Ils ont des profils XXXL. Technocrates respectés devenus politiciens controversés, ils s’assument enfin en allant à l’assaut des élections territoriales pour espérer gagner une légitimité populaire, gage d’une longévité aux côtés du Président Sall.
Dans le domaine de l’économie et des finances, il avait atteint les cimes, en travaillant pour les plus grandes firmes du monde. Un des postes les plus prestigieux qu’il a eu à occuper, c’est celui de vice-président de la Banque africaine de développement en charge du Complexe Energie, Croissance verte et changement climatique ; poste occupé pendant trois ans environ. Auparavant, Amadou Hott avait roulé sa bosse un peu partout dans le monde, notamment en France, Londres, Etats-Unis, etc. Ancien directeur général de UBA Capital, fondateur et directeur général d’Afribridge Capital, Hott a commencé sa carrière à la Société Générale à New-York, avant de rejoindre le Groupe BNP Paribas à Londres en tant que banquier d’investissement. Il a aussi servi à la Banque néerlandaise ABN AMRO où il devient banquier d’affaires spécialisé sur l’Afrique.
Très à l’aise aussi bien en anglais qu’en français, Amadou Hott a des états de services qui forcent l’admiration dans les domaines tels que le financement structuré, la gestion des fonds souverains, la banque d’investissement, les infrastructures et le développement de solutions énergétiques intégrées. Un parcours exceptionnel qui lui valut de taper dans l’œil du président de la République, Macky Sall, nouvellement élu en 2012. A la tête du Fonsis (Fonds souverain d’investissements stratégiques), il est the right man at the right place. Un homme qui force le respect de tous.
Mais, dans la galaxie du Président Sall, tout laisse croire que, pour avancer, il ne suffit pas d’être compétent. Il faut surtout accepter de descendre dans la mare politique. A l’instar de Maitre Sidiki Kaba, ténor de la société civile, respecté et aimé de tous, qui a préféré troquer son boubou de défenseur invétéré des droits de l’homme contre celui de politicien, souvent prêt à défendre son parti, en dépit et contre tout. On pourrait aussi citer l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, ancien directeur général des impôts et domaines, Amadou Ba.
Comme ses devanciers, Hott est devenu presque méconnaissable depuis qu’il a décidé de lier son destin à celui d’un homme, en l’occurrence le président de la République Macky Sall, dont il est devenu le principal lieutenant au cœur de la banlieue de Yeumbeul Sud. Banquier, celui qui est devenu ministre en charge de l’Economie, depuis 2019, a osé remettre en cause des chiffres de la très respectée Agence nationale des statistiques et de la démographie (ANSD), pour sauver son mentor à tout-prix.
Avec les Locales, il espère justifier de son assise populaire pour continuer à compter dans le cercle restreint des hommes du Président. Sauf retournement extraordinaire de situation, il est parti pour être celui qui va défendre les couleurs de Benno Bokk Yaakaar aux locales de 2022.
Avoir une base pour sauver sa peau des humeurs présidentielles
Il aurait suffi de dire qu’il ait été nommé président de jury au concours d’agrégation du CAMES, Section Droit, pour attester de son envergure intellectuelle de classe mondiale. Lui c’est Ismaila Madior Fall, agrégé en Droit public et Professeur titulaire des universités depuis 2016. Il sera ainsi le troisième sénégalais à goûter à ce graal continental, après les éminents professeurs Madany Sy et Babacar Kanté. Malgré sa présence aux côtés du président de la République depuis 2012, Madior a su rester au contact de l’université où il donne des enseignements aux doctorants, encadre des thèses et prend part aux sessions de préparation des candidats au concours d’agrégation.
En 2018 déjà, à l’occasion d’une séance de dédicaces de deux livres qu’il venait de publier à L’Harmattan, alors qu’il était encore ministre de la Justice, son présentateur révélait qu’il compte à son actif une trentaine de thèses, dont une agrégation. Ses publications, il serait difficile de les lister. Tellement elles sont foisonnantes : Evolution constitutionnelle du Sénégal : de la veille de l’indépendance aux élections de 2007 ; texte constitutionnels du Sénégal ; le pouvoir exécutif dans le nouveau constitutionnalisme des Etats d’Afrique ; les conditions électorales en Afrique ; les élections présidentielles au Sénégal, de 1963 à 2012 ; la réforme constitutionnelle du 20 mars 2016 au Sénégal, pour ne citer que quelques-uns de ses livres.
Ce qui fit dire à l’Administrateur de L’Harmattan que : ‘’Madior a su gardez son âme même en plongeant dans la mare politique. Je puis le dire, parce que j’ai édité la moitié de ses livres’’.
Mais le candidat à la mairie de Rufisque a-t-il véritablement conservé ses attributs de scientifique pur et dur dont les écrits valent édits ? Ils seront à coups sûrs nombreux les Sénégalais à répondre par la négative. Naguère prof adulé et respecté de tous ses pairs, Madior a beaucoup perdu de son aura, depuis qu’il a commencé à flirter avec la politique. Mais l’homme assume et a décidé de se mouiller jusqu’au cou, en convoitant la mairie de Rufisque. Contrairement à Hott, lui fait face à une opposition farouche au sein même de la majorité présidentielle, où une dualité s’est instaurée entre lui et le président de la coalition départementale, le ministre Oumar Gueye.
Mais à l’instar de son collègue de Yeumbeul Sud, il a de plus en plus la gâchette facile, à l’approche des locales.
Au péril des principes sacro-saints de la science
Il y a encore peu, Aminata Assome Diatta était totalement méconnue du grand public. Haut fonctionnaire, sortie de la très prestigieuse Ecole nationale d’administration du Sénégal, Assome est un pur produit de l’administration du Commerce. Commissaire aux enquêtes économiques de formation, elle a eu à diriger plusieurs directions régionales du Commerce : Tambacounda, du 26 juillet 2006 au 30 janvier 2008 ; Thiès du 30 janvier 2008 au 23 décembre 2010 ; Fatick dans la ville du président de la République, du 23 décembre 2010 au 8 juillet 2012. En 2013, Assome connut une promotion en devenant Conseiller technique chargée du Commerce et de l’entreprenariat de la Première ministre Aminata Touré ; poste qu’elle va garder sous Boun Abdallah Dionne, avant d’être nommée directrice du Commerce extérieur, puis ministre de la République, en charge du Commerce et des PME, depuis la réélection de Macky Sall.
A l’instar de ses collègues, elle n’a pu résister aux sirènes de la politique et se pose en candidate idéale pour la mairie de Keur Massar, quitte à défier son camarade de parti et maire très controversé de la localité. Comme pour montrer que l’administratrice a désormais fait sa mue et est prête à tout pour survivre dans la jungle politique, où la représentativité est gage de longévité. Elle est ainsi sur les traces de Aïssatou Sophie Gladima, qui aspire, depuis 2014, à devenir la première mairesse de Joal Fadiouth.
Titulaire d’un doctorat d’Etat en Géophysique appliquée en hydrogéologie et Géochimie isotopique, la Présidente de l’Association africaine des femmes en Géosciences (Asfeg) compte sur la mairie de Joal pour donner une nouvelle trajectoire à son engagement politique. Pour elle aussi, une défaite dans la localité pourrait être fatale. Investie par ses camarades de parti, elle attend la validation du président de la République, président de BBY, pour espérer devenir la première femme maire de Joal, la ville du président Léopold Sédar Senghor.
L’obstacle de la socialisation
Comme chez les ministres qui aspirent à devenir maires pour l’entretien de leur clientèle politique, en vue d’étrenner de nouveaux galons, les directeurs généraux ‘’technocrates’’, non plus, ne sont pas en reste. Oumar Boun Khatab Sylla compte s’appuyer sur son succulent gâteau de Dakar Dem Dikk pour gravir des échelons. Pour lui, cela doit passer par un poste électif à Louga, poste également convoité par Mamour Diallo, énarque, ancien patron Des domaines. Même si tout porte à croire que le Président va trancher pour son autre poulain, le maire sortant Moustapha Diop, les fonctionnaires promettent de se battre jusqu’au bout. Il en est de même de Cheikh Issa Sall, autre magistrat, qui croit dur comme fer qu’il sera le prochain maire de Mbour. Ababacar Sadikh Bèye tisse sa toile à Dieuppeul. Beaucoup d’autres technocrates comptent aussi aller à l’assaut des mairies, lors des prochaines élections locales.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que si les profils, sur le papier, peuvent difficilement trouver du répondant dans les camps d’en face, ces derniers ont souvent un handicap de taille : leur défaut d’encrage social. Pour la plupart, ils comptent sur la puissance financière du pouvoir pour renverser la tendance. Ce qui n’est pas toujours évident.
MOR AMAR