Paris, le 22 septembre 2022
A la très Haute Attention de M. Jean Yves Le DRIAN, Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères
Monsieur le Ministre,
Les filières d’immigration clandestines prennent des formes diverses, constituent une des formes importantes de la criminalité organisée et sont souvent associées à d’autres formes de criminalité organisée comme la production de faux documents, la prostitution, et le blanchiment d’argent. Mais, lorsque ces filières sont organisées par des représentants du peuple, en l’occurrence, des députés, cela témoigne d’une faillite extrêmement grave de l’Etat.
La convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques accorde des privilèges et des immunités aux représentants des États, pour leur permettre d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions relatives aux missions diplomatiques.
Le titulaire d’un passeport diplomatique bénéficie de l’immunité diplomatique conférée par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
L’attribution et l’usage d’un passeport diplomatique, y compris « celui accordé à titre de courtoisie » sont strictement encadrés par la loi qui détermine les ayants droit (membres du gouvernement membres du Conseil Economique et Social, députés, diplomates, hauts magistrats, et fonctionnaires sénégalais en service dans les organisations internationales, etc…).
Au Sénégal, l’esprit de la Convention de Vienne a été détourné de son objet et dévoyé par certains députés appartenant à la mouvance présidentielle.
En effet, 2 députés, Monsieur Mamadou SALL et Monsieur Boubacar BIAYE sont impliqués dans un vaste trafic de passeports diplomatiques. De faux certificats de mariage ainsi que de fausses pièces d’état civil ont été établis pour permettre à des personnes se réclamant « épouses ou enfants de députés » de bénéficier d’un passeport diplomatique, aux fins d’une émigration clandestine. Contre rémunération, en espèces sonnantes et trébuchantes (des millions de F CFA).
A ce stade, nul ne sait le nombre exact de députés sénégalais mêlés dans les trafics de papiers, ni l’ampleur du phénomène (fabrication de faux passeports diplomatiques) qui dépasse largement les cas des 2 députés précités. Par ailleurs, il est clairement établi que ces faux passeports diplomatiques ont été utilisés frauduleusement et ont servi à alimenter des filières d’immigration clandestine.
Le démantèlement des filières d’immigration clandestine et la traque des passeurs qui exploitent la misère de leurs concitoyens constituent une priorité pour la France et l’Union Européenne.
La délivrance frauduleuse de passeports diplomatiques entache la crédibilité de l’état du Sénégal, nuit à l’image de la diplomatie sénégalaise et crée un climat de suspicion à l’endroit des bénéficiaires de passeports diplomatiques délivrés en bonne et due forme. Les citoyens sénégalais sont les premières victimes des agissements des députés-passeurs.
Nous vous alertons ainsi que le Consulat de France au Sénégal afin que les 2 députés passeurs dénommés Monsieur Mamadou SALL et Monsieur Boubacar BIAYE, impliqués dans ce trafic de faux passeports fassent l’objet d’un signalement, en qualité de passeurs, et ne puissent plus fouler l’espace SCHENGEN. Un autre député sénégalais du nom de Seydina FALL, placé sous mandat de dépôt le 22 novembre 2019, par le doyen des juges du tribunal de grande instance de Dakar pour association de malfaiteurs, contrefaçon de signes monétaires en cours légal au Sénégal, blanchiment de capitaux et tentative de corruption, d’agents publics assermentés (gendarmes) devrait être interdit d’accès à l’espace SCHENGEN.
Notre démarche ne vise nullement à priver d’honnêtes citoyens sénégalais, titulaires d’un passeport diplomatique établi en toute légalité, ou à des demandeurs de visa, d’accéder au territoire français ou européen. Il s’agit au contraire de lutter contre la fraude documentaire, d’assainir la situation au niveau de l’octroi des passeports diplomatiques pour éviter que leur délivrance ne donne lieu à un trafic pouvant alimenter des filières d’immigration clandestine ; ce qui est de nature à porter un énorme préjudice aux demandeurs classiques sénégalais de bonne foi (entrepreneurs, étudiants, artistes, etc…).
Il appartient à l’état du Sénégal de faire preuve de transparence, de diligenter une enquête et de procéder à un audit complet de tous les détenteurs de passeports diplomatiques pour déterminer le nombre en circulation et les ayants-droit. Le bureau des passeports spéciaux, rattaché au Cabinet de la Ministre des Affaires Etrangères et des sénégalais de l’extérieur doit clarifier son rôle dans ce trafic qui éclabousse l’Etat du Sénégal, et rendre public le nombre de passeports diplomatiques et la qualité de détenteurs. Cette démarche est seule à même de lever le doute et permettre aux détenteurs de vrais passeports diplomatiques, délivrés en toute légalité, de pouvoir circuler sans entrave, et d’éviter une humiliation lors des passages aux frontières.
Les députés incriminés doivent rendre compte de leurs actes, devant la Justice sénégalaise, qui doit faire son travail en toute indépendance. Ce qui passe par une levée de leur immunité parlementaire. Or à ce jour, l’assemblée nationale, malgré la gravité des charges qui pèsent contre eux (trafic de papiers, dans le cadre d’une filière d’immigration clandestine) rechigne à enclencher la procédure, car les plus hautes autorités couvrent les 2 députés, et entravent délibérément l’action de la justice.
Dans l’espoir d’un examen attentif de la présente alerte, et des suites que vous pourrez lui apporter, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.
M. Seybani SOUGOU – Citoyen Franco-sénégalais résidant à Paris