoup d’observateurs, ce week-end, Abdoulaye Diouf Sarr, son adversaire le plus sérieux à la Mairie de Dakar, aurait fait la même chose avec sa caravane pour rencontrer les lébous des anciens villages de Yoff, Ouakam et autres localités. En conséquence, les autorités judiciaires ne pouvaient que le libérer étant entendu que les charges auraient été légères, trop même pour justifier une quelconque inculpation. Même si, par ailleurs, dans le camp du pouvoir, on lui reproche de ne s’être pas déplacé avec les meilleures intentions du monde et d’avoir surtout voulu troubler la quiétude publique par une attitude que l’on juge de ‘’provocation’’, il n’y avait pas lieu à l’arrêter.

La réalité est que nous sommes en pleine guerre des nerfs entre les deux camps. Du côté de cette opposition, on se dit, à hue et à dia qu’avec Macky, seule la stratégie de la confrontation paie et qu’il tente, comme il l’a fait avec Karim Wade et Khalifa Sall, de neutraliser des adversaires politiques par l’instrumentalisation de la Justice. Et du côté du pouvoir, la préoccupation, actuellement, semble être de démontrer à ces opposants que la force est de son côté. Chaque camp joue à faire peur à l’autre surtout depuis que le Président de la République a lui-même attesté qu’il ne craint rien face à ses adversaires. Une déclaration qui a sans doute convaincu ses opposants qu’ils sont sur la bonne voie. Et que le Grand Manitou tremble.

On peut mettre tout cela dans le cadre de l’agitation normale entre opposants politiques à l’approche de joutes électorales importantes. Mais, il faudrait éviter de mêler des institutions aussi importantes que la Police dans ce jeu. Les batailles politiques devant rester dans le cadre strictement politique, sans l’instrumentalisation d’institutions étatiques. Malheureusement, il y a de cela quelques jours, on a accusé, à tort ou à raison le fisc contre Bougane et aujourd’hui, c’est le tour de la Police.

L’exercice du pouvoir confère certes des avantages, mais il faut éviter d’en abuser, ce qui, manifestement, dans d’autres pays, a créé le chaos. Nous comprenons que les forces de l’Ordre reçoivent des ordres de leurs supérieurs et qu’elles ne peuvent qu’obéir, mais il y a une façon plus républicaine d’agir. Arrêter quelqu’un de cette façon et le libérer après, est une démarche qui affaiblit la capacité de dissuasion de ces forces.

Même pour arrêter un simple citoyen, il faut un motif impérieux. A plus forte raison, une autorité.

Assane Samb

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