Locales et législatives 2022, test présidentiel

par pierre Dieme

La sortie du théoricien des coups d’Etat rampant, debout et/ou couché, directeur de cabinet du président de la République, Mahmouth Saleh n’est pas anodine

La sortie du théoricien des coups d’Etat rampant, debout et/ou couché, directeur de cabinet du président de la République, Mahmouth Saleh n’est pas anodine. D’ailleurs, absolument rien n’est anodin dans les faits et gestes posés par le Chef de l’Etat et ses plus proches collaborateurs. Les absences d’Amadou Bâ, Idrissa Seck, Mimi Touré dans les investitures non plus. Le président Macky Sall se prépare à la conservation du pouvoir en 2024 pour lui ou son dauphin qu’il protège intelligemment. Quant à Khalifa Sall et autres Karim Wade, ils devraient jeter leur va-tout sur les prochaines Législatives en espérant imposer une cohabitation, seul gage pour leur amnistie. Sinon, ce sera Ousmane Sonko l’autre adversaire à abattre.

De Grand-Yoff à Kaolack, Aminata Touré continue à chercher sa voie. Thiès est et reste un «titre foncier» de Idrissa Seck qui, même s’il n’est pas candidat, dicte sa loi et la conduite à y tenir. Amadou Bâ, qui ne dispose toujours pas de fonction élective, nonobstant son apport incommensurable lors des Législatives de 2016 pour arrêter le tsunami déclenché par Khalifa Ababacar Sall depuis 2014, sans occulter la victoire de Macky Sall à Dakar en 2019, est devenu une réalité politique non négligeable, par son intrigant silence dans l’épreuve. Que dire aussi de Ousmane Sonko qui fait trembler plus d’un avec un discours qui hypnotise les jeunes !

IDY, LE PHENIX SENEGALAIS

Tel un phénix, Idrissa Seck renait toujours de ses cendres. Perdu par les rencontres de midi qui ont offert à un boulevard à Me Abdoulaye Wade pour la réélection en 2007, l’ancien Premier avait touché le fond en 2012 avec seulement 11 823 voix (5,73%) derrière le pape du Sopi (40,83 %), Macky Sall (28,88 %), Ousmane Tanor Dieng (12,04 %), Moustapha Niasse (6,29 %). Or, en 2007, Seck avait obtenu 510 922. Soit 14,92 % des suffrages exprimés, devant le candidat socialiste, Ousmane Tanor Dieng (464. 287 voix, soit 13,56 %). Alors que plusieurs observateurs avaient fini d’enterrer Idy qui était tombé du Charybde en Scylla en l’espace de 5 ans marqués par un jeu de yoyo donnant du tournis à plus d’un, le théoricien de la marche bleue de Me Wade en 2000, profite de la situation politique en 2019 (condamnation de Khalifa Sall, exil de Karim Wade) pour s’afficher comme le seul et unique chef de l’opposition capable de faire face à Macky Sall. Il ne sera pas le 4ème président de la République mais s’en sort avec un score plus qu’honorable. Sur les 4 386 139 suffrages valablement exprimés, il décroche 898.674 voix, soit 20,50% derrière Macky Sall, 2 554 605 voix (58,27 %). Ce qui fait du Chef des Rewmistes, le leader de l’opposition. Sauf qu’après avoir pourtant produit un livre blanc pour contester la victoire de Macky Sall, il finit par le rejoindre en occupant la présidence du Conseil économique social et environnemental (CESE) à la place de… Aminata Touré. Reste à savoir si cette énième volte-face va sonner le glas d’un des hommes les plus brillants du Sénégal, qui a même osé changer de confrérie dans un pays où même si les marabouts sont en perte de vitesse, gardent encore une influence sur certains talibés. En 2024, Idrissa Seck aura 65 ans. Pour l’heure, il semble avoir acquis une vertu qui lui manquait : le silence.

SONKO JOUE GROS A ZIGUINCHOR

La candidature d’Ousmane Sonko à la mairie de Ziguinchor était très attendue. Elle était scrutée comme une lune à la veille de la fin du mois de Ramadan. Le leader du Pastef/Les Patriotes n’a pas déçu. Mieux, il a eu le courage de se jeter dans la bataille. A ses risques et périls. L’ancien inspecteur des impôts et domaines semble avoir compris qu’un homme politique doit disposer d’une base. Lors de la Présidentielle du 24 février 2019, il avait réalisé le meilleur score dans sa Casamance natale ne faisant qu’une bouchée de la coalition Benno Bokk Yaakar nonobstant tous les leaders politiques issus de l’Alliance pour la République et des partis alliés dans cette partie du Sénégal. Sonko avait renflé les trois départements, récoltant 41.391 à Ziguinchor devant Macky Sall (32.846) ; à Bignona, il s’adjuge 51.438 (contre 27.398 à Macky) et 9.209 voix à Oussouye laissant 8707 voix au candidat de la coalition Benno Bokk Yaakar. Tel un ouragan, il avait tout balayé sur son passage. Mais, il s’agissait là d’une élection présidentielle. Donc d’une rencontre entre un homme et son peuple. Va-t-il confirmer cette performance ? Arrivé 3ème lors de la Présidentielle de 2019, avec 687.065 voix, soit 15,67%, le Leader de Pastef/Les Patriotes s’impose désormais comme le Chef de l’opposition sénégalaise, depuis que Idrissa Seck a rejoint le camp présidentiel. Par conséquent, il a plus que jamais besoin de conserver sa base, comme Macky Sall l’avait fait en 2009 quand il a été contraint de quitter le PDS pour fonder l’Alliance pour la République. Y arrivera-t-il ? Mystère et boule de gomme ! En cas de victoire, il va s’offrir un large boulevard pour la conquête du pouvoir en 2024. En revanche, en cas de défaite, il risque de perdre du terrain. Toutefois, il faut quand même reconnaître que le divorce entre le maire sortant Abdoulaye Baldé qui crie à la trahison en accusant le Président Sall de n’avoir pas respecté sa parole et la Coalition Benno Bokk Yaakar et surtout le choix porté sur Benoit Sambou qui peine à convaincre certains ténors de l’APR, à cause d’un manque de charisme supposé ou réel au vu des différentes défaites qu’il a essuyées, plaident en faveur du leader des Patriotes. A moins que l’électorat de Seydou Sané ne pèse au finish sur la balance. Mais, il ne faudrait pas oublier qu’il s’agit d’un suffrage universel à un seul tour. Ziguinchor comme partout ailleurs, les citoyens peuvent se retrouver avec des maires légaux mais illégitimes parce que n’ayant pas obtenu 50 % des suffrages. Ousmane Sonko joue donc gros.

AMADOU BA, LA BOTTE SECRETE ?

Plus d’un observateur peine à comprendre la désignation du ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, au détriment de Amadou Bâ pour briguer la mairie de Dakar. Les faucons du Palais, s’ils existent d’ailleurs, sont accusés d’avoir influencé le choix du président de la République. Pourtant, l’histoire a montré que Macky Sall semble agir seul, soufflant souvent le chaud et le froid pour brouiller les cartes. Pour preuve, qui a vu venir la suppression du poste du Premier ministre ? Personne. Mais pour rester le seul maître à bord du navire en direction de la présidentielle de 2024, depuis son «ni oui, ni non», il a intelligemment évité d’exposer un seul de ses camarades. C’est ainsi que Mahammed Boun Abdallah Dionne a été logé au Palais avec le poste du Secrétaire général de la Présidence. Pis, tous les potentiels candidats sont retirés du gouvernement pour «délit d’ambitions». Amadou Bâ, Aly Ngouille Ndiaye, Mouhamadou Makhtar Cissé, puis Aminata Touré dont le seul et unique pêché serait son opposition à un 3ème mandat, sont renvoyés. Paradoxalement, il n’y a pas eu de tremblement de terre. Au contraire ! La seule bronca entendue ou rébellion menée, est venue de Mimi Touré avant qu’elle s‘estompe au détours de quelques rencontres avec le Chef pour éteindre le feu. Mais de tous les «bannis», seul Amadou Bâ s’est vu plus ou moins ressusciter. Comme nous l’avons écrit dans l’édition du week-end en s’affichant avec le président de la République lors des condoléances chez les Layènes et à Thiénaba Seck suite au rappel à Dieu de leurs Khalifes généraux. La presse relèvera aussi l’exposition de Ba-Sall à Dubaï. Mais au finish, l’ancien argentier de l’Etat et ancien Chef de la diplomatie sénégalaise devrait se contenter d’un titre pompeux de coordonnateur national de la coalition Benno Bokk Yaakar pour les Locales du 23 janvier 2022. Ce qui ne peut ne pas susciter des légitimes interrogations. Macky Sall protègerait-il son dauphin pour éviter qu’il ne soit déjà la cibles d’attaques devant le fragiliser en perspective de la Présidentielle de 2004 ? Chercherait-il à le tuer à petit feu ? Ou bien viserait à faire le vide autour de lui pour pouvoir se présenter en 2024 ? Aucune des interrogations ne devrait être écartée face au machiavélisme dont le patron de l’APR a fait montre depuis son accession à la magistrature suprême.

KHALIFA SALL ET KARIM WADE HORS COURSE

Khalifa Ababacar Sall et Karim Meïssa Wade ne seront pas candidats pour la mairie de Dakar. Ce n’est pas parce qu’ils ne le veulent pas. Mais plutôt parce qu’ils ne le peuvent pas. Et pour cause, ils ne sont ni électeurs ni éligibles. Ne soyons non plus pas étonnés qu’il en soit ainsi jusqu’après la Présidentielle de 2024. Au moins pour deux raisons politiques. Si Macky Sall décide de se lancer dans la course nonobstant ses déclarations et écrits (son livre le Sénégal à cœur) et/ou celles de son ancien Garde des Sceaux, ministre de la Justice, non moins Professeur du droit constitutionnel, il va tenter un autre coup KO comme ce fut le cas en 2019. D’abord avec le système du parrainage. Un filtre qui a permis d’éviter l’éclatement des voix. Mais aussi et surtout, la mise à l’écart de Khalifa Sall et Karim Wade qui a évité tout ballotage et un éventuel second tour souvent fatal aux présidents sortants. Pour conserver le pouvoir, pourquoi est-ce que Macky Sall permettrait une amnistie à ses adversaires ? Et même si le Chef de l’Etat n’entend pas se présenter à la présidentielle, pourquoi devrait-il courir le risque de mettre en difficultés celui qu’il aura choisi pour lui succéder en permettant à Karim Wade et Khalifa Sall de retrouver leurs droits civiques ? C’est dire qu’aucun des scénarii ne plaide en leur faveur. Ils sont et resteront hors course ! C’est dire que la Présidentielle de février 2024 est déjà lancée !

Abdoulaye THIAM 

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