Si le rire est thérapeutique, Kouthia est maître dans l’art de soigner ses concitoyens par sa verve et son humour. Mais comédien de son temps, il n’est pas déconnecté des réalias de son époque. Son humour est d’une incisive chirurgie pour nous départir de nos travers et de nos tares. Cet entretien fait à bâtons rompus a été une séance de pédagogie sociétale.
Dégustez….
De votre vrai nom Samba Sine, dites-nous ce qui motive dans l’humour ?
A vrai dire, je fais de l’humour pour enlever le stress autour de moi. J’ai toujours vécu dans un environnement sans stress, j’y ai grandi. Mon grand frère avait des amis qui passaient à la maison. C’est de là que je me suis intéressé à l’humour, pour décompresser et distraire les gens. J’avais entre 10 et 12 ans. Je faisais des contes qui faisaient rire les gens.
Vous imitez des gens, dont des personnalités. Est-ce un don ?
C’est un don du bon Dieu. J’ai la facilité d’imiter les gens sans forcer. Quand j’imite quelqu’un, c’est comme si une force intérieure m’inspire. Je ne fais pas dans la demi-mesure, je fais tout comme il faut, je n’épargne aucun détail. Je fais en sorte de ressembler à la personne que j’imite, alors oui j’ai un don.
Qu’est-ce que cela vous a apporté comme succès ?
Beaucoup de choses. Mon talent a « dépassé les frontières » de l’Afrique. En Amérique, ils ont parlé de moi quand j’ai imité Donald Trump et Hillary Clinton, ça a beaucoup plu. Un journaliste de CNN est venu expressément au Sénégal faire un reportage sur ma personne, sur comment je traite l’actu. Je n’ai même pas eu besoin de parler anglais pour faire parler de moi chez eux. Ce fut un réel succès et je ne peux qu’en être fier. « Sama humour yémoul Sénégal ».
Comment le vit votre famille ?
Mes enfants n’ont aucun problème avec mon métier, ils sont nés et m’ont trouvé comédien. Je ne suis pas né dans une famille d’artistes. Mais dans l’environnement où baignent les familles sénégalaises, c’est toujours cet air jovial. Je suis le petit frère d’Alé Sine, Directeur des impôts et domaines. Ses camarades de promo étaient des étudiants qui fréquentaient la maison, dont Me El Hadj Diouf, Ousmane Ngom, entre autres. Bref cette crème sénégalaise qui venait chez nous m’a appris à lire des journaux, dont « le Cafard libéré », « le politicien ». Mes enfants aussi sont nés d’un père artiste. Mes enfants ne sont pas complexés. Je remercie le Tout-puissant, ils sont dans de bonnes écoles. Ils ont de bonnes notes. Ce que je fais ne les dérange guère.
Vous n’êtes jamais à court d’idées, quelles sont vos sources d’inspiration?
Ma source d’inspiration n’est rien d’autre que l’information. Parfois je me demande si je ne suis pas un journaliste-humoriste. Je traite de l’actualité au quotidien, je parle du vécu des Sénégalais, j’en fais un mélange sucré salé. Kouthia c’est un guignol de l’info en version humoristique.
Vous est-il arrivé d’avoir des problèmes pour avoir mis quelqu’un en scène dans votre « Kouthia show » ? Avez-vous déjà fait l’objet de menace ?
Non ! Cela n’est jamais arrivé et je ne pense pas que ça soit le cas un jour (Il cherche à toucher du bois), parce que je fais les choses comme il se doit, je m’informe d’abord avant d’informer les autres. Quand j’imite quelqu’un, je fais en sorte de ne pas lui manquer de respect, je reste courtois. Ce dont je suis sûr, c’est que je ne m’attirerai jamais d’ennuis avec les imitations parce que je sais ce que je fais, je sais où je mets les pieds. Ce que je ne conçois pas, c’est les gens qui utilisent les personnes en situation de handicap pour faire rire. En 30 ans de carrière, je n’ai reçu ni menaces, ni reproches.
Kouthia a-t-il des sens interdits, des rôles qu’il n’interprétera jamais ?
Ce que je ne ferai jamais, c’est d’imiter un homme religieux. Pour éviter cela, je suis même allé jusqu’à créer mon propre personnage religieux, j’ai un langage « arabe » que j’ai personnalisé. A m’entendre parler, on a l’impression que je parle arabe. Tout ça pour ne pas causer de tort.
Pouvez-vous revenir sur l’épisode du Fespaco ?
Pour cette affaire du Fespaco, je préfère ne plus en parler. Ce n’est pas un fake news, c’est avéré. Je ne comprends pas pourquoi les gens sont aussi méchants. Quand d’aucuns ont dit que c’était un fake news, tous les sites l’ont repris. Le Sénégal fait partie des pays africains. Si on dit que Kouthia est le plus grand humoriste africain, c’est normal, je fais partie des meilleurs dans mon domaine. Même si c’était un fake news, mon humour n’a pas de frontière.
Kouthia est-il aimé de tous ?
Je ne veux pas que tout le monde m’aime. Même le Prophète (PSL) avait des ennemis. Ce qui me dérange, c’est qu’aucun comédien dans mon lieu de travail, n’ait pris son téléphone pour me féliciter. Je n’attends rien d’eux. Je suis le meilleur en Afrique et je reste le meilleur dans mon domaine. Je m’inspire de l’information au quotidien pour mes prestations, j’ai un don de Dieu. Ceux qui pensent que j’ai déjà pris ma retraite peuvent déchanter. J’ai l’avenir devant moi !
Quels sont vos projets ?
Je ne peux les dévoiler. Car d’aucuns s’inspirent des projets des autres pour faire du copier-coller. Il y a quelque chose qui se prépare et ce sera une bombe. J’ai remporté le prix « Sédar » de Nouvel horizon.
Je remercie tout le monde, dont mes parents, en particulier ma mère. Que la paix règne dans les cœurs et au Sénégal. Que la méchanceté cesse entre les personnes. Je remercie Sa Ndiogou qui a été un grand homme. C’est lui mon partenaire chez les comédiens. Mon humour n’a pas de frontières.