La récurrence des cas de meurtres et assassinats atroces, ainsi que la délinquance extrême ne cesse d’alimenter un sentiment d’insécurité grandissant chez les populations. Un fléau qui met l’Etat sous le feu des critiques de la part des Sénégalais, qui jugent très mauvaise, la politique étatique en matière de sécurité des personnes et de leurs biens. Et, de plus en plus de voix s’élèvent pour appeler au retour à la peine de mort, abolie de l’arsenal judiciaire du Sénégal pour juguler le mal. Mieux, le résultat d’une enquête d’Afrobaromètre, publié le mardi 28 septembre 2021, montre qu’une grande partie des Sénégalais (68%) est favorables à l’introduction de la peine de mort. Interpellé sur la question, Seydi Gassama, Directeur exécutif d’Amnesty International section Sénégal s’est veut très prudent quant à la crédibilité de cette enquête, appelant à s’attaquer plutôt «aux causes profondes de la criminalité».
Une grande partie des Sénégalais (68%) serait favorable à la réintroduction de la peine de mort. C’est le résultat d’une enquête publié, hier, mardi 28 septembre 2021, par Afrobaromètre. Réagissant par rapport à ce sondage, le Directeur exécutif d’Amnesty International, section Sénégal, Seydi Gassama, reste prudent. «Je ne sais pas dans quelle condition cette enquête a été menée. Je ne peux pas également me prononcer sur la crédibilité de cette enquête. Tout ce que je peux dire, c’est que, si, aujourd’hui dans un pays comme la France, la même enquête avait été menée, il y aurait certainement le même pourcentage de français qui seraient d’accord pour le retour la peine de mort», relève-t-il. Selon lui, les erreurs judiciaires notées ainsi que certaines initiatives citoyennes dans beaucoup de pays ont occasionné l’abolition d’une telle pratique. «C’est dans tous les pays du monde où, lorsque l’opinion est consultée, elle est généralement favorable à la peine de mort. Tous les pays qui ont aboli la peine de mort, cela l’a été suite à une initiative, à un moment donné de l’histoire du pays, d’une classe politique dirigeante, qui s’est dit que la peine de mort était inefficace pour lutter contre la criminalité. Que la peine de mort comportait beaucoup de risques du fait de tous les problèmes liés aux erreurs judiciaires et qu’il fallait l’abolir».
Et «c’est en cela que ça a été, en 2004, sous l’ère d’Abdoulaye Wade, en faisant d’abord adopter une Constitution. C’est la Constitution du Sénégal, adoptée à l’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir, qui a aboli la peine de mort. Parce qu’elle proclame que la vie humaine est sacrée, elle est inviolable ; l’Etat a l’obligation de la protéger», précise M. Gassama, qui ajoutera : «dès l’instant que dans la Constitution, cette disposition est inscrite, l’abolition de la peine de mort allait de soi. C’était tout simplement une question de processus et on arrive à ce processus».
LA PAUVRETE, LE DESŒUVREMENT DES JEUNES, L’ALCOOL, LA TOXICOMANIE, LES MALADIES MENTALES, CES RACINES DE LA CRIMINALITE AU SENEGAL
Par ailleurs, il prône pour le débat sur les causes profondes du fléau de la criminalité au Sénégal. «Je crois qu’aujourd’hui au Sénégal, le débat ne doit plus être de dire : «on ramène la peine de mort». Le débat doit être de dire : «attaquons nous aux causes profondes de la criminalité», indique-t-il. Avant de renchérir sur ces origines : «les causes profondes de la criminalité, on les connait. Evidemment, c’est la pauvreté, c’est le désœuvrement des jeunes, c’est l’alcool, la toxicomanie, c’est les maladies mentales. Ce sont toutes ces questions-là, qui constituent en réalité de grands problèmes pour la criminalité». Concernant la situation générale de la peine de mort, le droit-de-l’hommiste fera constater que «la tendance, aujourd’hui au niveau mondial, va vers l’abolissement. En Afrique, chaque année, nous avons deux ou trois pays qui abolissent la peine de mort. Le dernier pays à abolir la peine de mort, c’est la Sierra-Léone». Ce qui, l’amènera à dire que, pour notre pays, connu pour son engagement au respect des droit humains, «le Sénégal ne peut plus revenir en arrière ; ce n’est pas possible. Le pays est connu mondialement pour son combat pour le respect de la vie humaine».
D’ailleurs, rappelant l’histoire de la peine de mort au Sénégal, il souligne : «la peine de mort, depuis l’indépendance du pays, alors qu’elle existait, seulement deux personnes ont été exécutées. Elles n’ont pas été exécutées parce qu’elles ont tué un citoyen lambda, des citoyens lambda ont été tués au Sénégal dans le cadre de la criminalité, mais les deux personnes qui ont été exécutées, l’ont été parce que l’un a assassiné un homme politique important, Demba Diop, qui était un baron du pouvoir de Léopold Sédar Senghor. Et l’autre qui a été exécutée, l’a été pour un attentat contre Léopold Sédar Senghor», se souvient-il.
Ousmane GOUDIABY